Son père est bien là où il est, mort et oublié. Aussi oublié qu’un mort peut l’être. Pendant longtemps, son père n’a été que le contour de la peur à peine perceptible dans les yeux de sa mère lorsqu’elle avait le regard perdu. Elle aussi est morte, désormais. Aussi morte que peut l’être quelqu’un qu’on n’oubliera pas.
Un fantôme n'était rien de plus qu'un écho mécanique, un bout de quelque chose qu'on avait définitivement perdu. Et qu'est-ce que c'était ? Un bout, rien de plus, il n'y avait pas d'autre façon de le dire. Un fantôme était un extrême, une extrémité, un muscle qui continuait de fonctionner malgré tout. (page 106)
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Il .../... se surveillait du coin de l'œil dans les miroirs jusqu'à en être rassuré. Pampa, qui n'était ni superstitieux ni ingénu, était convaincu que s'il y avait bien une chose qu'un fantôme ne pouvait pas faire, c'était regarder du coin de l'œil. (page 106)
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D'un arbre robuste, à quelques mètres du bord, une femme pend. Le corps d'une femme. Pampa n'a pas peur, mais plutôt honte. Il vient de se rendre compte que il est nu.
Pendant quelques minutes, debout au bord de l'eau, Pampa sent sur son visage l'humidité gelée qui remonte. Il regarde maintenant le ciel sans nuage. Il rejette la tête en arrière et sent le vertige de l'immensité et du silence.
Le soleil vertical de midi est arrivé et a poursuivi sa course, brisant le givre sur les tuiles du toit à double pente du poste de police de Monge. Le craquement progressif de ce givre dur, qui se casse sans fondre, a été, de toute la journée, le seul bruit ayant attiré l'attention des deux jeunes hommes qui s'ennuient dans le local vide.
De temps en temps, il ferme les yeux, exprès, car dans la pénombre où il se trouve, les paupières ne clignent pas. Il les ferme et écoute les bruits de la nuit. La marche minuscule et aveugle des insectes nocturnes, les crissements des choses invisibles qui se cassent, tout près ou au loin, le clapotis du lac derrière lui. Il écoute aussi la neige distiller quand elle cesse d’être neige, parfois même avant de toucher le sol. Le cours du temps ne peut exister que dans les bruits.
La plaine où il progresse est un territoire sans mémoire, étincelant. Le peu de constructions qu’il voit au loin semblent surgies du néant et tout aussi prêtes à être absorbées par lui. Il y a un certain courage dans ces maisons solitaires, dans les colonnes de fumée qui sortent de leurs cheminées. Pampa les voit du coin de l’œil, les respecte, mais il préfère ne pas leur accorder une seule de ses pensées.