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EAN : 9781523476145
218 pages
CreateSpace Independent Publishing Platform (19/01/2016)
3.83/5   3 notes
Résumé :
Julien Sterny, 30 ans, suisse d’origine vivant à Paris, est un homme blessé. Depuis que le mari de sa maîtresse, assassinée par ce premier devant ses yeux, est acquitté, il vit une existence morose et vide. En proie à une neurasthénie aiguë, il n’a plus goût à rien. Il a voyagé aux quatre coins de la Suisse en quête de distraction, mais en vain. Il en parle à un compagnon de table dans le restaurant d’un hôtel, le peintre George Croissy, qui lui conseille d’aller à ... >Voir plus
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Citations et extraits (60) Voir plus Ajouter une citation
Solnoir est un de ces hauts pâturages où les vaches passent leurs deux mois d’été, sous la garde de quelques pâtres et d’un fruitier, qu’absorbe la fabrication du beurre et des fromages. Séparés du monde pour plus de huit semaines, ces quelques hommes s’entassent avec leurs bêtes dans les huttes où souffle le vent aigre des nuits froides par les intervalles des pierres sans ciment et des planches disjointes. Couchés sur une planche, dans une soupente de la chavanne, l’unique pièce qu’ils se réservent en dehors des étables, ils se nourrissent de pain sec et de polenta, qu’ils trempent dans le « petit-lait » ou mélangent au « séret ».Leur travail commence avant l’aube pour se prolonger tard, et, quand ils ne travaillent plus, ils jouent autour de l’âtre ou sur le gazon, à quelque jeu naïf, le « jeu de la truie », ou le « jeu des couteaux », où les triques, les morceaux de bois noueux, les mottes de gazon remplacent les balles et les palettes. Mais plus souvent encore, ils fument des pipes silencieuses, n’ayant rien à se dire au bout des longues journées, toutes pareilles, rompant à peine leur silence pour rire d’un bruit insolite ou d’une grosse farce. De temps en temps, quelque messager vient renouveler leurs provisions, ou des alpinistes leur demandent à s’étendre dans leur foin, avant une ascension. Ils ne savent rien de ce qui se passe loin d’eux, au-dessous d’eux, derrière le rempart de leurs montagnes : ils n’entendent que mugir leurs taureaux, meugler leurs vaches, bruire les eaux qui parcourent leurs gazons, gronder de proches avalanches. Et ils demeurent là, absorbés heure après heure par l’accomplissement de leur besogne ou les soins de leurs bêtes, roulant peut-être en eux de confuses pensées dont ils ne cherchent pas l’expression, enveloppés sans le savoir par la sauvage poésie du paysage et de la solitude, songeant parfois, avec des commencements de terreur, aux légendes de l’Alpe : aux âmes damnées qui errent sur les glaciers voisins ou roulent des pierres dans les lits des torrents.

Première partie
Chapitre IV
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Volland contemplait ce spectacle toujours changeant et toujours le même, qu’il avait vu déroulé au pied de tant de cimes. Pour en varier l’aspect, il fit quelques pas sur l’arête, s’éloignant ainsi de ses compagnons. La victoire l’exaltait. La fièvre de la marche battait dans ses veines. Il ne sentait plus aucun vertige, aucune fatigue. Il plongeait ses regards dans le vide, il les emplissait d’espace, de lumière, d’air frissonnant, de lignes superbes, de couleurs merveilleuses. Il buvait la blancheur étincelante des glaciers, le vert des pentes et des vallées, le bleu du ciel. Il ne pensait plus : sa pensée aspirait l’espace. Son âme s’ouvrait pour accueillir, comme en des reflets condensés, toute la beauté des choses : elle s’élargissait, comme si elle eût embrassé l’infini, elle se fondait, elle se dissipait, dégagée de ses liens, délivrée de ses attaches, n’étant plus qu’un atome imperceptible de cet ensemble qu’elle suffisait pourtant à réfléchir avec ses plus légers détails et dans toute son immensité. Il vécut un de ces instants dont la volupté une fois savourée dépose au fond de vous le germe d’un désir éternel ; un de ces instants où la conscience s’évanouit délicieusement dans les choses et se pâme sous la caresse du néant ; un de ces instants où l’on ne sent plus peser sur soi ni le poids fatigant de l’être, ni l’effrayante menace de la mort.

Troisième partie
Chapitre XI
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– Oui, votre argent, répéta-t-il, en les regardant dans les yeux à la ronde, votre argent aussi, vous m’entendez ! L’argent est une graine comme une autre : il faut le semer pour qu’il pousse. Il n’est pas fait pour rester caché dans des bas ou dans des pétrissoires. Il est rond, c’est pour mieux rouler, diable de diable ! Et en roulant, il fait pelote, comme la neige ! (...)

