je viens de lire un bien intéressant petit essai de
Henri Raczymow, déjà auteur de deux autres ouvrages sur
Proust: «Le cygne de
Proust», et «Le Paris retrouvé de
Marcel Proust»
Cette fois l'auteur se propose d'évoquer ce que l'on peut savoir des derniers moments de celui qui a reçu le prix Goncourt, en novembre 1919, alors même qu'il vient de s'installer depuis un mois, à sa dernière adresse, au 44, rue Hamelin. Il a 48 ans et il ne lui reste que trois ans à vivre. C'est Gallimard en personne qui vient lui annoncer la bonne nouvelle, accompagné entre autres de
Jacques Rivière mais
Proust ne les reçoit pas: il s'en excuse mais il est fatigué. Gallimard insiste par l'intermédiaire de Céleste et la rencontre a finalement lieu mais c'est pour refuser à l'éditeur le grand banquet qu'il veut donner pour célébrer l'événement. Après son départ,
Proust ordonne à Céleste de ne plus laisser entrer personne et de ne plus répondre à aucune question du moindre visiteur :… «rien, motus. Il dessine une croix contre ses lèvres.»
Proust, le mondain, ne veut plus voir de monde. Il a bien mieux à faire. Sa seule préoccupation désormais est d'améliorer, de perfectionner son roman, qu'il connaît par coeur et qu'il ne cesse de transformer. D'ailleurs sa santé se dégrade. "Ses crises d'asthme sont de plus en plus fréquentes. le docteur lui fait des piqûres de morphine. Cela l'abrutit."
Lucien Daudet lui reproche d'être devenu: "Un professionnel de la littérature" et
Reynaldo Hahn se plaint que le Marcel illustre soit moins attachant que le Marcel d'avant le succès.
C'est lui pourtant qui envoie des pneumatiques à tous leurs amis le jour fatidique:
"Notre cher Marcel est mort ce soir, après un mois de maladie pendant lequel il a obstinément refusé de se laisser soigner."
Défile alors un long cortège:
"Le premier à venir le dimanche 19, c'est
Léon Daudet, qui pleure. Puis la comtesse de Noailles qui prend Céleste dans ses bras en sanglotant. Puis
Paul Morand, Fernand Gregh, la princesse Lucien Murat,
Robert Dreyfus qui n'a pas le coeur d'entrer dans la chambre et repart aussitôt,
Lucien Daudet, le frère cadet de l'autre, Georges de Lauris,
Robert de Billy,
Edmond Jaloux qui remarque son masque creux et maigri, les ombres verdâtres sur son visage, portrait d'un grand peintre espagnol, puis Jean cocteau,
Gabriel Astruc, Marthe et Suzy
Proust,
Jacques Porel qui passe au doigt de Marcel un camée offert naguère par
Anatole France à sa mère Réjane, après la première du Lys rouge, en 1899. le peintre Helleu, Dunoyer de Segonzac,
Man Ray sollicité par
Cocteau...
Tel est le sujet et le style du livre : très vivant ! .