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Citations sur Là-haut (60)

Mais le soleil chassa les nuages. De nouveau, plus fraîche après les averses, la vallée s’épanouit comme un grand nénuphar semé dans l’espace, avec toute ses verdures humides qui s’irisaient dans la lumière, tandis que les formes des montagnes prochaines s’estompaient, presque transparentes, dans le ciel bleu.

Deuxième partie
Chapitre VI
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Le lendemain, étendu sur le rocher qui domine le cimetière, Julien suivait, comme l’an d’avant, la bénédiction des tombes ; bientôt sa pensée se dissipa dans une vague rêverie, montant vers l’infini comme les légers nuages que le vent disloquait autour de la Dent-Rouge. Des mots n’auraient pu la traduire : c’était une aspiration, presque une prière.

Deuxième partie
Chapitre VI
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Au fond de lui s’éveillaient à demi d’obscurs souvenirs ancestraux, un reste oublié de sentiments, d’idées, de croyances antérieures, dont les invisibles molécules subsistaient sous une autre couche, pareils aux caractères d’un palimpseste qu’on ne voit plus, parce que d’autres les ont recouverts, et qui pourtant sont les plus précieux, les seuls vrais. Ce travail inconscient éclairait à son âme le secret lointain de ses origines : il se sentait le fils de cette antique terre que tant de convulsions ont soulevée, que les glaciers ont longtemps meurtrie de leur poids inexorable, qui maintenant offre aux hommes l’ombre de ses sapins, la fraîcheur de ses sources, la beauté de ses vallées ; il se sentait le frère de ces petits qui priaient sur les tombes, dans leurs vestes du dimanche, rattachés par leur pieuse pensée à la chaîne des générations ; il n’était plus lui-même, – c’est-à-dire un pauvre être isolé, égoïste, inutile et vaincu, – mais un atome d’un plus large organisme, un fragment bien vivant d’un tout actif et généreux.

Deuxième partie
Chapitre VI
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Il venait de passer une année errante et incertaine, encore ballotté par les vagues des mauvais souvenirs, plus apaisé pourtant, plus calme, le temps accomplissant son œuvre. Les images de sang imprimées dans ses yeux s’effaçaient lentement : les figures qu’il voulait fuir prenaient ce flou qu’ont, dans la mémoire, les figures mortes qui s’éloignent et flottent à travers des brumes avant de disparaître, emportées par l’éternel renouveau de l’être ; et il aimait à penser que son séjour à Vallanches avait commencé à le délivrer de son obsession. Pourtant, s’il se trouvait mieux, il n’était point guéri : repris souvent par ses crises noires, il demeurait désemparé, incapable de ressaisir la direction de sa vie, tourmenté à la fois par la nécessité et par l’impuissance d’en rétablir le cours. Le problème du « que faire ? », qu’il se posait depuis quelques mois, le hantait comme insoluble.

Première partie
Chapitre VI
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Vieille-Suisse est fini. Il a beau crier, ce n’est plus lui qu’on écoute ! (...)
Mais une pensée le tourmentait, malgré ses efforts pour s’armer d’insouciance, car ce n’est pas pour soi seul qu’on travaille, n’estce pas ? on pense à ceux qui viendront après, à la lignée des petits fils et des arrière-petits-fils auxquels on veut laisser le foyer héréditaire, les champs conquis par les ancêtres, qu’on a élargis ou améliorés, tout ce qui fait la famille, enfin, le tronc sacré qui retient les rameaux, qui leur amène par ses racines invisibles la sève féconde, les sucs nourriciers de la terre. On est ainsi là-haut : on sait bien qu’un homme et qu’une génération d’hommes comptent peu ; que ce qui vaut, c’est la succession lente des fils aux pères qui ont peiné pour eux, l’effort collectif de la race, acharnée à la même besogne depuis l’époque oubliée où quelque tribu nomade, poussant devant soi ses troupeaux, découvrit la vallée et s’y arrêta pour la féconder. Que resterait-il de ce passé, dans les champs saccagés ? Vers quel avenir incertain marchait-on sur les traces de ces ingénieurs allemands, de ces maçons italiens, de ces capitalistes zurichois, – de ces étrangers, de ces spéculateurs qui, sûrement, ne pensaient pas au bien-être du village, mais à remplir leurs poches ? Poudre aux yeux, leurs belles paroles ! Leurs promesses ? un tas de mensonges ! (...)
– Pour sûr, Vieille-Suisse n’aurait pas su exprimer ces idées : c’est peut-être pour cela qu’il se taisait ; mais il les roulait dans sa tête blanche, confusément, comme ces eaux troublées qui portent, sans s’en douter, des pierres où il y a de l’or.

