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Citations sur Les portes de Thèbes (22)

Le seize septembre deux mille un…



Le seize septembre deux mille un, mon père, franchissant
les grilles de l’hôpital où un diagnostic de cancer, pronostic
deux ans, venait de lui être posé, me dit: « Aujourd’hui ton
grand-père aurait eu cent ans et ta grand-mère est morte
depuis cinquante ans », tous deux emportés aussi par un
cancer, gorge pour le premier, généralisé pour la seconde
(où avait-il bien pu commencer je n’en sais rien), pour mon
père ça finirait généralisé aussi (et je ne me rappelle plus
où ça avait commencé), le seize septembre deux mille un,
donc, nous étions là sur ce trottoir, il faisait une chaleur
de bête et nous dressions de conserve la cartographie en
araignée de cette pathologie qui nous prenait filialement
en tenailles puisque cinq ans avant j’avais eu moi aussi
droit à la chose, dans le sang, plus abstrait, un rien plus
chic ou moins trivial, comme on voudra, et qu’il me restait
quinze ans avant d’avoir droit au second, le foie cette fois,
plus mythologique que chic, prométhéen, enchaîné à l’œil
d’aigle, absurde, agissant. Si je me fie à cette chronologie
familiale pathologique, à ses intervalles désordonnés, ses
sautes d’humeur et ses fausses logiques apparentes, je
devrais aller mon train une petite vingtaine d’années
encore, considérant qu’on meurt chez nous, côté masculin,
entre soixante-quinze et quatre-vingts ans, ou beaucoup
moins, considérant que de père en fils on meurt tous les
vingt ans environ, raisonnement qui me laisserait donc sept
ou huit ans. Les chronologies, on le sait, sont des fictions,
il faut s’y fier sans s’y fier, mais de quelque côté que je le
prenne, le vol de l’aigle à l’aplomb de mes yeux quand je
suis étendu dit sans ambages le rebours du décompte.

p.9-10
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Ces gars-là, les marioles, sont des fantômes, dit-on, des fantômes déjà morts, avantage décisif. Leur mort, effective à nos yeux, est venue les saisir à l’heure où ils portaient la main à leur ceinture, d’un geste machinal, d’un geste de fantôme mort depuis quelques heures, quelques jours, quelques mois ; ils se savaient tous morts, nous les pensions vivants. Quand ils étaient vivants à leurs yeux, aux nôtres ils présentaient des allures de fantômes, nous ne les voyions pas. Pourtant déjà tendus, et souples, souvent splendides, à leurs ceintures déjà ils portaient leurs doigts fins, en ajustaient la boucle, et parfois effleuraient, s’attardaient un peu sous la ceinture, comme s’ils voulaient sortir ce qui étaient caché pour que le monde sache ce qu’ils étaient vraiment, mais la ceinture tenait lieu de rempart solide à cette tentation inavouable et si douce. Et nous ne voyions pas. Quand à leurs propres yeux ils se sont faits fantômes, soudain nous avons vu, compris que ces ceintures enserraient notre mort, et dans le feu brutal de leur déflagration nous avons vu aussi se lever nos squelettes et qu’en la destruction nous serions soudain frères. Tout cela nous troubla
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