C'est incroyable ce qu'on peut stocker comme informations inutiles, moi qui ne fais même pas de mots croisés.
Depuis des siècles, la mer avait attiré les hommes et les avait arrachés à leurs terres. En pleurant, des femmes et des enfants avaient dit au revoir à leurs pères, frères, maris et fils. Lors des tempêtes, ceux qui était restés avaient passé des heures à prier. si la mer avait pris tant de vies, elle leur avait malgré tout permis de subsister. Marin un jour, marin toujours. La terre ferme n'était qu'une halte entre deux voyages en mer.
Je me suis vue soudain crever son oeil avec un couteau pointu, j'ai cru entendre le bruit chuintant et poisseux que ferait la cornée quand la pression derrière l'oeil céderait, et j'ai visualisé le liquide clair et gélatineux, salé comme de l'eau de mer, qui jaillirait de la blessure.
Des gens pleins aux as, venant des quatre coins du monde, à la recherche de sensations fortes. Des gens qui en avaient assez de monter à dos de chameau en Egypte, de se promener en gondole à Venise, ou d'écouter, avec un mélange de peur et de jubilation, les sirènes de police devant leur hôtel à Manhattan.
Prise de claustrophobie, j'ai ouvert le hublot et reçu une giclée d'eau salée à la figure. Ca m'a fait du bien. Je me suis léché les lèvres, au bon goût d'eau de mer.
La mousse était souple sous mes pieds, sentait bon quand j'enfonçais mes doigts dedans. Même si on était en août, et que, d'après l'agence de voyages, la floraison était presque finie, j'ai découvert plein de touffes de fleurs minuscules aux couleurs ravissantes. J'ai arraché une tige qui ne mesurait que deux centimètres. Dans ce pays, visiblement, on ne pouvait pas faire cavalier seul et prendre racine de manière isolée. En groupe, on pouvait à la rigueur survivre. Sinon, c'était la mort assurée.
Il me disait que c'était triste de se promener tout seul et qu'il fallait être à deux pour ressentir une émotion et pouvoir la partager ensuite.
C'est vrai qu'un beau paysage s'apprécie parfois mieux à plusieurs.
Une femme prénommée Larissa nous attendait au bar dans un chemisier de soie à pois mettant en valeur une grosse poitrine laiteuse qui montait et descendait derrière l'étoffe lisse.
J'ai alors aperçu des oiseaux, des montagnes, une plage brune dans le lointain. J'ai eu soudain envie de peindre. Mais comment rendre cet air cristallin?