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3,79

sur 398 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Puissamment poétique, ce roman s'inscrit tout entier dans le décor de Bruges, perle du plat pays. Bruges la croyante, Bruges la fervente, Bruges la grise, Bruges la morte.

Un décor tout en clochers et en canaux pour servir d'écrin à un poignant drame romantique que dépeint une narration presque fantastique - qui n'est pas sans évoquer certaines nouvelles de l'ami Maupassant - mais que ses accents terriblement naturalistes affilient davantage à Zola.

Hugues est un quadragénaire veuf et inconsolable. Cinq ans après la perte de l'être aimé, il vit toujours cloîtré chez lui, avec sa bonne pour seule compagnie, usant ses jours dans un devoir de mémoire quasi mystique. Parmi les effets de la défunte qui sont pour lui autant de reliques journellement adorées, se trouve notamment la chevelure d'or de la morte dont l'absence ne semble pouvoir trouver d'apaisement que dans le silence morne de la ville, seulement troublé par les carillons des offices religieux. Malgré l'isolement et le chagrin, Hugues le mort-vivant, va pourtant à nouveau s'enfiévrer et sentir la vie reprendre ses droits lorsque son chemin croise celui d'une passante à la blonde chevelure et dont la ressemblance avec feue son épouse le bouleverse irrémédiablement.

J'ai été très touchée par ce roman et par cette poursuite de l'amour qu'il décrit à travers l'illusion, l'espérance puis la folie. La plume de Georges Rodenbach, tout en subtilité, est remarquable de talent ; les descriptions sont savoureuses, les allégories accessibles, le spleen palpable et malgré l'évidente noirceur du récit, c'est la beauté de l'amour et de la foi qui marque durablement le lecteur.


Challenge 19ème siècle 2015
Challenge PETITS PLAISIRS 2014 - 2015
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Georges Rodenbach (1855-1898) a, au fond, peut-être écrit le premier roman de Georges Simenon (1903-1989)... Certes, "Bruges-la-morte" fut publiée dès 1892 !

Mais, bon sang, nous reconnaîtrions presque tous les errements du "Baas" ‒ le pauvre et si digne Joris Terlinck, héros pathétique en "Le Bourgmestre de Furnes", qui fut en 1939 l'un des sommets littéraires de notre grand Liégeois universel.

Et l'on songe également aux charmes mortifères des canaux ‒ également simenoniens ‒ de "Chez Krull" (1939, toujours) ou encore aux eaux mortes du "Maigret" précurseur de... "Chez les Flamands" (1932).

Ce qui ne gâte rien : l'intemporalité de l'écriture de "Bruges-la-morte", des (fantômes de) personnages et des "décors architecturaux et aquatiques" (assoupis ou défunts), par eux traversés, tout comme les siècles... Bruges, cette "perle" du commerce hanséatique (la "Ligue de la Hanse" germanique ou teutonne, presque immémoriale, son esprit rigide et pragmatique toujours vivant...), la mer retirée...

Le pont des Béguines, la Porte Dorée, le Quai du Rosier, le Béguinage... le son assourdi des carillons des Beffrois... Les parcours vespéraux "circulaires" du veuf Hugues Viane... Sa morte ressuscitée en Jane Scott, la danseuse...

Bref, quel bonheur de lecture !!!

Chef d'oeuvre dit "symboliste" toujours vivant, à la poétique intacte et aux beaux mystères insubmersibles...

Et puis l'on relit en préface ‒ sans doute avec un rien de cruauté rétrospective ‒ les imbécillités proférées à propos de photographie... par le grand "Je-Sais-Tout" de l'époque, un certain Emile Zola, alors pontifiant et s'attaquant méchamment à l'oeuvre [qui s'inspirait de techniques photographiques] du grand et modeste Gustave Callebotte, et à sa vision grand-angulaire et transcendentale du pavé parisien... Zola condamnant tranquillement en ses peintures "la photographie de la réalité qui n'est pas marquée du sceau original du talent" ...

Les 35 photographies noir-et-blanc ‒ contemporaines de la première publication ‒ ponctuant le roman (au suspense poétique palpitant) de RODENBACH sont évidemment ‒ de par leurs merveilleux silences ‒ un poétique et immortel démenti à tant d'aveuglement et de fatuité "d'époque"...


Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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C'est en parcourant les reproductions du catalogue des expos de Fernand Khnopff que je lisais Bruges-la-Morte. Les peintures de Khnopff, de la même période et du même courant artistique -le symbolisme- se répondent parfaitement. Outre l'intrigue, les déambulations de Hugues Viane le long des canaux de Bruges donnent une ambiance très mortifère à cette lecture. Se plonger dans ce roman m'a permis pendant quelques heures de m'isoler, dans une sorte de monde parallèle. Hugues Viane, comme Des Esseintes dans "A Rebours" de Huysmans, nous emmène dans sa mélancolie, dans sa folie.
J'adore !
(Hitchcock, dans "Vertigo", a magnifiquement adapté cette intrigue, sous une forme policière et psychanalytique. Je me souviens de James Stewart parcourant au volant de sa voiture les rues de San Francisco à la recherche de Kim Novak.)
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Je ne peux m'empêcher de rendre compte de ce livre avant même de l'avoir terminé tellement il me soulève d'enthousiasme.
Il est aussi onirique que les Filles de feu De Nerval, mais bien plus fluide.
C'est une splendeur qui laisse pantoise.
Il traite d'un sujet tout banal, le deuil, associé à la ville de Bruges et de ses canaux. L'auteur a illustré son oeuvre de photos de Bruges et en a fait ainsi un récit-photo (pas un roman photo), un peu comme le Nadja de Breton, mais trente ans avant. Ce procédé, bien sûr, concourt à la poésie de l'oeuvre, qui a longtemps été éditée amputée des clichés ajoutés par l'artiste, ce qui en a fait, selon la formule des préfaciers Daniel Grojnowski et Jean-Pierre Bertrand une "oeuvre martyre". L'édition GF Flammarion de 1998 est complète.
C'est très romantique, dans le genre "je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé" et c'est SUBLIME. La poésie est belle belle belle, elle coule du cerveau où elle pénètre d'abord jusque dans les veines comme un miel doré et là elle se transforme en plaisir. Bruges-La-Morte a été écrite à la toute fin du 19 ème siècle mais on est effleurée par l'idée qu'elle a toujours existé, comme on l'est en écoutant une musique sublime, tant elle est parfaite, et infiniment subtile, et douce. Une caresse à l'âme. Et une rigueur d'écriture presque surhumaine : partout dans la prose se nichent octosyllabes et alexandrins qui confèrent au texte une grande musicalité.
Je crois y avoir trouvé l'origine du titre du film de Jacques Audiard "De battre mon coeur s'est arrêté" : Page 86 : "D'émoi, mon coeur s'est presque arrêté."
Goerges Rodenbach, l'auteur, fut un poète bruxellois dandy, disciple et ami de Mallarmé et l'un des modèles de Proust pour son Swann.

