Citations sur Le noir est une couleur (10)
A pas de louves, à pas de tigresses et d’oiseaux, nous marcherons sur la lune s’il le faut, nous gagnerons l’espace qui nous revient, à nous qui sommes le baume sur les blessures, et l’eau dans le désert, parfumées, étincelantes, offertes et blessées, douces et violentes, femmes et magiciennes, princesses de nos sens et du désir des hommes.
A tant d’amies disparues, mortes de solitude, de trop d’amour donné, jamais reçu : à leur mémoire, il faudra que je dise comment le quotidien les a assassinées, et le mépris des gens. Et comme elles étaient belles, généreuses, pleines de talent et de mystère, entourées de tous ceux qui avaient tellement besoin d’elles, qui avaient faim de leurs caresses, de leur tendresse, de leur infinie patience, de leur savoir, de leur pouvoir.
RONNIE. Dieu nègre à la peau braisée de calcinée, au parfum d’orchis et de gingembre, au sexe comme un grand lys noir.
Ronald Rodwell au visage de panthère, au front lisse, aux épaisses lèvres fendues comme une écorce. L’iris violacé de tes yeux est un puits profond, il est ma nuit, mon alcool, ma drogue.
J’ai bu à la pointe de ton sexe une liqueur au goût de soufre et d’ammoniaque, je me suis abreuvée aux sources salées de ton ventre, aux grains de raisin bleu de ta poitrine.
J’ai frémi sous tes cuisses dures, lentes à l’assaut, et déchaînées ensuite comme un océan furieux. J’ai crié, j’ai hurlé, j’ai agonisé sous la morsure de ta lame d’ébène, ses brulures, ses déchirures au plus profond de mon ventre.
Tu m’as tuée, tu m’as ressuscitée, et je n’en finis pas de revenir à la vie, dans le limon de nos jouissances mêlées, entre tes deux typhons noirs qui m’enserrent.
Je n'ai pas une larme. Je m'installe dans le malheur comme une chenille dans son cocon.
Tout le mal qu'on m'a fait, la faim, les coups, la tôle, tout ça, je m'en fous ! Je ne verserai pas de larme sur la merde passée ! Mais sur toi ce soir je verse des larmes d'amour, Noir qui m'as sauvée, qui m'as aimée, nourrie, caressée. Mes enfants aujourd'hui encore se souviennent de toi, et je pleure quand je pense à tes bras. Où que tu sois, sache que tu es toujours dans mon cœur, assis à la place royale, tu es intact sous l’écorchure du temps.
Au début, je n'osais pas me mettre nue.
Mais Sonja m'a dit :
_Tu peux te laver sans crainte. Tata a tellement vu de femmes nues au camp de concentration, des mortes et des vivantes, qu'il y est habitué, ça ne lui fait plus rien.
Oui, c'est mon corps qu'on mange, ce sont ma chair, mes larmes qui ruissellent sur la table. L'âcreté de ma nuit sans sommeil parfume les plats.
Dormez en paix, constellations brisées.
[Postface]
Je ne me cache plus. Les temps ont changé, nous nous sommes révoltées. Il a fallu, à la face du monde, que des milliers de femmes sortent de la nuit et parlent, écrivent, se rassemblent, sous des masques parfois mais aussi à visage découvert, et crient leur vérité, leur vie.
[Postface]
Ces soldats noirs, ils avaient un coeur éclatant comme leurs dents blanches, leurs mains c'étaient nos oreillers, leurs corps c'étaient nos maisons, nos havres dans les naufrages.