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Maïra Muchnik (Traducteur)
EAN : 9782365331166
320 pages
Asphalte (08/09/2022)
3.88/5   8 notes
Résumé :
Paraná, en Argentine, lors d'une longue nuit pluvieuse. Juan et Juan, tueurs à gages et amants, attendent en vain leur cible. Elisa danse dans sa robe rouge pendant que la fête bat son plein autour d'elle. Ángel joue de la batterie comme si c'était la seule chose qui le retenait dans ce monde. Manuel et son frère Vicente cherchent un chien perdu. Baltasar doit s'enfuir, mais la ville ne le laissera pas partir. Veracruz veut mettre fin à son exil, mais la ville ne le... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dernier livre traduit de l'écrivain argentin Ricardo Romero . Son précédent « Je suis l'hiver »était un de mes coups de coeur de l'an 2020. Ici la pluie remplace la neige dans un roman choral à la prose fluide, simple et concise où le silence, la solitude, la chaleur et la pluie urbaine mettent en relief la moindre sensation , le moindre détail physiologique dans un cadre surréaliste. Les personnages sont souvent décalés par rapport à leur propre présence physique et condamnés à contempler leur propre image.
L'action se déroule dans divers endroits à Parana , capital de la province d'Entre Rios au centre ouest de l'Argentine, lors d'une seule et longue nuit pluvieuse. Des personnages insolites, Baltasar aux chaussures immaculées et son mystérieux sac en plastique noir déambule à travers la ville, Juan & Juan amants et tueurs à gages attendent leur victime dans son propre appartement, Manuel chauffeur de taxi est bloqué dans un embouteillage alors qu'y monte « Anthony Quinn » pour profiter de sa clim, Àngel s'initie à la batterie à travers un livre basée sur des exercices inspirés de méthodes orientales de concentration, Elisa brille avec sa robe rouge, Vicente cherche son chien Duque….. Cette bande de déjantés que l'auteur appelle les chiens de la pluie, se rapprochent , se croisent , font d'étranges trafics. Dans l'espace d'une longue nuit , décalés dans le temps où leur passé rejoint leur présent, ils sont noyés dans leurs angoisses dans une quête existentielle désespérée, alors qu'il pleut, un fleuve coule, s'ouvrent des trous et des crevasses , deux hommes sont tués….

Roman introspectif fascinant, cinématographique déroutant, oscillant entre rêve et réalité au fur et à mesure qu'on s'enfonce dans la nuit, la pluie et la solitude. Romero signe ici un film muet poignant et savoureux aux sons de Rain Dogs de Tom Waits , C'est si bon de Louis Armstrong, Espadas y Serpientes d'Attaque 77…et d'une multitude d'autres chansons qui font écho au silence éprouvant qui domine tout le récit. Un grand écrivain !
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Sombre et grandiose, d'ombre et de lumière, tremblant de pluie, d'éclaircies, d'une beauté bouleversante. Déchirant et fondamental, « Les chiens de la pluie » est un roman viril, âpre, urbain et audacieusement politique. Profondément humain, il métamorphose nos sens et nos interpellations, nos palpitations intérieures. Il ne laisse pas indemne, tant sa trame viscérale, qui ne lâche rien, tempétueuse, douloureuse est hypnotisante.
Ce kaléidoscope polyphonique, sans fausses pistes ni ruelles et impasses, juste avec cette réalité qui assume et ne change pas une seule seconde d'un évènementiel dont Ricardo Romero sait décrire avec brio, justesse, dans cet implacable qui acclame la sociologie, les philosophies intérieures, les cruautés véritables d'une ville en l'occurrence Paranà. L'arborescence d'une Argentine cruellement en souffrance.
Ricardo Romero marche dans les pas des protagonistes, très proches de nous. Un peu comme une mise en abîme, un flash qui éclaire une ville en décadence.
Ici, l'idiosyncrasie est implacable. Paranà devient un symbole des tristesses infinies, des douleurs prégnantes. Êtres en perdition, solidaires et combattants. La pluie qui s'abat, sauvage et rebelle, signifiante et violente est une parabole. D'eux, des égarés dans les limbes d'une Argentine torrentielle.
