N'importe quel acteur vous dirait que le costume fait la moitié du travail.
"Tant de sévérité dans ces pages et ici tant de douceur. Chaque époque édictait ses codes et ses rites, ses lois et ses transgressions. Ici, en cette autre journée d'été, plus de trois siècles et demi plus tard, je faisais l'expérience d'une sorte de nirvana. Nirvana : extinction d'une flamme, d'une fièvre, apaisement, détachement, libération. Adieu angoisses, colère, regrets. Les mouvements du ponton de bois sur lequel je m'étais allongée suivaient le clapotis de l'eau le long de la berge, comme les oscillations de mon aiguille intérieure".
Un jour, mon appartement a brûlé, et avec lui, toute ma bibliothèque.
Tous les auteurs que j'aimais, ceux qui m'avaient aidée à me construire, ceux qui m'avaient accompagnée comme une famille, ceux qui avaient bercé mes moments de solitude, tous sont partis en fumée. Comme dans un mauvais rêve, une sorte d'holocauste. Sont morts des poètes russes, américains, des romanciers français, anglais, allemands. Et, d'une certaine manière, moi aussi, je suis morte avec eux.
À partir de ce moment ma vie a changé. Je n'ai plus cru en rien, ni au bonheur, ni à l'immortalité, ni que la vie puisse avoir une signification. Le fait qu'un appartement et tous les souvenirs qu'il renferme, tous les secrets, se transforment en cendres, le fait d'échapper de justesse à la mort me sont apparus comme l'événement le plus sinistre, le plus dénué de sens qui soit. L'épreuve n'a pas fait de moi une meilleure personne. Je ne suis pas devenue plus sage, plus généreuse, je n'ai pas eu de révélation. Je me suis sentie amoindrie, amère. Je me suis refermée sur moi-même pour lécher mes plaies.
Il (Nietzsche) dit qu'il faut vivre anti-historiquement. Comme les animaux et les enfants qui vivent dans l'instant, sans conscience du passé ou du futur. Alors que nous autres, les adultes, nous vivons en tant qu'êtres imparfaits, inachevables, entre ce qui était et ce qui sera. Nous ne pouvons oublier. Il nous faut toujours espérer, attendre une perfection rêvée mais impossible, inaccessible. Nous nous souvenons toujours des occasions manquées, nous sommes pleins de regrets, pleins d'amertume. Nous sommes constamment déchirés entre la nécessité d'être et d'avoir été.
- Mais vous, petite femme française, vous avez aussi votre lettre écarlate. Elle est douloureuse à porter mais c'est la vôtre. Faites-en l'usage que vous pourrez ! (...)...pensez à notre cher Nathaniel Hawthorne qui a si bien compris les tourments de l'âme humaine et qui était capable, pourtant d'un tel goût pour le bonheur ! (p.267)
-Je sais, c'est pour nous incompréhensible, n'est-ce-pas ? Des mondes naissent et meurent, coexistent dans le temps, s'ignorent. Certains d'entre eux arrivent à un point de quasi-perfection. Des idées magnifiques en surgissent, des réalisations sublimes, des esprits originaux et supérieurs éclosent, puis tout disparaît, englouti par la poussière du temps. Jusqu'à leur mémoire, parfois. (p.108)
-Georgia, demandai-je après un moment, à propos de transcendance, en quoi voudriez-vous vous réincarner ?
Elle ne me répondit pas tout de suite.
-Vous savez , toute ma vie j'ai cherché LA route, LA GRANDE ROUTE, celle qui vous mène vers votre accomplissement, la Number One. La transcen...Comment vous diriez ça ?
-La Transcendante ?
-Oui, c'est ça, LA TRANSCENDANTE.
-Et alors ?
-Pas trouvée. Ce sera pour la prochaîne vie, j'espère. (p.109)
J'ai creusé ce livre dans tous les sens, pour y chercher une réponse, comme on remue une tombe
Je suis sûr que ce bon vieux Nathaniel est très content. Ce n’est pas tous les jours qu’un aussi bel hommage est rendu à son roman
Quel contrat social garantit la pérennité d'une société? On dirait qu'il n'en existe aucun. Plus le contrat est raffiné, plus il repose sur des lois complexes et la maturité morale, plus le groupe semble menacé par de sociétés où la violence prime. C'est toute l'histoire de l'humanité.