— J'aime la nuit, en revanche, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Il y a des choses qu'on peut faire et dire à 3 heures du matin, alors qu'en aucun cas on ne s'y autoriserait à 3 heures de l'après-midi. Je n'arrive même plus à imaginer ce que c'est que de travailler le jour, lorsque la station de radio est pleine de monde et qu'on se bouscule dans les couloirs.
— Vous n'aimez pas beaucoup les gens, on dirait.
— Disons que j'en aime certains et d'autres moins.
"Cauchemar" n'était pas le mot pour décrire ce qu'elle vivait. Les cauchemars s'évanouissaient comme neige au soleil dès qu'on ouvrait les yeux. Alors que cette histoire avec X, elle, n'en finissait plus.
Même si cette certitude avait quelque chose de terrifiant, elle l'acceptait, comme elle acceptait de trembler d'émotion dans son étreinte. Et ce "oui" qui résonnait en elle était comme un puissant nectar de vie qui coulait dans ses veines. Elle comprit soudain qu'elle avait attendu tout son existence pour désirer comme elle désirait en cet instant. Pour s'éprouver, tremblante de faiblesse et néanmoins puissante ; troublée, hagarde et cependant lucide ; abandonnée et fondante et en même temps vibrante et sous tension.
- J'ai peur.
- C'est normal d'avoir peur, Cilla.
- Je ne sais pas comment dire...J'avais déjà eu peur avant, mais là, ça m'a littéralement coupé les jambes. Cet homme a réellement l'intention de me tuer. Jusqu'à présent, je n'y croyais pas trop, mais ce soir, j'ai senti sa détermination et...et ça m'a glacée. Au sens propre du terme, d'ailleurs, Vous n'avez pas de chauffage dans votre poubelle Fletcher ?
Boyd mit la soufflerie à fond.
- En fait, ce n'est pas une mauvaise chose que vous ayez peur.
- Pourquoi ?
- Parce que vous accepterez de coopérer.
Elle ne put s'empêcher de sourire.
- Jamais de la vie. Là, je ne suis pas dans mon état normal et vous bénéficiez d'un répit. Mais je recommencerai à être infernale dès que je serai de nouveau moi-même.
- Dans ce cas, je vais essayer de ne pas trop m'accoutumer.
Ce n'est pas une tendre. Elle est ombrageuse, rétive, désagréable au possible et effroyablement susceptible. Et elle me fait complètement craquer.
Il ne manquait plus que lui. Un floc avec des allures de héros au grand cœur qui décide de prendre ma vie en main. On aurai vraiment tout vu...
- Il m'est arrivé d'entendre votre émission ici et là.
En vérité, il avait perdu d'innombrables heures de sommeil à l'écouter. Se laisser par la voix de velours de Villa O'Roarke, c'était de la volupté à l'état pur. Un plaisir auquel il succombait régulièrement, pour ne pas dire tous les soirs !
- Vous savez ce que c'est : je m'étais fait une image de vous d'après la voix. Je vous voyais très grande, ce qui est effectivement votre cas. Mais avec un rideau de cheveux blonds et lisses tombant jusque sur les reins, des yeux bleus, une personnalité...envoûtante.
Boyd sourit, amusé par la lueur de contrariété dans ses yeux. De grands yeux bruns, mais infiniment plus expressifs que ceux qu'il s'était imaginés.
- Je suis désolée de vous décevoir.
- Je n'ai pas dit que j'étais déçu.
La mort d'un innocent ne devait pas rester impunie. La femme payerait. De sa vie. Mais d'abord, elle allait souffrir comme il avait souffert.
- Cela fait combien de temps que vous vivez à Denver? Six mois?
- Plus ou moins, oui.
- vous vous êtes fait des ennemis ici ?
- Un vendeur à domicile qui voulait me fourguer une encyclopédie. Je lui ai heurté le pied en lui claquant la porte au nez.
La première chose que note a Boyd fut que Cilla avait noué ses cheveux en un chignon sévère. Et la colère qui marquait ses traits ressortait nettement sur son visage ainsi dégagé. Sous le grand t-shirt orange elle avait enfilé un pantalon de jogging jaune. Mais si les couleurs était solaire son humeur elle tirait manifestement sur le noir d'encre.