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Citations sur La maitresse italienne (10)

Bruslart, quand il ressort des locaux du ministère de la Guerre, n’a reçu que des consignes vagues : le ministre, qui n’est pas un aigle, a préféré être prudent. On commet moins d’erreurs en ne décidant rien. Cette question du traitement réservé au proscrit mérite réflexion : elle n’est d’ailleurs pas du ressort du ministre de la Guerre, ni même du roi seul – bien qu’il soit sans états d’âme sur le sujet – mais il est, en ce moment même, en pleine négociation, par l’intermédiaire de Talleyrand, à Vienne avec les puissances alliées. Bruslart n’a donc en arrivant à Bastia d’autre conseil à prendre que de sa conscience. Et sa conscience est tout entière absorbée par la haine.
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Mais un asile bourgeois et confortable en Amérique lui répugne. Que lui importe de devenir un objet de curiosité dans un pays à peine effleuré par la civilisation, au sein d’une société mercantile qu’il méprise ? Il a toujours choisi le risque. Il sent que ce destin-là, si fou, si aventureux soit-il, est mystérieusement le seul en accord avec l’idée qu’il se fait de sa gloire.
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On sentait qu’une menace pesait sur ce bonheur de vivre où se réfugiait la bonne société. Un sourd grondement de contestation politique était sensible. Le vieil édifice social avait été ébranlé par les conquêtes napoléoniennes ; les idées progressistes de la Révolution s’étaient insinuées dans les esprits, y compris chez les réactionnaires qui voulaient les combattre. Un ferment de dissolution demeurait. On avait instillé dans les cœurs des aspirations vagues qui pouvaient prendre les aspects les plus divers. Certains faisaient le grand rêve d’une Italie réunifiée : les uns, sous l’égide d’un prince, les autres, affiliés aux ventes des carbonari ou aux loges maçonniques, pour instaurer une république. D’honnêtes mères de famille s’enfuyaient subitement avec le professeur de piano de leurs enfants ; des hommes nantis, peu enclins à la mélancolie, un soir, se suicidaient. L’absence soudaine du grand homme qui avait dominé l’Europe laissait un vide, et son exemple, ce défi au romanesque, diffusait l’illusion dangereuse que tout était possible.
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En réalité, ses seuls soutiens, ce sont ses ennemis : Louis XVIII, qui a gâché sa chance en ne comprenant rien aux aspirations des Français, et les faux alliés réunis au congrès de Vienne qui ne nourrissent aucun projet commun et ne s’entendent sur rien hormis la frousse qu’il leur inspire.
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Dans un fracas de chaînes comme si elle se délivrait de ses entrailles de fer, la frégate l’Undaunted mouilla son ancre dans les eaux turquoise de la rade. Affolées, les mouettes, posées en frise sur les vergues, s’envolèrent dans un bruissement d’ailes et un caquetage discordant. L’île apparut dans toute sa splendeur. Le spectacle qu’offrait le port aux maisons blanches et aux toits de tuiles, étagées dans un amphithéâtre naturel creusé dans la montagne, avait quelque chose d’irréel. L’air était suave, d’une douceur printanière, avec des relents douceâtres de miel. Le soleil à son couchant diffusait une lumière ardente qui rosissait le ciel et prolongeait ses irisations roses dans la mer. Ce crépuscule mettait en valeur la joliesse italienne de la côte. On distinguait avec netteté, à l’encombrement des voitures et aux allées et venues des commissionnaires, l’agitation que provoquait l’arrivée du navire. Les quais et la jetée étaient noirs de curieux.
Sur le pont supérieur, muni de sa longue-vue en laiton, le colonel Campbell ne voulait rien perdre du spectacle. Il était saisi par une émotion qui tenait autant à la beauté du paysage qu’au prodige de sa situation. Il ressentait cet enthousiasme que l’on éprouve dans les rares moments où la vie s’ingénie à vous prodiguer la réalisation de vos souhaits les plus secrets. À quoi lui faisait songer ce paysage ? À un Turner, mais un Turner plus radieux, plus pimpant, plutôt un Tiepolo.

