Citations sur Les porteurs d'eau (102)
Un grand penseur des pays du Couchant te racontera l’histoire d’un homme qui crie partout posséder un grand secret en lui qu’il ne dévoilera qu’à la fin de sa vie. Mais il meurt accidentellement sans pouvoir le dire. En fait, son grand secret était qu’il n’en avait aucun ! » Une pause, un regard, puis une morale : « En effet, notre grand secret se cache dans ce Rien. »
Une question habituelle pour un Afghan, à laquelle tu donnais ta réponse habituelle : « C’est une histoire de pipeline qui doit traverser tout le pays pour acheminer le pétrole de l’Asie centrale au Pakistan. Donc encore un jeu des États-Unis et leurs alliés.
Comme toujours, tu déclinais d’abord ton identité de Français, sachant que ton léger accent te trahirait à coup sûr, et en particulier quand tu voulais perdre l’autre au jeu des devinettes, en appuyant davantage sur tes cordes vocales. Celle ou celui qui ne trouvait pas tes origines devait t’offrir un verre. Mais Nuria, sans hésitation aucune, t’avait affirmé de but en blanc : « Afghan ! »
Ton souvenir, c’était ton présent vécu. Tu ne pouvais donc rien prédire. Tu te souvenais lui avoir demandé encore une fois d’où elle venait. Elle t’avait répondu qu’elle était d’origine catalane.
Tu revivais la situation, tu reconnaissais cette jeune fille brune à qui tu demandais pourquoi elle avait écrit Amsterdam avec trois points d’exclamation. Et elle te répondait dans un français impeccable, et désirable, avec son accent néerlandais : « Pour qu’on me voie et m’entende.
À toujours rouler derrière un volant, Soleyman n’avait pas dû retrouver beaucoup de traces sur terre. Il devait donc être encore en vie, errant dans les contrées dont il ne reconnaissait pas le sol. Il n’a qu’à revenir.
Les paroles de ta mère te replongent dans la source profonde de ta vie. Tu les avais oubliées, alors que ces paroles étaient attachées à l’image que tu gardes d’elle. Contrairement à ce qu’elle disait, personne ne l’avait jamais vue pleurer, ni de tristesse, ni de joie, ni de douleur, jamais ; même pas le jour où toi, son jeune fils de dix-neuf ans, tu étais parti seul et clandestinement en exil. Ni à la mort de son mari non plus. Ni même plus tard le jour où le médecin lui a dit de faire ses adieux à ses proches…
Dans ta langue maternelle les deux mots œil et source ont la même origine, tchashm et tchashma !
« La flamme consume l’air et la chaleur tarit la source. » Il disait aussi : « La source est l’œil de la terre ; elle nous voit si nous la contemplons dans la lumière, et elle gardera notre image dans ses sombres profondeurs, appelant notre âme. »
Il revendiquait la source comme sa propriété, parce que c’était lui qui l’avait découverte. Tout fier, il ne vendait pas cette eau. « Cette eau, disait-il à tout le monde, était de l’eau bénie, de l’eau qui venait du mausolée Pir-é Bland, un saint musulman, un vrai, enterré au flanc de la colline. D’où sa clarté et sa pureté, d’où sa tiédeur et sa douceur ».