Une providentielle camionnette de boulanger avait porté les garçons jusqu'au village.Ils s'exclamaient à chaque tournant.ils connaissaient surtout les Alpes dauphinoises,farouches et dénudées.La Tarentaise atteignait à la grandeur en restant charmante.Ils étaient encore dans de douces prairies semées de peupliers et de saules,et déjà les glaciers se dressaient devant eux.A l'écart des grands circuits de tourisme,cette vallée, avec ses moulins de bois sur le torrent bleu et sa couronne de calmes sapins,respirait une paix dont on croyait le secret perdu pour l'Occident.Dans cette idylle limpide,chaque clochette de troupeau innocentait Jean Jacques.La plupart des paysannes portaient encore la coiffe,avec le galon doré,en croissant,serrant la tête,la "frontière".
Que de couples, de baisers et d'étreintes ! Sous les arbres des jardins, une odeur étourdissante de belles enfants en volupté se répandait avec les ombres de la nuit. L'amour et la mort allaient de pair.
Pas assez de spirituel, trop de temporal, et du temporel qui tourne parfois à la politicaille. Oh ! Il m'arrive devant certains cures de me sentir catholique éructant et rugissant, à la Léon Bloy.
(mIchel)
Ce ne sont pas les philosophes qui me l'ont appris, mais beaucoup plus certains peintres, un Rembrandt, un Vermeer, un Cézanne, par les victoires mentales que chacun de leur chef d'oeuvre suppose. Puisque nous sommes des hommes, aspirons au sublime non point par des sauts dans un vague [...] d'idées, mais dans ce que notre vie a de plus précisément, de plus platement et implacablement humain, pour chaque parcelle de temps qui la compose. C'est notre nature même qui nous conseille pour cette tâche et nous la facilité. Nous pouvons tous dépasser l'étiage de ce qui forme notre vie moyenne, avec ses concessions, ses capitulations, ses paresses, ses gaspillages, des caprices du physique, les contingences, l'argent, le climat, le prestige, la faim, le sexe. Nous avons tous des aspirations à satisfaire. Il faut les connaître d'abord, et pour cela les observer, les toucher, les accepter, même si elles nous effraient, puis tout leur abandonner.
Michel avait apporté pour cette nuit-là tout un chapelet de notes sur l'exercice de la grandeur dans la vie quotidienne [...] la lutte doit être continue. Même dans les accalmies, le guerrier ne doit jamais se relâcher. C'est un combat à mener heure par heure, où il n'est jamais de circonstances trop petites, trop mesquines, trop banales pour qu'on les néglige [...]
Loi majeure de la tâche : la grandeur par les petits efforts.
Michel montait la garde de son amour [...] il s'interrogeait : comment aimait-il Anne-Marie dans ce misérable matin ?
Régis m'a si souvent dit que la phobie des bourgeois était la première page de votre catéchisme...
(Anne-Marie à Michel)
les hommes de qualité ont besoin de broyer leur contingent de sous-verge.
Vous m'énervez à la fin, avec vos besoins porcins d'explications. Il y a des choses qu'on doit voir, qu'on doit renifler, et qui ne se définissent pas autrement. Les poètes se meuvent dans des dimensions qui n'ont rien à voir avec vos géométries.