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EAN : 9782073041081
Gallimard (04/01/2024)
3.21/5   41 notes
Résumé :
Belle, jeune, légère, la comtesse Miniaci est au cœur d’une énigme historique de première grandeur. Quel fut son rôle dans l’évasion épique de Napoléon de l’île d’Elbe ? Sans elle, l’Empereur n’aurait pu tromper la surveillance de tous ceux qui guettaient le moindre de ses mouvements. Particulièrement le jeune colonel Neil Campbell, chargé par les Anglais d’empêcher sa fuite. Dans quelle mesure la passion de l’officier britannique pour la belle Florentine a-t-elle p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (11) Voir plus Ajouter une critique
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Fasciné par la légende napoléonienne au point d'avoir déjà consacré une biographie au grand homme, l'académicien Jean-Marie Rouart tire de l'ombre un personnage oublié de l'histoire pour en faire un ressort de l'évasion de l'île d'Elbe. Sans le rôle obscur de « la maîtresse italienne », « l'invasion d'un pays par un seul homme » et le retour au pouvoir de Napoléon pendant les Cent-Jours auraient-ils seulement été possibles ? Sous la plume émérite de l'écrivain, les petits détails de l'histoire s'avèrent passionnément décisifs.


Le 26 février 1815, celui qui fut le maître de l'un des grands empires au monde, mais qui, depuis sa première abdication neuf mois plus tôt, se retrouve assigné à résidence sur la minuscule île d'Elbe, théâtre ridicule de la réédition en modèle réduit d'une cour et d'un gouvernement sans plus d'objet, prend tranquillement la poudre d'escampette. Mais comment l'aigle encagé, surveillé comme du lait sur le feu tant il fait encore trembler tous les pouvoirs d'Europe, a-t-il pu si facilement s'échapper ?


Réduit dans le récit au seul dénominatif de proscrit, son ombre planant sur la narration comme sur le monde de l'époque, tout bruissant de complots, de renversements d'alliances et d'intrigues galantes dans un bal du pouvoir mené, parmi force retournements de veste, par Talleyrand et Metternich, celui que tous craignent et surveillent n'apparaît qu'en creux du portrait finement érudit de ses contemporains, au travers de leurs peurs, de leurs haines et de leurs ambitions. Les femmes ne sont pas en reste de ce marigot politique, où le pouvoir se dispute jusqu'au creux des alcôves, dans une effervescence de fêtes et de plaisirs étincelants. Parmi les reines de séduction règne en bonne place l'irrésistible comtesse Miniaci, coqueluche de Florence, dont Pauline Bonaparte dit : « [Son] nez eût été plus long, le sort du monde eût été changé… »


Toujours est-il que lorsque Napoléon réussit à prendre le large sans encombre, c'est précisément chez la belle comtesse, dont « on ne savait pas vraiment d'où elle venait, ni qui la protégeait, ni quelles étaient ses opinions », et non plus, à l'observer, « si elle [avait] été élevée dans le plus strict des couvents ou dans la plus huppée des maisons de plaisir », que l'auteur, laissant son imagination compléter les faits historiques connus, suppose que s'est fort opportunément rendu le colonel Campbell, officier anglais épris jusqu'à en négliger sa mission de surveillance de l'encombrant exilé. Quel rôle l'enjôleuse a-t-elle joué exactement ? Etait-elle acquise au camp bonapartiste ?


Avec un réalisme des plus sérieux et une érudition pleine d'humour, qui, entre analyse politique et savoureux portraits des puissants de l'époque, rendent la narration crédible et passionnante, Jean-Marie Rouart nous entraîne, à partir d'une péripétie romanesque de son cru, dans une rétrospective historique impressionnante de finesse et de profondeur. Ajoutons à cela une rare élégance de plume et voici un fort séduisant roman, à déguster sans modération.

