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Citations sur La cité de l'indicible peur (5)

À cinquante ans passés, on le trouvait toujours à sa même place dans Swan Lane, gras à lard, rose et souriant ; son nez en boule de gomme chaussé de fines lunettes d’or et une jaquette d’étrange confection, à bourrelets aux hanches, le faisaient ressembler à un Pickwick en vertugadin, grossièrement agrandi au pantographe.
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ILS
Ces brèves pages liminaires ont-elles vraiment pour but de porter la lumière dans la nuit ? Sont-elles de force à allumer la lanterne du chasseur de mystères ? On n'oserait l'affirmer.
La "grande peur", qui hanta durant près de cinq siècles les coulisses de l'histoire d'Angleterre, joue-t-elle un bout de rôle dans la multiple tragédie d'Ingersham ?
Nous sommes dans la seconde moitié du XIVème siècle.
Chaucer a terminé quelques-uns de ses merveilleux "Contes de Canterbury"...
(extrait de l'introduction de l'édition parue chez "Marabout" en 1965)
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Ces brèves pages liminaires ont-elles vraiment pour but de porter la lumière dans la nuit ? Sont-elles de force à allumer la lanterne du chasseur de mystères ? On l’oserait l’affirmer.

La « Grande Peur », qui hanta durant près de cinq siècles les coulisses de l’histoire d’Angleterre, joue-t-elle un bout de rôle dans la multiple tragédie d’Ingersham ?

*

Nous sommes dans la seconde moitié du XIVe siècle.

Chaucer a terminé quelques-uns de ses merveilleux Contes de Canterbury. Il connaît la gloire, la fortune, les honneurs. Mais, disciple de Wiclef, il se bat sans profit pour la réforme religieuse qui se prépare dans toute l’Europe. Des troubles éclatent en Angleterre, le lord-maire de Londres s’y trouve compromis, ainsi que Chaucer, étroitement lié avec lui. L’écrivain, secrètement averti, prend la fuite au moment où les gardes du régent vont s’emparer de sa personne.
Il demande asile à la Hollande, aux Flandres, au Hainaut. Mais l’exil lui pèse et il revient secrètement en Angleterre.

Il passe la nuit à Southwark, bourgade qui lui est chère.

Une rumeur étrange le réveille et l’attire vers la fenêtre.

Il voit une troupe d’hommes blêmes et silencieux déambuler par la rue ténébreuse ; ils portent des torches aux flammes livides et, tout à coup, de brume et de clair de lune, ils bâtissent des murailles menaçantes : une prison !

Chaucer comprend que ces créatures ne sont pas de ce monde, et qu’elles lui annoncent la perte de sa liberté.

Une voix déchirante lui jette un nom inconnu dans le silence nocturne : Wat-Tyler !
Chaucer connaîtra, en effet, un dur séjour dans la geôle de Tower, mais il ignorera naturellement Wat-Tyler et la terrible rébellion de 1640, celle qu’il a aidé à préparer, trois siècles avant qu’elle n’éclatât.
Plus tard, les honneurs lui étant revenus, dans sa retraite sylvestre de Woodstock, il parlera à mots couverts de la vision prophétique, et désignera les fantômes bâtisseurs de geôles de fumée, de ce moi plein de terreur et d’incompréhension : Ils…
Cent ans plus tard, aux approches de l’année 1500, des hordes de gens affamés, brûlés de fièvre, descendent de Calédonie, sèment leurs cadavres de Balmoral à Dumfries. Ils ne volent ni ne mendient… Ils courent, tombent et meurent en criant : Ils arrivent ! Ils…

Les montagnards des Cheviots quittent leurs maisons de rondins de chêne et se joignent aux fuyards, annonçant l’atroce venue d’Ils…

Qui sont-ILS ? On ne le saura jamais mais les estafettes de la Grande Peur meurent sans dévoiler leur effroyable secret.

*

1610. — Le maire de Carlisle va se mettre à table ; il va traiter de son mieux quelques amis et des notables de la région.

Les truites de l’Eden grillent au feu clair ; des turbots du Solway sont accommodés au vin d’Espagne ; la forêt Cumbrienne a fourni une ample venaison ; les premiers grouses ont apporté une succulente contribution au menu. Un rôtisseur célèbre de Bradford a fait des lieues et des lieues, en calèche, pour cuire des pâtés, des gâteaux d’avoine fine, des darioles au beurre et des nougats à la mode de France.

La soirée d’automne est douce à souhait ; dans les rues passe, au chant des fifres, un cortège aux lanternes.
On s’attable, on verse des vins de Portugal et d’Italie. Le cortège a disparu, les chansons meurent dans le lointain, les dernières lanternes s’évanouissent dans l’ombre bleue du soir.

