Tout en sifflotant, il se dirigea vers Miranda et s’assit à ses côtés.
— Bonjour, mon cœur.
Elle leva les yeux au ciel d’un air exaspéré.
— Encore vous ?
— J’espère être le seul à vous appeler ainsi ?
Elle ne répondit pas, comme si elle attendait qu’il s’en aille.
— J’essaie de lire, dit-elle.
— Excellente idée. J’aime les femmes qui ont de la conversation.
Sans lui demander la permission, il lui prit le livre des mains.
— Orgueil et Préjugés. Est-ce intéressant ?
— Je le saurais si vous me laissiez lire.
Ignorant sa pique, il ouvrit le livre au tout début.
— C'est une vérité universellement reconnue, lut-il à voix haute, qu'un célibataire pourvu d’une belle fortune doit avoir envie de se marier...
Miranda tenta de reprendre l’ouvrage mais il l’éleva hors de sa portée.
— Hum... dit-il, pensif. Voilà une remarque intéressante. En ce qui me concerne, je suis assurément à la recherche d’une épouse.
— Allez à Londres, répliqua-t-elle. Vous en trouverez autant que vous voudrez.
— Et je suis doté d’une belle fortune, poursuivit-il tout en se penchant vers elle pour lui rendre son livre. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.
— Vous me voyez ravie de vous savoir à l’abri du besoin.
Il éclata de rire.
— Oh, Miranda ! Pourquoi vous battre contre l’inéluctable ? Vous ne gagnerez pas ce combat.
— Je ne connais aucun pasteur qui marierait une femme sans son consentement.
— Oh, mais vous allez consentir, répliqua-t-il.
— Pourquoi donc ?
— Parce que vous m’aimez.
Miranda refréna une furieuse envie d’étrangler Turner.
Lorsqu’elle prononça son nom, il baissa les yeux vers ses lèvres. Pleines, rondes, sensuelles... C’étaient des lèvres faites pour les baisers.
— Turner?
— Très, répéta-t-il, comme s’il était sur le point d’avoir une révélation.
— Très quoi ?
— Très séduisante.
Il secoua la tête comme pour s’arracher au sortilège qu’elle semblait lui avoir jeté et répéta :
— Vous êtes devenue une jeune femme extrêmement séduisante.
Elle poussa un soupir.
— Turner, je vous en prie, inutile de me mentir pour ménager ma fierté. Non seulement cela est une insulte à mon intelligence, mais c’est encore plus blessant que tout ce que vous pourriez dire au sujet de mon apparence.
Turner s’écarta légèrement, un sourire incrédule aux lèvres.
— Je suis sincère, s’entendit-il répondre, à sa propre surprise.
Miranda se mordit les lèvres, soudain nerveuse.
— Oh, dit-elle, sans doute aussi étonnée que lui. Eh bien... je suppose que je vous dois des remerciements.
— Eh bien, les lèvres pleines sont nettement préférables aux lèvres minces, déclara-t-il d’un ton théâtral.
Turner s’était pris d’amitié pour cette étrange gamine ; il aurait dit n’importe quoi pour la consoler.
— Pourquoi ? demanda-t-elle.
Turner lança une muette prière d’excuse aux dieux de l’étiquette et des convenances avant de répondre :
— Les lèvres pleines sont bien plus agréables à embrasser.
— Oh...
La petite rougit, puis un sourire éclaira son visage.