Je sais. Je n’y peux rien si les gens m’inspirent toutes ces horreurs… Mais je ne les déteste pas. C’est justement parce qu’ils comptent. Ils comptent tellement qu’ils ont le pouvoir de me casser en deux, sans même s’en apercevoir. Alors je préfère attaquer la première, tu vois ? Ce n’est pas ma faute.
"Être engagé", c'est un concept bidon. C'est balancer des citations cyniques sur les réseaux sociaux, basta. Parce que quand on a la santé, un toit au-dessus de la tête et un boulot, on a trop à perdre pour se mouiller. On est une génération de résignés. On sait qu'on a perdu la partie, alors tout ce qu'on trouve à faire, c'est pester contre les règles.
- Quand t'es lâche, ta lèvre du bas tremblote. Comme les gosses qui vont pleurnicher, tu sais ? Pathétique.
Ce n'étaient pas les gens, le problème ; mais la foule.
Cet ensemble menaçant, disparate, qui souffrait à tue-tête et donnait le tournis. Si on n'y prenait pas garde, on pouvait vite se dissoudre dedans.
Avec un gant humide, on fait partir le maquillage qui bave. On nettoie tout au savon : les souvenirs, les blessures, les larmes. Les striures rouges sur les avant-bras. Sans poser de questions. Puis on prépare un chocolat chaud avec un ourson en guimauve dans la mousse. Et le lendemain, il avait fallu tout raconter. Raconter pourquoi on pleure, pourquoi elles sont là, ces lignes rouges. Raconter que le coquard, deux mois et demi plus tôt, on ne se l’est pas fait en cours de sport. Pas vraiment. Raconter les yeux baissés, avec le chagrin qui bloque les mots.
La première fois qu’il avait eu affaire à ce regard banquise, Gabriel avait 13 ans. Il avait compris tout de suite. Avec Laetitia, il pourrait être lui-même. Complet – la noirceur incluse.
Certaines personnes sont des miracles à petite échelle.
Sauf qu'il y a tous les autres.
Laeticia est la plus belle catastrophe naturelle au monde.
- « Être engagée » , C’est un concept bidon. C’est balancer des citations cyniques sur les réseaux sociaux, basta. Parce que quand on a la santé, un toit au-dessus de la tête et un boulot, on a trop à perdre pour se mouiller. On est une génération de résignés. On sait qu’on a perdu la partie, alors tout ce qu’on trouve à faire, c’est pester contre les règles.
- Hm. Et c’est quoi, la solution ?
- L’humain devrait se soucier de ce qui est véritablement important.
- Genre ?
- Le fait qu’on soit une calamité. Et ça va bien au-delà de notre système. Espèce douée de intelligence... Tu parles ! Faut voir ce qu’on en fait de notre gros cerveau : on sait aller sur la lune et on a le matériel pour faire sauter la planète en quelques secondes, mais la moitié de la population crève de faim et on ne peut toujours pas soigner le cancer. L’humain, c’est de la grosse saloperie.
Parce que derrière les grilles du bahut, y a aucun destin fabuleux, style téléfilm à la con, qui nous attend. Juste cette salope de réalité, avec sa gueule d’acier qui va nous broyer.