« Bien qu'en réalité il se peut qu'il ne l'ait jamais aimé, se disait-il. Que pouvait-il connaître de l'amour, lui, habillé comme il l'était, avec ce sac noir comme un nuage noir au-dessus de sa tête ? »
Baltasar qu'on aime de toutes nos forces, « à la recherche de son médicament : la nostalgie », le dos courbé par les mélancolies vives et insistantes. Il marche en quête du pain noir que l'on jette aux chiens. Fuir, devenir ombre parmi les ombres. Ses semblables, protagonistes emblématiques d'une ville écartelée dans sa misère, le crime et la soif d'amour. Comme ce livre est hors du commun, en mouvement, aiguilles au cadran de l'éminent et de l'exactitude des gestuelles, des regards et de cette pluie lourde et serrée qui fait la guerre et révèle le monde caché au grand jour. Une déambulation dans les entrailles d'une ville à bout de souffle.
« Le ciel plus noir à force d'être rouge et plus rouge à force d'être noir. »
Vicente et Manuel, en recherche de leur chien Duque, égaré dans le labyrinthe. Profondeurs abyssales d'une séparation qu'ils se refusent. « Il pressentait que cet écho serait sans fin. »
L'exil, sésame ou turpitude, manteau noir gorgé de boue sur les épaules frigorifiées, tempête rebelle et intestine.
Ce livre est le monde, les perditions et à contrario les plus belles humanités car pudiques, sincères et lucides. On aime ce texte serré comme un café fort, virulent et orageux. Dans ces rais perce la magnanimité qui est une des plus belles des qualités humaines. La richesse des rencontres fortuites. La fraternité liane, et chaque seconde étonne par son ralenti, comme un film en noir et blanc en devenir. Au travers, l'intimité d'aucuns et l'obsession cardinale des survivances.
« Ça s'appelle l'Arche de Noé ».
Ce livre estimable et estimé, remarquable et remarqué, brillant est un halo dans la nuit noire. « Les chiens de pluie »,existences anonymes, hommes battus par les courants d'air d'une vie tourmentée et acide. Magistral et essentiel. Traduit de l'espagnol (Argentine) par Maïra Muchnik. Publié par les majeures éditions Asphalte.
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Cette nuit-là, la pluie tombe sans discontinuer sur Parana, pluie diluvienne faisant s'effondrer les routes par endroits, les sols meubles par d'autres. Cette nuit-là, la pluie n'empêche pas pour autant la vie, et la mort, de suivre son cours dans la ville argentine, dans un ballet tragicomique de personnages aux multiples facettes, Ricardo Romero alternant avec brio entre chacun d'entre eux : l'homme qui a fui de chez lui avec un sac ; les tueurs à gage qui attendent leur cible dans un appartement ; le taxi avec une course étrange ; le géant au comportement enfantin et son chien qui gèrent la surveillance du cimetière ; la jeune femme qui se rend à une soirée...

Cette nuit-là, au fil de l'eau qui reflue, les destins de chacun se rejoignent par un instant, un détail, ou au contraire pour plusieurs heures, dans un entremêlement de gestes, de pensées, de sentiments^, de genres et de registres..., donnant lieu à un roman envoûtant, dévoré d'une traite.

Les chiens de la pluie est donc une belle découverte de cette fin d'année, il me tarde de lire Je suis l'hiver, dans ma PAL depuis déjà un certain temps.
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C'est le genre de livre qui mérite d'être lu d'une seule traite, une nuit sans sommeil de préférence, et avec quelque chose qui provoque une douce ivresse à portée de main (et une playlist indicative peut rajouter à l'immersion). le récit se déroule du début de soirée à l'aube de la même nuit, dans une petite ville, Parana, où il pleut sans discontinuer, trempant les protagonistes jusqu'aux os. Mais protagonistes est bien grand mot, car certains ne se croiseront jamais.
Dans ce rêve éveillé, poésie baroque parfois difficile à suivre tant les ellipses et les non-dits sont nombreux, des saynètes alternent. Deux tueurs à gages, dont l'un est tueur en série de surcroît, qui s'appellent tous les deux Juan et sont amants, attendent leur cible qui tarde. Un grand gaillard déambule sous le déluge avec un petit sac noir au contenu mystérieux. Elisa se perd dans ses rêveries lots d'une fête organisée dans un appartement, et elle a peut-être bien fait de quitter le sien. Vicente, gardien de nuit du cimetière un peu simple d'esprit, part à la recherche de son chien dans un trou énorme qui vient de se créer entre les tombes. On y ajoute un paralysé tueur de rats, une fiancée éplorée, un dentiste sadique, une jolie femme qui dort et que rien ne réveillerait…
Les chapitres sont très courts, précédés d'un lieu, d'une heure, ce qui permet d'aller d'un personnage à l'autre. On se doute que l'aube grise n'apportera pas la lumière, et cette étrange rêverie reste un puzzle étrange qui garde bien des parts d'ombres. Il ne faut pas avoir peur de se perdre dans cette ville en pleurs.
