J’allais sombrer dans le collectionnisme, comme tant d’autres… lorsque, dans les pages d’A rebours – merci Huysmans – je rencontrai des mots bizarres qui tenaient plus, par leur côté chantourné, de la conchiologie que de la linguistique. Séduit par leur extravagance, je me mis à sucer le bâton âcre de la néologie. J’y pris goût, j’enfermai dans des chemises alphabétisées quantité de termes bizarres ; séduit par leur sonorité étrangement belle, j’essayai d’en percer le sens ; tel un philatéliste néophyte, j’amassai des mots avec autant d’enthousiasme que de fantaisie désordonnée ; je procédai à des tris, je pénétrai dans le monde de la lexicologie, si bien que mon entreprise fallait engendrer une sorte de florilège de la préciosité moderne : mon « Dictionnaire des mots sauvages ».
A force d’écouter et d’observer ces gens jouer aux petits collectionneurs dans leur préau, à force de les regarder …j’ai pu constater qu’en dehors de la beauté ou de la rareté des choses, ce qu’ils appréciaient le plus était de retrouver les chemins que leurs trésors avaient empruntés avant de leur appartenir ; tout se passe comme si ces amateurs découvraient un surcroît de beauté et de vertu à tel ivoire à l’idée qu’il fut ciselé pour Othon 1er, caressé par François 1er avant que Mazarin ne le tienne serré sous son camail.