« Tu la regarderas haleter légèrement et tu lui souriras avec bienveillance et sincérité, car c’est l’effet que la montagne a sur toi depuis toujours. »
p. 78
- Notre conquête, ce n’est pas la montagne mais c’est nous-mêmes, n’est-ce pas ?
Puis elle poussera un soupir de fatigue. La fatigue du voyage, la fatigue de rester assise mais, au fond, une grande fatigue, de la vie, de tout ce qui, d’une certaine manière, reste inexplicable et doit arriver quoi qu’on fasse. La fatigue de voir se dérouler les jours, les uns après les autres, les nuits, les unes après les autres, et de devoir forcément les subir. Souffrir et compatir. Et toujours tout supporter. Et puis, comme si cela ne suffisait pas, devoir forcément essayer par tous les moyens de rester forte.
- Quand avons-nous cessé de nous aimer, toi et moi ? te demandera-t-elle à l’improviste.
Tu cesseras de mâcher et tu afficheras l’air de l’élève pris au dépourvu par le professeur.
- C’est quoi cette question ?!
- Si dans une histoire, il y a un moment où l’on tombe amoureux, il doit bien y en avoir un où l’on cesse d’aimer, non ?
p. 117
« – Quand est-ce que tu vas arrêter de fumer ?
Elle sourira, jettera un œil à l’extérieur et se tournera vers toi :
- Ça, tu vois, c’est ma dernière cigarette.
Et tu comprendras qu’un long voyage commence toujours par un premier pas. »
"Tu rajouteras du bois, petit à petit, parce que le feu a besoin d'amour constant : sans heurts, sans accros, sans déséquilibres, sans excès et sans faiblesses, sinon il s'éteint".
Tu imagineras vos deux silhouettes, toutes petites, infimes et inutiles dans cette beauté majestueuse et infinie. Tu imagineras vous découvrir et vous apercevoir, réfugiés dans le ventre de cette montagne, loin de tout.
Tu ressentiras le poids et l'ivresse de votre solitude ; tu sentiras que vous êtes êtes isolés et dissimulés aux yeux du monde comme seule peut l'être une touffe d’herbe sous une épaisse couche de neige.
Pendant un moment tu la trouveras différente, comme si toutes ces années et tous ces conflits n'avaient pas eu lieu. Comme si au fond, un instant seulement, tu avais l'impression d'être toujours le même et qu'elle était, elle aussi, toujours la même.
Tu penseras que tout a changé dans ta vie pendant ces longues années mais que cette montagne est restée la même.
Parce que les montagnes ne changent pas. Les montagnes ne trahissent pas.
- Ce n’est pas vrai que les montagnes sont toujours les mêmes, dira-t-elle doucement, en restant tournée vers la vallée, les yeux bien fermés et les mains dans les cheveux. Il suffit parfois d’un passage de nuages, d’une nouvelle nuance sur les prés, d’un rayon de lumière oblique pour les transformer en moments uniques...