« Personne ne se souviendra de la rue Childebert, de la rue d’Erfurth, de la rue Sainte-Marthe. Personne ne se souviendra du Paris que nous aimions, vous et moi »
Le grain de sa peau légèrement mouchetée, son teint rougeaud, sa barbe drue et bouclée, son regard bleu et glacé. Il était large, un peu gras, avec des mains énormes.
Cette maison est mon corps, ma peau, mon sang, mes os. Elle me porte en elle comme j’ai porté nos enfants. Elle a été endommagée, elle a souffert, elle a été violentée, elle a survécu , mais aujourd’hui, elle va s’écrouler.
Telle une friandise que l'on grignote à l'occasion, je me délecte à lire un ou deux poèmes, et à en laisser d'autres pour plus tard.
Je le sais désormais, en tant que lecteur, il faut faire confiance à l'auteur, au poète. Ils savent comment s'y prendre pour nous extirper de notre vie ordinaire et nous envoyer tanguer dans un autre monde dont nous n'avions même pas soupçonné l'existence.
Le livre m'attendait sur la petite table et je me ruais dessus. Expliquer ce que j'éprouvais en lisant me paraît difficile, mais je vais m'y efforcer. Vous, grand lecteur, devriez me comprendre. C'était comme si je me trouvais en un lieu où nul ne pouvait me troubler, m'atteindre. Je devenais insensible aux bruits autour de moi, à la voix des autres clients, aux passants dans la rue. Je ne voyais que les mots sur la page. Les phrases se muaient en images dans lesquelles j'étais aspirée comme par magie.
Je sais que votre mère m'accepta, du jour où vous me présentâtes à elle. Elle était assise dans son fauteuil favori, le grand vert avec les franges, son tricot sur les genoux. Elle devint une seconde mère pour moi, en à peine quelques mois, avant même notre mariage à Saint-Germain. Ma propre mère, Berthe, s'était remariée quand j'avais sept ans avec Edouard Vaudin, une canaille braillarde. Mon frère Emile et moi le détestions. Quelle enfance solitaire nous vécûmes place Gozlin. Berthe et Edouard ne vivaient que pour eux. Nous ne les intéressions pas. Maman Odette me fit le plus beau des cadeaux : elle me donna le sentiment d'être aimée.
Nous avons vécu ici et, en dépit des embûches que le sort nous a réservées, nous y avons été heureux. Et personne, écoutez-moi bien, personne ne pourra jamais nous l'ôter.
Nous avons vécu ici et, en dépit des embûches que le sort nous a réservées, nous y avons été heureux. Et personne, écoutez-moi bien, personne ne pourra jamais nous l'ôter.
Retranscrire l'histoire de ce lieu sur le papier est devenu un besoin terrible, irrépressible. Je veux écrire afin que nous ne soyons pas oubliés.