Et bien je termine en ce soir du 3 juillet ce livre enchanteur et curieusement jubilatoire, malgré la mélancolie qu'il recèle, tant il contient de beauté. La beauté qui remplit l'âme semble nous modifier et je vais transporter ce livre partout avec moi pour m'y plonger souvent et ainsi tenter de prolonger cet état de grâce.
Je n'ajouterai rien à la chronique enchanteresse de Krout, qui nous a offert là un hymne d'amour merveilleux à la ville et à l'art poétique qu'il exerce avec un génie rare et authentique. Merci aussi à Gwenn 21, Lyoko, Gouelan et tous les autres, que je ne cite pas mais qui m'ont ravie par leur sensibilité à cette oeuvre.Tant il est vrai que des passions communes peuvent faire partager des moments intenses.
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Mon Dieu que la lecture de ce roman me fut douloureuse, déchirante même jusqu'aux larmes et délicieuse à la fois. Etrange paradoxe d'un coeur qui se remplit de bonheur à tant de beautés sombres, d'errances désespérées mais qui s'apaise et se rassure à la déraison et à la douleur d'un semblable.
Bruges, l'inaccessible aurait-elle étouffé mon deuil ? Je l'ai vue ensoleillée et gaie pourtant et dans tous les cas, il était impossible de ne pas tomber sous son charme romantique.
Je reste ému d'admiration devant l'intelligence et la subtilité de l'écriture de Georges Rodenbach comme rarement j'ai pu l'être à la lecture d'un livre. Trouver les mots justes, se mesurer dans la retenue, user avec sens et délicatesse de tous les ressorts de son scénario sont les marques du grand talent de ce poète belge si peu connu qui signa ici un chef d'oeuvre.
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C'est au plaisir intact de la relecture qu'on reconnaît les chefs-d'oeuvre. "Bruges-la-morte" en fait assurément partie dès sa publication en feuilleton en 1892. L'auteur flamand livre une oeuvre essentielle de la fin de siècle, aux relents décadents et aux intuitions fantastiques. Il s'agit avant tout d'un poème en prose qui aborde frontalement le thème de la mort et de la manière la plus belle. Rodenbach lui donne le visage de Bruges ; ses canaux tranquilles ; son atmosphère pieuse et brumeuse ; ses nuances de gris ; son catholicisme étouffant. le deuil impossible, le double hitchcockien et le fétichisme des reliques sont les mouvements d'une symphonie mortifère qui bercent le narrateur et les lecteurs. le regard perdu dans les eaux tristes des canaux, on se complaît dans une langueur maladive. le style très littéraire n'est jamais lourd. Il glisse le long des quais, s'insinue dans l'âme, vibre au son des cloches usées. Fidèle à l'original, j'ai une préférence pour les éditions accompagnées des photographies de la ville, une innovation à la fois technique et littéraire pour l'époque, qui met en valeur le texte.
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Je croyais aborder un roman assommant, me disant d'entrée de jeu que son seul mérite résidait dans sa brièveté. Eh bien ! c'était un a-priori sans fondement, et, quand j'ai refermé le livre, mon enthousiasme était à son comble. le roman est envoûtant, empreint de symbolisme, certes , mais dont la finale l'apparente à un roman fantastique. Surtout, le style est superbe, d'une parfaite maîtrise. Il fut accueilli très favorablement par la critique, paraît-il ; je comprends maintenant pourquoi.
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Un petit ouvrage très poétique, plein d'une nostalgie qui prend à la gorge, d'une tristesse magnifique et poignante. Hugues Viane est venu s'enterrer à Bruges comme dans un tombeau, survivant à peine dans l'ombre de sa femme morte qu'il a élevé au rang de divinité, sa chevelure coupée et nattée à sa mort servant de relique. Et Bruges a accueilli en son sein endormi d'eau et de pierre ce presque mort qui respire encore. Seulement voilà, au hasard d'une rencontre Viane est pris d'un sursaut de vie, que Bruges lui fera payer.
Mélancolique, d'une écriture extraordinaire de symbolisme, c'est un petit plaisir, un bijou de roman, à découvrir au plus vite.
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Je me souvenais vaguement des poésies de George Rodenbach lue à l'école mais je n'avais aucune idée de ce que pouvaient être ses romans . Quelle découverte ! Un véritable travail d'orfèvre qui fait de récit une histoire intemporelle . L'amour tour à tour perdu puis déçu peut être notre lot à tous . Et puis derrière Hugues Viane et ses amours il y a la merveilleuse description de Bruges , joyau flamand encore aujourd'hui .
On est littéralement dans les pas de Hugues et comme lui on ressent la ville vivre , ses clochers tinter et le suit dans ses ruelles emplies de brume. On sent la ville vivre au fil de ses mots . Classique de la littérature mais surtout chef d'oeuvre complet et indémodable .
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Ce roman est une petite merveille de la fin du XIXe siècle !

Bruges dont la mer s'est retirée et qui est laissée pour morte, Bruges dont le béguinage est lui-même une ville de silence dans la ville morte ("si vide, si muette, d'un silence si contagieux qu'on y marche doucement qu'on y parle bas comme dans un domaine où il y a un malade"), Bruges ne pouvait être que la seule ville où Hugues, après avoir perdu sa jeune épouse, a pu venir réfugier son prégnant veuvage. Il erre le long des canaux et la mélancolie du lieu l'imprègne si profondément que la ville devient comme un personnage plein de compassion pour celui qui, inconsolable, a perdu son âme soeur.

Soudain, est-ce un rêve, une hallucination ? Une femme, ressemblant à s'y méprendre à la disparue, croise Hugues sur le chemin d'une de ses tristes promenades nocturnes. Vous lirez la suite...

le charme de ce texte réside dans la capacité experte de son auteur à rendre l'atmosphère de la ville ; si vous vous y êtes trouvé un soir d'hiver après que la circulation automobile a cessé et que le bruit dominant soit le silence transpercé par les notes des carillons, si vous avez vu les perspectives ouatées des venelles et canaux dans la brume formant "un amalgame de somnolence plutôt grise", vous referez au long de ces pages une promenade pleine de réminiscences.

Dans son avertissement, Georges Rodenbach (ami de Villiers de l'Isle-Adam, des Goncourt et Daudet), précise que "cette Bruges qu'il nous a plu d'élire, apparaît presque humaine... Un ascendant s'établit d'elle sur ceux qui y séjournent". de même, par l'alchimie de l'écriture, ce très court roman exerce par contagion sur son lecteur un effet agréable et durable malgré la dominante sombre du décor et du récit.
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