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Critique de Franz


Franz
18 décembre 2021
La fin des haricots, les débuts du surgelé.
Sur la route jonchée de cadavres congelés, de Smolensk à Kranoïe, il fait -25°c. Bonaparte, mal rasé sous sa chapka marronnasse, le regard fixe, rumine sa colère. Dans ce cheminement d'éclopés débraillés, de soldats harassés, de civils ahuris, la neige voltige sans fin dans un ciel immensément gris. Les Russes attaquent. Bonaparte réplique avec une armée exsangue. Les hommes tombent. La neige se macule de sang. L'ordinaire d'une débâcle se mesure à la vacuité des hommes cherchant à garder le contrôle. Bonaparte est de cet acabit. Son mépris des autres n'a d'égal que sa vanité à tenter d'orchestrer le chaos. Hautain, cassant, prétentieux, il mène ses soldats à la baguette. Un ordre est immédiatement suivi d'effet, sans mégoter. Quand vient le passage de la Bérézina, Bonaparte exige des pontonniers du général Eblé la démolition d'un village planche par planche et la construction de deux ponts. le temps presse. Les Cosaques s'amassent. Les soldats nus, dans l'eau glacée, par -19°c, meurent, se remplacent, s'épaulent et réalisent l'impossible. Les restes de la Grande Armée peuvent franchir la Bérézina. Après cette victoire insensée, Bonaparte, prioritaire avec son escorte, décide de quitter ses soldats et de prendre la tangente par un autre itinéraire vers Paris. Son abandon signera la fin d'un semblant de tenue du fleuve humain. Tout partira à vau-l'eau. Sur 500 000 soldats et civils débutant la Campagne de Russie, 4 000 reviendront. Cynique, Bonaparte, dans sa fuite minable, déclarera : « Avant trois mois, j'aurai cinq cent mille hommes sous les armes ».
La trilogie scénarisée par Michel Richaud est puissante dans sa narration sobre et percutante. Les dessins d'Ivan Gil restituent avec maestria les mouvements de masse sur des double-pages éblouissantes. le rappel en épilogue du poème de Victor Hugo « L'Expiation » dont l'incipit donne le titre au roman de Patrick Rambaud adapté ici en bande dessinée prend toute sa mesure tragique. Les vers accrochent les images et charrient des cohortes humaines, ces fantômes oubliés.
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