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1814, Napoléon, condamne à l'exil sur l'île d'Elbe, surveillé par un officier anglais (Neil Campbell) dispose d'une grande autonomie d'action et de déplacements. L'auteur, décrit avec beaucoup de détails sa vie sur place et les nombreuses relations qu'il noue. On se perd un peu dans cette profusion de protagonistes, qui est qui et pourquoi? le colonel mentor, éperdument amoureux de la comtesse Miniaci qu'il rencontre fréquemment à Florence manque de vigilance et permet le retour de l'aigle. Un épisode crucial de la vie de l'empereur trop richement documenté pour qu'on suive l'histoire avec intérêt !
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En 2012 paraissait « Napoléon ou la destinée », dans lequel l'académicien brossait le saisissant portrait d'un être « souvent au bord du gouffre. » Pour cela il s'attachait à quarante-sept dates, qui avaient constitué autant de périlleux tournants sur la trajectoire de Napoléon Bonaparte. de nombreux autres livres témoignent pareillement de son intérêt passionné pour un temps et pour un homme qui n'ont en fait jamais cessé de l'inspirer
Voici donc aujourd'hui cette « Maîtresse italienne », une certaine comtesse Miniaci, qui nous vaut ce roman alliant finesse et élégance. Jean-Marie Rouart n'apparaît en effet jamais autant à son aise que dans l'entrelacs des intrications entre la petite et la grande histoire, champ idéal pour l'invention romanesque. A l'encontre de ce que pourrait laisser imaginer le titre du livre, la séduisante jeune Florentine dont il est ici question ne fut pas la maîtresse de l'Empereur, mais celle du colonel Neil Campbell, l'officier britannique chargé de surveiller le « grand proscrit » lors de sa relégation sur l'île d'Elbe, de mars 1814 à février 1815, avant que celui-ci ne s'en évade pour entamer l'épopée des Cent Jours. le fameux « Vol de l'aigle », marche triomphale de Golfe-Juan à Paris, dont la littérature s'est largement emparée, depuis Victor Hugo et Alexandre Dumas jusqu'à Jean Anouilh et Aragon. Pour sa part, Jean-Marie Rouart a choisi de situer son récit juste avant et d'évoquer la gestation de l'opération d'apparence insensée qui sidèrera l'Europe. L'empereur déchu, contraint par les Alliés à l'exil, avait choisi Elbe, la grande île de l'archipel toscan, où on lui avait laissé toute latitude d'exercer son pouvoir. Celui qui avait suscité l'admiration de Goethe et Hegel se retrouvait ainsi à régner sur un bout de terre particulièrement rustique, sans commune mesure avec les vastes espaces de ses conquêtes. Sauf que par sa seule présence il faisait entrer l'île d'Elbe dans l'Histoire « un si grand homme dans une si petite île. »
Très précisément documenté, Jean-Marie Rouart restitue les trois cents jours du premier exil napoléonien. A la façon du proscrit, en cartographe de l'île, il dresse des plans, lève des croquis, étalonne, mesure. L'obstiné administrateur a en effet entrepris de réformer l'organisation de l'ile dont il est devenu le monarque. A cette petite échelle, depuis son modeste domaine des Mulini, il s'essaie à reproduire ce qu'il avait lancé depuis le palais des Tuileries. Une manière de condensé, dans un espace réduit, sur un temps court, de ce qu'il avait initié pour la France. Aux yeux de Neil Campbell, un évident assagissement, des prétentions revues à la baisse. « C'est la réédition de l'Empire en modèle réduit, une experte miniaturisation d'un système de gouvernement passé de cent millions de sujets à dix mille îliens, d'une Grande Armée de huit cent mille hommes à une garde prétorienne de moins de deux-mille soldats », note malicieusement Jean-Marie Rouart. Et puis l'île est surveillée de près par une foule d'agents des Alliés, tandis qu'à Vienne on tient congrès -des pages admirables avec Talleyrand et Metternich en vedettes en font le récit- pour décider du sort définitif de l'exilé, qui fait encore peur, et redessiner la carte de l'Europe après deux décennies et demie de turbulences. Tout cela qui autorise Campbell à certaines absences, pour se rendre quelques jours par mois du côté de Florence, ou de Livourne et Lucques plus proches de l'île d'Elbe, pour y retrouver l'attirante comtesse dont il est épris. Jean-Marie Rouart fait ici venir au premier plan un personnage bien réel autour duquel ont flotté de nombreuses zones d'ombre. du pain béni pour un romancier.
Le 26 février 1815 le « grand proscrit », qui en adepte de l'effet de surprise avait endormi tout son monde, embarquait sans coup férir à bord du brick « L'Inconstant », le 1er mars il débarquait à Golfe-Juan. On connaît la suite. Dans cette inattendue version de l'exil et du début des Cent Jours Jean-Marie Rouart déploie tout son savoir-faire romanesque. le romantisme comme l'humour de son écriture et sa constante élégance inscrivent cette « Maîtresse italienne » dans le tout meilleur de sa littérature, du côté du « Cavalier blessé » (1987) ou du « Goût du malheur » (1993). Après s'être immergé dans son propre roman familial avec l'émouvant « Entre père et fils » (Gallimard, 2023), le voici donc revenu à l'Histoire. Son grand terrain d'élection, assurément.

