L’écriture, c’est beaucoup plus concret. Tes cinq sens font le travail à ta place. En écrivant ce qu’ils te disent et rien d’autre, tu es sûr d’avoir du style, car la personnalité se fond dans une parole sincère. Tu dois dire simplement : ce que tu vois, ce que tu entends, ce que tu sens, ce que tu touches, ce que tu manges.
Ayant failli mourir, je vois mes jours différemment, présents ou passés. Le passé redevient présent, les choses d’hier me semblent vivre aujourd’hui, mon enfance à L’Aber, mes sorties en canot avec l’abbé Suchard qui me récompensait d’un chou que j’allais cueillir dans son potager, les cafés au lait à la cuisine avec les filles de la campagne, les promenades à la rivière avec l’une ou l’autre, cette quête aussitôt née de l’odeur des filles autour de moi, inséparable de l’instinct vital.
Rien de tel qu’une sœur éblouissante au piano pour coucher le monde à vos pieds. Le monde, le délectable monde, l’éternel féminin. En 1965, je fais les beaux soirs du Conservatoire de musique, rue de Madrid, avec l’aisance du marlou frimant dans les bars de Pigalle.
Le beau, c’est trois choses. La première : la sincérité. La deuxième : la sincérité. La troisième : la sincérité. Le beau, c’est encore autre chose…
La parole écrite avance vers le futur, elle ne revient pas en boitillant sur les pas de géants moulés dans la glaise des sentiers battus. Une langue neuve, moderne, inusitée avant lui, un cri jamais crié, c’est l’honneur de l’écrivain, ce crieur de silence.
Les plus grands poètes ont commencé par dire leurs sentiments.
La poésie n’est pas un genre mineur, c’est l’art littéraire le plus exigeant, c’est une soif d’absolu.
C’est ça qui est prodigieux avec la poésie. Elle n’explique rien. Elle vient. Elle est ce qu’elle est. De l’émotion pure.
Le monde est à feu et à sang, les Russes ont installé des missiles à tête nucléaire dans la baie des Cochons et vous vous plaignez d’être à la neige, misérables punaises que vous êtes, sales petits bourgeois…
On est beau soi-même quand elle sourit. Encore plus beau quand elle rit, du côté des dieux. Son rire embellit l’être humain sur son passage et, si j’avais à dessiner son âme, c’est son rire que je dessinerais au centre d’une feuille blanche.