(INCIPIT)
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Les chevaux luisants de sueur ont l’écume à la bouche. Les deux cavaliers découvrent un magnifique point de vue. Le temps est clair et l’on aperçoit avec netteté le relief de l’île. La Corse avec ses hautes montagnes domine l’horizon. À quelques encablures, on distingue l’île de Pianosa et l’îlot aride et pelé de Montecristo. Surtout se dessine, étonnamment proche, la côte toscane, au-delà du bras de mer de Piombino, dont la ville blanche est enveloppée d’un halo brumeux. Et plus loin encore, les îles de la mer Tyrrhénienne jusqu’au golfe de La Spezia.
Le grand homme ne prononce pas une parole. Il attache la bride de sa jument à la branche d’un vieil olivier et regarde dans le lointain. Comme perdu dans un rêve. Ses yeux s’attachent à la côte toscane. Il contemple ce rivage italien si proche qu’on pourrait croire qu’il touche l’île. Il semble sous l’effet d’une étrange fascination.
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Dans l’île [d’Elbe], il ne se lasse pas du permanent théâtre qu’il a sous les yeux. C’est la réédition de l’Empire en modèle réduit, une experte miniaturisation d’un système de gouvernement passé de cent millions de sujets à dix mille îliens, d’une Grande Armée de huit cent mille hommes à une garde prétorienne de moins de deux mille soldats. Cela donne le sentiment poignant du rappel d’une grandeur passée et en même temps du ridicule de tenter de la reproduire sur une autre scène. Comme un opéra magnifique de décor, de costumes et de mise en scène, transporté dans le théâtre municipal d’une ville de province. Tout est disproportionné : un trop petit cadre pour de trop grands acteurs. Le déploiement des cérémonies militaires, la stricte étiquette semblent déconnectés de la réalité. On singe un pouvoir évanoui, on recrée la liturgie d’une cour factice dans un minuscule palais qui paraît en carton-pâte.
Car seul compte ici le grand acteur. Démultipliant les activités, à la fois architecte et chef de chantier, construisant sans cesse de nouvelles demeures, il talonne les ingénieurs pour augmenter la production du fer, grande richesse de l’île, construit de nouvelles routes, bref il est partout comme le prince arabe des Mille et une nuits qui avait le pouvoir de se démultiplier. Recevant des invités de marque venant de tous les coins d’Europe, qui se pressent dans l’île curieux de voir et d’écouter le monument historique vivant qu’il représente.
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La carrière de ce Jaucourt est des plus plaisantes, c’est lui aussi un virtuose de l’équilibrisme politique, un maestro du retournement de veste : il est passé successivement, apparemment sans états d’âme, de la protection de la famille de Condé à la Révolution, du Tribunat et des faveurs de l’Empereur, qui l’a fait comte, à un ralliement immédiat à Louis XVIII ; accessoirement, pour complaire à son nouveau maître, il a poussé le zèle jusqu’à faire mettre sous séquestre les biens de la famille impériale. Bien sûr il se ralliera à la monarchie de Juillet : sénateur, il votera pour Louis Napoléon, et applaudira au coup d’État du 2 décembre. C’est ce qu’on appelle un homme de conviction qui a de la suite dans les idées.
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À quoi tient l’invraisemblable charme de la comtesse ? Peut-être, plus qu’à sa beauté, à la générosité d’un caractère, à la chaleureuse sollicitude qu’elle diffuse autour d’elle, aux bienfaits dont elle est prodigue envers chacun, sans tenir compte d’une quelconque position sociale. Rarement une coquette a mis autant de sophistication dans la simplicité de ses manières. L’attrait qu’elle exerce tient peut-être à la mystérieuse ambiguïté qui l’enveloppe, suggérant des mœurs qui peuvent la conduire au meilleur comme au pire, à la chasteté ou à la dépravation. Comme le disait en confidence, d’un air entendu, Benito Calvi, un vieil ambassadeur des États pontificaux connu pour avoir bénéficié des faveurs des plus belles courtisanes d’Europe : « Quand je l’observe, je n’arrive pas à savoir si elle a été élevée dans le plus strict des couvents ou dans la plus huppée des maisons de plaisir. »
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Des le lendemain, il est à cheval, curieux d’explorer l’île qui lui est échue, surtout heureux d’échapper à des hommages dont la médiocrité lui fait douloureusement ressentir sa chute.
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