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Citations sur Féroces infirmes retour des pays chauds (50)

Toi aussi, tu as un cerveau, ne l'oublie pas. Si tu le développes, il sera encore là pour enrichir ta vie longtemps après que tes nichons et ton cul auront déposé leur bilan.
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LE SOIR DE NOËL, Switters avait assisté aux vêpres. Il y était allé, s'attendant à éprouver une sorte d'ennui nostalgique et pas totalement désagréable. Il n'avait pas été déçu. Ensuite, on avait servi du poulet rôti au citron farci au saucisson à l'ail dans le réfectoire. Il y avait aussi des biscuits aux noix et des tartes chaudes aux dattes. La dernière bouteille de vin vieux - seule rescapée de la sauterie d'anniversaire de Domino - fut débouchée et il proposa aux soeurs un toast en l'honneur de la renaissance du divin en ce bas monde.
- Et aux trois mages, rois sages, qui vinrent d'Orient, dit-il en français, ajoutant dans sa langue maternelle : apportant en cadeau corps, inceste et amour.
Belle Masquée, qui n'avait pas compris la partie en anglais, demanda le plus sérieusement du monde si par hasard l'Egypte n'était pas située à l'est de Bethlehem. Domino, qui, elle, avait saisi le jeu de mots, lui demanda de bien vouloir s'abstenir de blasphémer. Elle agita un index de maman mécontente dans sa direction, prenant un air qui semblait vouloir dire : "Attends un peu qu'on soit rentrés à la maison, mon p'tit gars !"
Il n'eut pas longtemps à attendre. Après quelques brèves chansons de Noël devant le sapin plutôt loufoque qu'il avait confectionné avec des palmes de dattiers décorées de mousse à raser en guise de flocons - tout le monde reprit en choeur Douce Nuit en français, en anglais et la version originale en allemand, puis Switters offrit en solo, d'une voix fluette d'écureuil, une parodie de Vive le vent ("Vive le vent / Vive le vent d'grand-père / Qui s'en va puant / Dans les grands sapins verts") -, la compagnie se sépara. Domino et lui se retirèrent dans leur tour.
Dans un coin, elle avait arrangé une petite réplique du sapin de Switters, remplaçant la mousse à raser par des rubans de satin. Au pied de "l'arbre", elle avait disposé trois cadeaux sur un plateau de cuivre :
Une bouteille d'arak.
Un flacon de vaseline.
Une enveloppe kraft aux coins abîmés, entourée d'une aura.
Avant le terme de cette douce nuit, sainte nuit, ils allaient examiner de près ces trois objets. (P512-513)
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Cette vie nomade présentait des inconvénients, mais Switters aurait été le premier à admettre de bon coeur que cela réduisait considérablement l'entretien. Quand il pensait à tous ces brins d'herbe qu'il n'avait pas à tondre, à tous ces carreaux qu'il n'avait pas à réparer sur la terrasse ; quand il considérait qu'il n'avait jamais été importuné par un inconnu un peu trop amical essayant de lui vendre des contre-fenêtres, un revêtement extérieur en aluminium, ou le magazine La Tour de garde ; quand il songeait à toutes les réunions de copropriétaires auxquelles il avait échappé (s'épargnant par la même occasion chicanes et prises de tête à n'en plus finir), il était bien forcé de se réjouir. Et il se réjouit encore plus lorsqu'il se rendit compte que le soleil devait maintenant se trouver juste au-dessus de sa tête, puisque aucun fragment du revêtement d'aluminium n'était plus visible près des bords élimés du dais de la Vierge. Effectivement, les aiguilles de sa montre étaient sur le point de se retrouver en haut du cadran pour un petit coup vite fait, bien fait à midi pile (la grande au-dessus, comme d'habitude chez les machos, mais c'était la même chose sur les montres de femme).
- Midi ! s'exclama-t-il, au cas où les autres ne s'en seraient pas aperçus. (Il pointa le doigt vers le soleil, puis vers le garde-manger.) C'est qui le chef cuisinier sur ce rafiot ? Et le sous-chef ? Et le pâtissier ? (Son regard se porta sur les trois bouteilles de pisco.) Je crois que je n'ai pas besoin de demander qui est le sommelier.
Comme rien ne bougeait, ni n'indiquait que sa remarque avait été prise en compte, que ce soit à l'avant ou à l'arrière du bateau, Switters se leva pour attirer davantage l'attention.