Tout à coup s’élève une clameur sinistre : « Ils viennent ! »

Des gens courent, brandissant torches et fourches. On crie : « Aux portes ! Aux portes ! » Les agapes sont interrompues, le maire donne des ordres au guet, aux hallebardiers volontaires, aux hommes d’armes du roi qui séjournent d’aventure dans sa bonne ville.

Ils… n’arrivent pas, la campagne baignée de lune est déserte ; mais le lendemain trois cents personnes sont mortes de peur, dans la ville, et parmi elles sept hôtes du maire.

On ne saura jamais pourquoi.

*

La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.
La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.

*

1770. — Preston est une ville sans joie, elle l’est d’ailleurs restée jusqu’à nos jours, et rien ne prouve qu’elle ne continuera de l’être, On s’attable, on verse des vins de Portugal et d’Italie. Le cortège a disparu, les chansons meurent dans le lointain, les dernières lanternes s’évanouissent dans l’ombre bleue du soir.

Tout à coup s’élève une clameur sinistre : « Ils viennent ! »

Des gens courent, brandissant torches et fourches. On crie : « Aux portes ! Aux portes ! » Les agapes sont interrompues, le maire donne des ordres au guet, aux hallebardiers volontaires, aux hommes d’armes du roi qui séjournent d’aventure dans sa bonne ville.

Ils… n’arrivent pas, la campagne baignée de lune est déserte ; mais le lendemain trois cents personnes sont mortes de peur, dans la ville, et parmi elles sept hôtes du maire.
On ne saura jamais pourquoi.
La même année, le fantôme d’Anne Boleyn apparaît dans le Tower et cent douze personnes sont étranglées dans Londres par… des fantômes. Podgers les a décrits d’ailleurs : ils ont à peine forme humaine et on n’aperçoit, jaillis de troncs vaporeux et amorphes, que leurs énormes mains d’égorgeurs.

*1770. — Preston est une ville sans joie, elle l’est d’ailleurs restée jusqu’à nos jours, et rien ne prouve qu’elle ne continuera de l’être, mais la vie y est bonne et calme. Les habitants sont restés fidèles aux sectes puritaines, ils sont gens de gros bon sens, pratiques, âpres au gain et ennemis de tout ce qui frise la fantaisie.
Un jour, un dimanche aux portes et fenêtres closes, voués aux prières, aux cantiques et aux citations bibliques, les tocsins se mettent en branle dans les six tours de la cité pieuse.
— Ils sont là !
Du haut des murs, on voit les gens fuir dans la campagne ; les bateliers de la Ribble se hâtent vers la ville, à grands coups d’avirons.
Le maire Sedwick Evans envoie une troupe d’hommes armés à la rencontre des problématiques ennemis.
À peine la moitié de leurs effectifs rentrera dans les murs, au soir tombant. Ils n’ont rencontré personne, mais ils ont laissé treize hommes morts dans la campagne, et vingt autres ont fui vers la mer en hurlant de terreur. Ils ne reviendront plus.

Que s’est-il passé ? On ne le sait… La Grande Peur est venue.

*Cette frayeur mystérieuse, cette silencieuse agression d’invisibles est-elle périodique dans la grande Ile ? On est tenté de le croire.
Les monstres continuent à surgir brusquement des eaux glacées du Loch-Ness, les Jack the Ripper restent toujours en potentiel, maître de la terreur de Londres. Les brownies dansent encore au clair de lune sur les landes d’Écosse et attirent les voyageurs dans les ravins et les lacs sans fond.
La Banshee, fée de la mort, chante par les minuits maudits et le Tower se peuplera éternellement de spectres sanglants.

L’Épouvante, citoyenne de droit des villes et bourgs d’Angleterre, a-t-elle pris corps à Ingersham, pour y tirer, de ses affreuses mains de brume, les ficelles des pantins humains ?
La logique dit non mais, devant la Grande Peur, elle n’est qu’un oiseau affolé qui fuit à larges coups d’ailes vers l’horizon, laissant les hommes qui espèrent encore en elle sans protection ni défense.

*

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- M. Chadburn, le maire, m'a raconté que cette poupée de cire figura, jadis, dans un show de foire, la terrible tueuse à la hache, la Pearcy. Quand j'étais encore en fonctions, je me suis complu souvent à feuilleter l'album des crimes et des criminels, dont chaque bureau de police possède un exemplaire. Eh bien ! Je puis vous assurer que la ressemblance était, selon moi, assez frappante, surtout dans l'image présentée en profil.
- Mon Dieu ! gémit Miss Ruth Pumkins en portant la main à son coeur. Que faut-il croire alors, monsieur Briggs ?
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- Rien n'explique mieux les mauvaises choses de la vie que l'intervention du diable et de ses spectres, ils font une déshonnête concurrence à la police.
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