Machiavel n’aime pas les gens d’Église. Il méprise les moines, les tient pour fourbes, hypocrites et simulateurs : il a, dans sa comédie de la Mandragola, imaginé le personnage de fra Timoteo. Cette méfiance, ce mépris et cette moquerie, conformes à une vieille tradition joyeuse et plaisante, qui n’est pas spécialement florentine ou italienne, n’ajoutent rien d’original ou d’imprévu à ce que Machiavel a pu lire dans Boccace ou l’oeuvre des nouvellistes. Ce qui compte, c’est le jugement qu’il porte, à maintes reprises, sur le catholicisme.
La certitude républicaine de Machiavel se nourrit d’abord d’une tradition communale et florentine. Il reste attaché aux institutions, aux lois, aux assemblées, aux magistratures de la cité ; ces institutions, moyennant quelques retouches, lui paraissent, dans l’ensemble, suffisantes pour assurer les libertés du citoyen ; c’est-à-dire le droit essentiel de n’être régi que par des lois librement débattues devant les assemblées et les conseils dont il fait partie ou dont il a librement élu les membres. Tradition civique, mal compatible avec le despotisme ingénieux et dur de Cosme et de Laurent.
Dès que l’on essaie de saisir la pensée politique de la Renaissance italienne, deux noms s’imposent à l’esprit : Machiavel et Guichardin. Deux œuvres dont le caractère a, depuis quatre siècles, frappé, surpris, étonné historiens, moralistes ou théoriciens du droit.