Une mystérieuse fraternité relie les Français comme si, aussi séparés qu’ils fussent, ils avaient conscience de s’être trop abreuvés à une source commune pour ne pouvoir être totalement différents. J’aime Voltaire plus complexe qu’on ne l’imagine dans son agnosticisme ; je comprends l’athée Stendhal, jacobin toujours en pétard contre la calotte ; Rimbaud, le mystique à l’état sauvage ; le bouffe-curés Mirbeau ; le mécréant Flaubert ; le païen Maupassant ; le communiste Aragon ; l’agnostique Malraux obsédé par les spiritualités. Je suis bien évidemment du côté de l’épicurien Gauguin dans son combat à Tahiti contre les pasteurs rigoristes qui veulent faire fermer sa « Maison du Jouir ».
Je les respecte infiniment même si leur éloignement du christianisme me semble souvent superficiel et lié aux circonstances.
Ne faudrait-il pas que l’église, la cathédrale, doivent revenir ce qu’elles ont cessé d’être depuis que le catholicisme contemporain les en a dépossédés de leurs enchantements : un lieu hors du monde laïc même s’il demeure étroitement et passionnément en lien avec ses drames et ses souffrances ; un lieu de beauté et de mystère
La France édifice fort et fragile semble avoir réuni ses forces pour sa destruction. Car contrairement aux autres pays comme l’Angleterre, l’Allemagne, les États-Unis – à la société civile forte – qui préfèrent se mentir plutôt que de reconnaître leurs erreurs, la France les ressasse à l’infini.
Les entreprises multinationales ont implanté leur tyrannie mondiale sur les êtres qu’ils guident tels des marionnettistes vers des biens de consommation. Sans jouer les pères la vertu, la marchandisation du monde, le traitement des hommes comme des choses à des fins commerciales, crée les conditions d’une nouvelle religion matérialiste.
D’où la question : y a-t-il encore une place pour le religieux ou la croyance ?
La Nature parlait une double langue, celle de l’utilité matérielle et celle de la croyance religieuse et poétique. Nous avons adopté l’inverse : rien n’est sacré.