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Une unité de lieu : Paraña, une localité argentine. Une unité de temps : une longue nuit pluvieuse. Et un chant choral interprété par une poignée de noctambules disséminés en différents points de la ville.
Cela suffit-il à faire un bon roman ? Je ne le crois pas. Il me semble que l'auteur a été très ambitieux et le résultat n'est pas à la hauteur de cette ambition.
D'abord, il me semble que la contrainte du temps est un peu courte pour maîtriser les codes du récit à plusieurs voix. Nous n'avons pas le temps de rentrer pleinement dans l'histoire des personnages et, du coup, ils apparaissent comme des ombres fantomatiques, sans réelle consistance.
On se dit, pour l'avoir vu ailleurs, comme chez Paul Auster ou Anthony Doerr, que la virtuosité du montage va nous embarquer sur plusieurs pistes qui vont se croiser, se recouper, se séparer puis se rejoindre dans un crescendo final. Il y a un peu de cela chez Ricardo Romero mais à peine esquissé puis vite abandonné. Et le lecteur frustré se retrouve au milieu du gué, sans trop savoir pourquoi on l'a conduit jusque-là.
On se dit que le style peut racheter tout cela et compenser ces maladresses. Mais le parti de faire de cette nuit une nuit pluvieuse finit par lasser. La pluie est omniprésente et devient presque le personnage principal. Il y a certes de très belles pages mais aussi beaucoup de paragraphes ennuyeux, qui servent de liaison et encombrent la narration.
Bref, même si par moments nous sommes embarqués dans cette nuit argentine, ce roman est finalement décevant et la pluie finit par nous noyer
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
« Les voilà donc, les deux types assis sur la cuvette. Ils savent qu’ils sont l’un à côté de l’autre et n’osent pas faire ce qu’ils ont à faire parce qu’ils se méfient du bruit. Un chef ne peut pas péter. Un employé non plus. Encore moins avec l’écho qu’il y a dans les toilettes. Donc les types se retiennent. Et là, c’est le moment crucial, tu comprends ? Va savoir s’il n’y a pas aussi un petit mot sur la porte en face du chef. Les deux pensent et attendent. C’est là que surviennent les révélations… T’as déjà entendu parler d’Héraclite ? Non ? C’était un philosophe grec qui disait que le temps est comme le fleuve. Le fleuve reste égal à lui-même, contrairement à l’eau. Eh bien, quand on est assis, le temps passe différemment. Une personne toujours assise se noie plus vite que celle qui reste debout, ça, Paraná, boulevard Racedo, en face de l’ancienne gare, 2 heures 03 « Les voilà donc, les deux types assis sur la cuvette. Ils savent qu’ils sont l’un à côté de l’autre et n’osent pas faire ce qu’ils ont à faire parce qu’ils se méfient du bruit. Un chef ne peut pas péter. Un employé non plus. Encore moins avec l’écho qu’il y a dans les toilettes. Donc les types se retiennent. Et là, c’est le moment crucial, tu comprends ? Va savoir s’il n’y a pas aussi un petit mot sur la porte en face du chef. Les deux pensent et attendent. C’est là que surviennent les révélations… T’as déjà entendu parler d’Héraclite ? Non ? C’était un philosophe grec qui disait que le temps est comme le fleuve. Le fleuve reste égal à lui-même, contrairement à l’eau. Eh bien, quand on est assis, le temps passe différemment. Une personne toujours assise se noie plus vite que celle qui reste debout, ça, c’est indiscutable. L’eau t’arrive au cou avant. C’est pour ça qu’il faut beaucoup réfléchir, c’est pour ça que je dois beaucoup réfléchir… Et c’est ce qui explique que les deux hommes qui sortent de ces toilettes ne sont pas les mêmes que ceux qui y sont entrés. Ils ont peut-être même fait une découverte les concernant, tu comprends ?
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Une goutte de sueur tremblait sur son front sans se décider à tomber et il la laissait vivre sa vie.
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Un type va aux toilettes au boulot et s'assied sur la cuvette. Il fait rien, puisque chier, c'est pas faire quelque chose. Quand on chie, on n'est pas en train de faire autre chose, on chie.
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