Je n'ai jamais entendu ma mère expliquer l'importance du respect de la femme et du consentement à Vincent. Pourtant, elle m'a mise en garde un nombre incalculable de fois quand je partais en soirée.
"- Et si tu devenais sympa avec moi ? Je veux dire tous les jours.
Je me braque aussitôt. La légèreté de ce moment résidait justement dans l'omission de notre conflit.
- La sympathie ne se commande pas, elle se mérite.
- Tu es dure. Plus qu'avant, déclare-t-il.
[...]
- C'est perturbant, parce que tu restes toi... Mais il y a cette amertume qui te rend distante avec les gens.
- Distante avec toi, je le corrige.
- Pourquoi ?
- Parce que je te déteste."
"- Mais peut-être que prendre le risque de souffrir, c'est te donner des chances d'être heureux ?"
J'attrape sa main pour la serrer dans la mienne. Peu importe où je vis, tant que Vic est avec moi. Ma maison c'est elle.
Il tourne la tête et je rencontre ces yeux noirs. Il ne m'a jamais paru aussi beau qu'à cet instant.
Et il sourit . Adam sourit. C'est une expression qui me fait réaliser qu'il est en vie. Qu'il va bien.
Je sens l'essence de la personne que je suis ressurgir.
Je sourit.
Et j'espère qu'on continuera à se sourire et à être nous-même encore longtemps.
Toute ma vie, je me suis persuadé que j'exerçais une forme de contrôle sur ma maladie en menant mon quotidien comme je l'entendais, sans rien prendre au sérieux. Quand c'est en fait, elle qui me dictait une existence sans avenir. Elle m'a empêché de me découvrir.
Une relation qui touche à son terme n'est pas nécessairement un drame. C'est même le destin naturel de toute évolution dans les relations sociales. L'important, ce sont les enrichissements avec lesquels on ressort de chaque expérience humaine.
- Il ne m'en a pas fallu beaucoup pour t'aimer, pourtant. Je t'aimais avant même de te rencontrer.
Vic, ma Vic, hausse les sourcils de cette façon provocante et irrésistible que j'adore.
- Ah oui? C'est possible, ça ?
- Tout à fait. Je t'aimais déjà quand j'espérais que tu existais.
- Ces acteurs, cette voix off robotique n'aident pas les gens à comprendre ce que vivent les malades. les télespectatuers ne se doutent pas combien la maladie est un calvaire. Ni comme il est dur de se lever tous les matins avec la perspective qu'on va mourir prochainement. Ils n'ont pas idée d'à quel point la maladie peut conditionner, voire déterminer entièrement le quotidien des malades. Les malades ne vivent pas : ils survivent. Ils courent, vite, de plus en plus vite, en espérant parcourir la plus grande des distances jusqu'à ce que la mort les fauche.
Ce n'est pas normal. Je ne devrais pas avoir à me méfier d'un type qui m'aborde un verre à la main, Lili devrait pouvoir boire comme elle l'a fait tout en pouvant compter sur la bienveillance de son entourage quand elle perd le contrôle. En tant que femme, on me responsabilise depuis que je suis petite pour toujours être prudente, ne jamais faire confiance à n'importe qui, ne pas me rendre vulnérable à cause d'un verre de trop ou d'une jupe trop courte... Et toutes ces contraintes sans traiter le fond du problème, à savoir éliminer la menace qui nous impose cette crainte permanente.
Je n'ai jamais entendu ma mère expliquer l'importance du respect de la femme et du consentement à Vincent. Pourtant, elle m'a mise en garde un nombre incalculable de fois quand je partais en soirée.
La scène entre Lili et ces deux garçons à laquelle je viens d'assister me fait réaliser que le loup n'a pas de visage. Il n'y a aucun profil type pour anticiper une possible agression. Le loup peut être un inconnu un soir dans une rue déserte, mais aussi un proche, un ami, un amoureux, un compagnon, un mari, un parent, un membre de la famille... Le loup peut être riche, pauvre, cultivé, ignorant, intelligent, stupide... Cette incapacité à mettre une apparence sur une menace prouve qu'il s'agit d'un problème sociétal profond. Et le simple fiat de songer que je côtoie peut-être tous les jours celui qui sera probablement le loup d'une autre à un moment donné me donne des frissons.