Dès qu’Alphonse est à sa portée, le molosse le pousse violemment par les épaules et hurle :
– T’as pas compris ? Tu dégages, abruti !
Alphonse perd l’équilibre et tombe à la renverse dans un tas de gravats comportant briques, débris de carrelages, morceaux de bois, cartons éventrés et d’autres choses douteuses. Il grimace d’abord, puis ses yeux tournent à la colère noire. Et il se reprend, adoptant de nouveau une attitude neutre. Le chantier est silencieux. Le niveau d’adrénaline de Dany vient de dépasser la zone rouge, elle avance d’un pas, se retrouvant là où était Alphonse un instant plus tôt, juste avant sa chute.
– Hé ! aboie-t-elle.
Le balaise oriente sa face vers elle un huitième de seconde avant qu’elle ne lui décoche un droit. La nature a pourvu la jeune femme d’un temps de réaction et d’une rapidité de tension des fibres musculaires nettement supérieures à la moyenne. Son poing n’est pas très lourd, mais il atteint la pommette à une vitesse de sept mètres par seconde. L’onde de choc fait vibrer la cervelle de son adversaire comme un flanc à la vanille. Il est comme paralysé. Elle enchaîne avec un coup de pied latéral à droite de l’abdomen, en plein dans le foie. Il s’effondre comme une masse, le souffle coupé, submergé de douleur. C’est dans la boue que son mouvement l’entraîne. Sa pommette est maintenant violette et noire.
–Dans ce texte, il y est question de gens corrompus un peu partout dans le monde. Et à la réflexion, je pense que l’article du quotidien régional a pu être écrit pour allumer un contre-feu aux interrogations légitimes des habitants du coin. Ce serait en quelque sorte un acte de complicité au profit des bourreaux.
– Si tu dis vrai, c’est exactement le contraire du journalisme !
Les voiles sifflent dans le vent et les vagues frappent la coque. Ils vivent intensément. Tous leurs sens sont comblés, saturés de perceptions primaires.
C’est l’eau et le feu. Et dans l’idéal, j’ai besoin des deux.