Il semblait qu’aujourd’hui un homme n’épousait une femme que s’il avait eu des relations sexuelles avec elle d’abord.
Travailler dans un snack-bar, comme il l’avait fait, était acceptable : c’était comme être un acteur en période de relâche
Il y avait beaucoup de choses que les autres faisaient tout le temps et qu’elle n’avait jamais faites. C’étaient les choses de tous les jours dont elle avait été protégée par sa fortune et sa mauvaise santé. Elle n’avait jamais utilisé un fer à repasser ou enfilé une aiguille, ni pris l’autobus ou fait la cuisine pour autrui ; elle ne s’était jamais levée de bonne heure par nécessité, elle n’avait jamais gagné de l’argent, ni attendu pour voir le docteur ou fait la queue.
Son arrière-grand-mère ne s’était jamais habillée sans l’aide d’une femme de chambre, mais les temps avaient changé.
Elle devait posséder une qualité sans laquelle aucune femme ne répondrait à ses attentes : le don de la tendresse et de l’attention, une douceur aimante et maternelle.
Les hommes n’aiment ni ne respectent les femmes qui se sont « données » à eux et sont encore moins disposés à les épouser.
Elle savait déjà que sa mère disait « agréable à regarder » quand elle voulait dire « belle », tout comme elle disait « affection » pour « amour ». Et elle savait aussi qu’elle était belle et s’en réjouissait. Elle savait de surcroît que sa mère, qui était belle aussi, était consciente que sa beauté se fanait.
Être appelé « monsieur », ce qui lui arrivait rarement, adoucissait toujours le mécontentement de Jarvis. Il ne pouvait s’empêcher de se dire que c’était la manifestation d’une infinie bonté de la part d’un autre être humain de lui accorder pareille déférence, que celui qui lui parlait ainsi devait avoir une nature particulièrement douce et généreuse, devait l’aimer et le respecter.
Il semblait qu’aujourd’hui un homme n’épousait une femme que s’il avait eu des relations sexuelles avec elle d’abord.
Les principes moraux avaient commencé à perdre tout leur sens et les gens disaient tout ce qui leur passait par la tête, en particulier le genre de choses qui autrefois étaient remplacées dans les livres par des points de suspension ou qu’au tribunal on écrivait sur des feuilles de papier qu’on tendait ensuite au juge.
Les hommes n’aiment ni ne respectent les femmes qui se sont « données » à eux et sont encore moins disposés à les épouser.