Première partie
Chapitre V
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Savez-vous ? Vous ressemblez à des gens qui ont un trésor et qui l’enfouissent : ils savent qu’ils l’ont, ils savent où il est, et ils le laissent croupir dans la terre, comme des fainéants ou des nigauds.

Première partie
Chapitre V
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(...) si la majorité des habitants de Vallanches considéraient la construction du chemin de fer comme un coup magnifique de la fortune, le projet avait aussi ses adversaires : les « encroûtés », comme Nanthelme ; les femmes, dont l’esprit positif et borné redoute tous les changements, et puis, les habitants des hameaux clairsemés par la vallée, ceux de toutes les Crêtes et de tous les leurs, de tous les paquets de mazots, juchés en dehors de la route et d’accès difficile. Ceux-ci, en effet, n’avaient rien à espérer du chemin de fer, sinon d’en voir passer la fumée au haut de leurs champs arides. Et ils protestaient, ils luttaient, oh ! timidement, en petits gens dont la voix ne compte guère, en gens rageurs qui n’osent pas dire franchement ce qu’ils pensent, et recourent, pour se défendre, à des moyens cachés.

Première partie
Chapitre V
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(...) il faut que les morts de tout le pays reposent en terre bénite, autour de la vieille église, et, quand c’est l’hiver, les amis les apportent là, quelque impraticables que soient les sentiers enfouis sous la neige, défoncés par les pluies ou couverts de glace et glissants comme du verre.

Première partie
Chapitre V
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Le brave garçon les observait avec une patience de garde champêtre, ces maçons de malheur, et tenait le compte de leurs méfaits : une fois, c’étaient des poules disparues du poulailler de Maurice Combes ; une autre, des vitres cassées chez Alexis Ponchet ; une autre encore, c’était Frisquine Jordan, – une jolie fille, avec un petit nez d’oiseau, des yeux pétillants comme le vin nouveau, un teint tout blanc de demoiselle et des cheveux blonds comme la lumière, – que deux mauvais gars poursuivaient et qui ne leur échappait qu’à force de courir vite : elle en restait tout agitée, la pauvre, et comme elle vivait seule dans son chalet, avec ses deux petits frères, étant orpheline, sa peur fournit un bon prétexte à ses « veilleurs » de venir plus assidûment et de prolonger leurs veillées pour la mieux garder. De plus, il y avait presque chaque soir des bagarres, et l’on n’était jamais sûr de ne pas voir sortir des couteaux. Nanthelme ne parlait de rien moins que de faire monter un gendarme en permanence.

Première partie
Chapitre V
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Elle vint. Ils s’assirent sur la même pierre, envahis par la même impression de paix et de mystère qu’ils jouissaient inconsciemment de partager. Une crainte vague, au fond d’eux-mêmes, les empêchait de se taire, mais leurs lentes paroles devinrent bientôt intimes comme le silence. Il brûlait de lui dire le désarroi de son âme. Elle eut des mots qui trahissaient sa peine. Il osa lui demander :
– Pourquoi donc avez-vous tant de tristesse au fond de vos yeux, qui sont si beaux ?
Elle, si retenue, si vite effarouchée, ne s’offensa ni de la question, ni du compliment. Oppressée, elle murmura :
– Ah ! il y a tant de choses !
Il dit : – Tant de choses ?... Vous avez vingt ans. Vous êtes la jeunesse, le printemps, vous êtes les fleurs…
Elle dit : – Il y a des printemps sans soleil. Il y a des jeunesses sans sourires. Vous ne savez pas. Si vous saviez…

Première partie
Chapitre IV
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