- Déjeuner, dit-il d'un ton égal, rationnel, exempt de toute trace d'agressivité. C'est comme ça qu'on l'appelle dans mon pays. DÉ-JEU-NER. Déjeuner. Moi j'aime bien le déjeuner. En fait, je suis un aficionado du déjeuner. Donnez-moi la liberté ou donnez-moi le déjeuner. Le petit déjeuner arrive trop tôt dans la journée, et le dîner peut gêner nos projets pour la soirée, mais le déjeuner tombe à point nommé, la seule chose qu'il risque d'interrompre, c'est le travail.
Il éleva légèrement la voix.
- Il me faut mon déjeuner quotidien. Je me suis assuré contre le non-déjeuner à la Croix-Bleue, au Bouclier Bleu et au Fromage Bleu. Difficile, moi ? Certes non. Je mange le gras, je mange le maigre et je lèche mon assiette. Généralement, il est vrai, j'évite la chair d'animaux morts. D'animaux vivants aussi, d'ailleurs : la bestialité ne fait pas partie de mon répertoire pourtant haut en couleur, même si en fait cela ne vous regarde en rien. Mais question bouffe, les gars, je n'ai rien à cacher et à cet instant, je mâchonnerais et avalerais volontiers une brochette de viande de porc en conserve pour peu que vous m'en serviez une. Tout ce que je demande, c'est que vous me serviez quelque chose. Et en vitesse. Je deviens plutôt grincheux quand on me prive de mes agapes de la mi-journée.
Sa tirade se faisant un tantinet plus théâtrale, il augmenta le volume d'un décibel ou deux.
- Un solide déjeuner est indispensable pour un corps en pleine croissance. De plus, un repas offre de multiples splendeurs. L'Homme ne vit pas que d'affaires. Le déjeuner, c'est la beauté. Le déjeuner, c'est la vérité. La beauté à la Rubens du gâteau au chocolat s'imbibant de crème. La vérité s'incarnant dans la célèbre formule de Brecht "La bouffe vient d'abord". Alors, beurrez la tartine, les p'tits gars ! Fendez le pois insaisissable ! Allez, on se bouge ! Le déjeuner justifie n'importe quelle matinée et adoucit la pire des après-midi. Pour sûr, rompons le pain et cassons la croûte ! (P87-89)
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Une torpille pour libido ? Que nenni. C'est vrai, certains hommes auraient été découragés par le message de Suzy, dénué du moindre soupçon de tonalité romantique, mais sa simplicité et sa franchise pragmatique mêmes, son caractère chaste même, si vous voulez, ne faisaient que décupler l'ardeur de Switters.
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Le soleil s'enfonça dans la ligne d'horizon comme une pièce dans la fente d'une machine. D'un coup de dents, l'océan s'assura qu'elle n'était pas fausse. Le crépuscule adoucit la ville visuellement, mais ne la fit pas taire.
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Il gémit parce qu'il venait de prendre conscience de la ressemblance frappante entre un papillon de nuit et un clitoris ailé.
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Je m'aime moi-même mais sans espoir de retour.
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… vous savez pourquoi le cinéma boum-boum a autant de succès ? Pourquoi les jeunes hommes, surtout, aiment à ce point voir des trucs réduits en morceaux ? (…) C’est la liberté, dit Switters d’un ton vif. La liberté d’échapper au monde matériel. Inconsciemment, les gens se sentent prisonniers des constructions étriquées de notre culture et de son avalanche incessante de biens de consommation. Alors, quand ils voient toute cette merde se faire démolir avec un mépris et une totale insouciance, ils ressentent la même délivrance que les Grecs trouvaient dans la tragédie. L’extase de la délivrance psychique.
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Poussés par le vent, des nuages rasaient la surface du détroit comme des vesses-de-loups de duvet bactérien humide, et les deux hommes pouvaient presque sentir le goût de la moisissure dans l'air. L'atmosphère était de plomb et ténue à la fois, comme composée de quelque nouvel élément défiant les lois connues sur le poids atomique, et que seuls des habitants nés dans le Nord-Ouest auraient été capables de respirer.
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Si les hommes étaient capables d'inventer des réfrigérateurs autodégivrants et des fours autonettoyants, pourquoi la nature n'avait-elle pas réussi, dans toute la splendeur complexe de sa créativité, à nous fabriquer des dents autobrossantes?
- Il y a la naissance, il y a la mort, et entre les deux, il y a l'entretien, marmonna t'il.
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