– Vous ne pensez qu’à vos intérêts, Monsieur de Rarogne ; les montagnes sont pour vous une matière qu’on exploite, comme les ardoises des carrières. Ça se vend par petits morceaux ; que çà rapporte, vous n’en demandez pas plus ! Vous ne voyez donc pas qu’il y a toute autre chose en jeu ? Il y a ici, dans ce repli caché des Alpes, loin du reste du monde assez large pour l’amour du gain, il y a un pays qui, depuis des siècles, vit de sa propre vie, fidèle à des mœurs, à ses croyances, à ses traditions, – un bon petit pays, ignorant des laides passions qui avilissent les hommes des villes. – Vous arrivez, vous semez quelques pelletées d’or dans ces champs ingrats et vous dites que l’argent est une graine comme une autre. Ah ! oui, malheureusement ! Une triste graine, Monsieur de Rarogne, une graine qui germe en vilains appétits, une graine maudite, qu’aucun mauvais vent n’avait encore apportée par ici.

Première partie
Chapitre V
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Regardez-la donc : elle est d’une autre beauté, celle-là, plus régulière à la fois et plus mystérieuse. Elle a l’air d’avoir des secrets. Elle réfléchit davantage, plus isolée, ayant des orages dont les éclats ne vont pas jusqu’à la plaine, comme ces grandes âmes solitaires qui demeurent ignorées…
Comme pour lui donner raison, l’énorme montagne, à cette heure, semblait vivre d’une vie active et rapide, d’une vie personnelle, presque humaine. Les couleurs changeantes que les jeux de la lumière étendaient sur son glacier donnaient à sa lourde masse un aspect de figure inquiète, que transforment et bouleversent de puissantes émotions. On la voyait pâlir comme d’effroi, rougir comme de colère ; puis, pour un instant, toute rose, elle semblait une vierge dont le beau sang colore les chairs de marbre. Elle parlait aussi : les continuelles avalanches qui, d’instant en instant s’écroulaient sur ses flancs, lui prêtaient une voix pour gronder, pour gémir, pour pousser des plaintes qui, tour à tour, éclatent ou s’étouffent comme des cris de victoire ou des râles d’amour. Ce n’était plus un entassement inerte de pierres et de neige : c’était un être animé, un monstre superbe dont les formes et la voix dégagent une fascination fatale.

Première partie
Chapitre IV
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Cependant, pour atténuer la tristesse sauvage de cette impression, des fleurs éclatantes s’épanouissaient en une symphonie de couleurs et de grâce, car c’est dans l’enchantement du printemps que l’Alpe est la plus belle, constellée de fleurs comme un ciel où il n’y aurait que des étoiles, gemmée de fleurs comme une chevelure où luiraient plus de pierreries qu’il n’y en a dans les contes de tout l’Orient. Ce sont de vastes champs de rhododendrons, d’un rouge vif, dressés sur leurs tiges ligneuses aux dures feuilles luisantes : fleurs hardies et malicieuses, fleurs vigoureuses, fleurs de santé, de bonne mine et de courage ; de place en place, parmi leurs buissons envahissants, se dressent en soleils orangés les grandes fleurs de l’arnica, tandis que les lis martagons balancent leurs turbans ponctués de pourpre, et que d’autres lis, ces petits lis blancs qu’on nomme des « paradisies », si délicats, si frêles, semblent destinés à mourir aux premières gouttes de rosée. Des violettes à deux fleurs, abondantes et menues, garnissent de touffes jaunes le creux des roches. Sur les replats du gazon, il y a des tapis de pensées, d’un bleu intense, de gentianes encore plus bleues, ouvrant leurs corolles en coupe allongée au-dessus de leurs feuilles coriaces, de grassettes d’un Dieu presque noir, pareilles à de minuscules cornes d’abondance, de myosotis d’un bleu clair et vif, du même bleu que le ciel. Aux bords des névés qui se retirent, pointent les clochettes dentelées de soldanelles, petites fleurs en demi-deuil d’un lilas tendre, de la couleur des chagrins presque consolés, si pressées de naître qu’elles percent la couche de neige trop lente à disparaître. Jusque dans les pierriers s’ouvrent les céraistes aux blancs pétales étalés, les courtes grappes des linaires au palais de safran, les bouquets blancs des achillées. Et il y en a d’autres encore, car toutes les herbes fleurissent, toutes les mousses, toutes les plus humbles graminées dans une gaieté folle, dans un éperdu besoin de vivre, de jeter leurs pollens aux brises caressantes, de semer pour l’avenir des moissons de pétales colorés, de pistils odorants. C’est comme un sourire épanoui des plantes, autour desquelles bourdonnent d’invisibles insectes dont le bruissement se fond dans le silence, tandis que de grands papillons furtifs, des apollons aux ailes lumineuses voltigent parmi toutes ces fleurs comme des fleurs vivantes.

Deuxième partie
Chapitre VI
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