A dix-huit ans, Margo savait exactement ce qu'elle voulait. La même chose qu'à douze. A savoir, tout. Mais à présent, elle avait décidé comment y parvenir, en exploitant son physique, qui était à son avis son meilleur et, sans doute, son unique atout. Elle allait jouer la comédie, ou du moins apprendre. Ce devait être plus facile que l'algèbre, la littérature ou toutes ces matières enseignées à l'école. Quoi qu'il en soit, d'une manière ou d'une autre, elle deviendrait une vedette. Sans l'aide de personne.
Arborer un sourire éclatant était chez Margo une seconde nature, et il irradia presque ses yeux lorsqu'elle passa une main dans ses longs cheveux qui descendaient jusqu'à la taille et ruisselaient tel de l'or liquide.
Ni chagrin ni désespoir, simplement tourner la page et oublier.
Peut-être n'était-ce finalement pas plus mal. Ne pas laisser un homme prendre trop d'importance évitait de souffrir quand il n'était plus là, ce qui ne signifiait pas pour autant s'arrêter de vivre. Car, sans aller jusqu'au suicide, il y avait bien d'autres manières d'étouffer son existence.
Se parer est un privilège de femme.
Je suppose qu'une femme qui a une maîtrise de gestion de Harvard est capable de déchiffrer n'importe quels livres de comptes, si peu soignés et organisés soient-ils.
Il était tellement plus facile de se faire respecter par le personnel que par sa propre fille. Parfois, elle se disait qu'elle avait perdu Margo le jour même de sa naissance, qu'elle était née trop belle, trop imprudente et trop fière.
L'argent n'avait jamais, comme cela arrivait souvent, remplacé l'amour.
Un bon visage commençait par une bonne ossature, se dit-elle, et elle avait cette chance, elle aussi, d'avoir hérité de la peau fine de ses ancêtres irlandais. Quant à ses yeux bleu vif et à sa chevelure blond pâle, elle les tenait vraisemblablement d'un lointain envahisseur viking.
Elle avait exactement le visage qu'il fallait ! pensa-t-elle avec ironie. Le reconnaître n'était en rien de la vanité. Après tout, c'étaient ces traits-là, ainsi qu'un corps à damner, qui lui avaient permis de se frayer un chemin vers la gloire et la fortune. Une bouche romantique aux lèvres pleines, un petit nez droit, un menton ferme et rond et des sourcils expressifs qui ne nécessitaient qu'un très léger trait de crayon.
On pouvait se donner des claques pour avoir commis une bévue, ou raté un examen, mais pour un garçon ? C'était carrément ridicule.