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Ah voilà un roman historique qui se déguste avec volupté !
Comment « l'illustre proscris », épié comme le lait sur le feu par ceux qui redoutaient son retour, a-t-il pu prendre le large à bord du brick bien-nommé « L'Inconstant » avec 1 200 hommes, débarquer à Golfe-Juan le 1er mars 1815 ? Sans « la maitresse italienne », le retour au pouvoir de Napoléon et les Cent-Jours auraient-ils été concevable ? Jean-Marie Rouart nous décrit les 300 jours de la souveraineté de Napoléon sur l'île d'Elbe, où l'Aigle fut mis en cage. Une vie de cour s'organise autour de lui..
L'île d'Elbe est un nid d'espions. Au colonel Campbell, il dira même « 𝐽𝑒 𝑛'𝑒𝑥𝑖𝑠𝑡𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑚𝑜𝑛𝑑𝑒. 𝐽𝑒 𝑠𝑢𝑖𝑠 𝑢𝑛 ℎ𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑚𝑜𝑟𝑡. 𝐽𝑒 𝑛𝑒 𝑚'𝑜𝑐𝑐𝑢𝑝𝑒 𝑝𝑙𝑢𝑠 𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑚𝑎 𝑓𝑎𝑚𝑖𝑙𝑙𝑒, 𝑑𝑒 𝑚𝑎 𝑟𝑒𝑡𝑟𝑎𝑖𝑡𝑒, 𝑑𝑒 𝑚𝑎 𝑚𝑎𝑖𝑠𝑜𝑛, 𝑑𝑒 𝑚𝑒𝑠 𝑣𝑎𝑐ℎ𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑚𝑒𝑠 𝑚𝑢𝑙𝑒𝑡𝑠 ! ». Y croyait-il ?

J'ai adoré que les acteurs de cette page d'histoire ne soient pas nommés. Napoléon est 𝑳'𝒆𝒙𝒊𝒍é, 𝑳'𝒉𝒐𝒎𝒎𝒆 𝒅𝒆 𝒍é𝒈𝒆𝒏𝒅𝒆. Nous rencontrons 𝑳𝒆 𝒃𝒐𝒊𝒕𝒆𝒖𝒙, 𝒍'𝑨𝒖𝒕𝒓𝒆» et d'autres. Les personnalités et états d'âme sont éminemment bien décrits, vivants. JMR a la dent dure, l'humour fin. J'ai adoré l'ironie avec laquelle il décrit les félons … et ils sont nombreux !
J'ai aimé : L'attraction que Napoléon exerce sur Neil Campbell, La description de la vie sur place, le congrès de Vienne où on débat secrètement de son éloignement, Pauline qui essaie de redonner le sourire à son illustre frère..
J'ai adoré Talleyrand en proie à la jalousie, le colonel, ce grand guerrier, amoureux transi comme envouté…
J'ai adoré madame Mère toujours confiante en son fils. « 𝒞𝑒 𝓆𝓊𝒾 𝒹𝑜𝒾𝓉 ê𝓉𝓇𝑒 𝓈𝑒𝓇𝒶. 𝒬𝓊𝑒 𝒟𝒾𝑒𝓊 𝓋𝑜𝓊𝓈 𝒶𝒾𝒹𝑒… 𝓂𝒶𝒾𝓈 𝓈'𝒾𝓁 𝑒𝓈𝓉 é𝒸𝓇𝒾𝓉 𝓆𝓊𝑒 𝓋𝑜𝓊𝓈 𝒹𝑒𝓋𝑒𝓏 𝓂𝑜𝓊𝓇𝒾𝓇, 𝒾𝓁 𝑒𝓈𝓉 𝓅𝓇é𝒻é𝓇𝒶𝒷𝓁𝑒 𝓆𝓊𝑒 𝒸𝑒 𝓈𝑜𝒾𝓉 𝓃𝑜𝓃 𝓅𝒶𝓇 𝓁𝑒 𝓅𝑜𝒾𝓈𝑜𝓃, 𝓃𝒾 𝓅𝒶𝓇 𝓊𝓃 𝓇𝑒𝓅𝑜𝓈 𝒾𝓃𝒹𝒾𝑔𝓃𝑒 𝒹𝑒 𝓋𝑜𝓊𝓈, 𝓂𝒶𝒾𝓈 𝓁'é𝓅é𝑒 à 𝓁𝒶 𝓂𝒶𝒾𝓃 ».

L'existence de cette comtesse Miniaci n'est attestée que par quelques rumeurs ou chroniques… le romancé se mêle à la vérité.
Le style est éblouissant, élégant… Vous l'avez deviné ? J'ai adoré cette lecture romanesque, politique et historique.
Je ne regarderai plus les fleurs de genêts de la même façon..
Je mets dans ma malle-à-lire « Napoléon ou la destinée » du même auteur.

Sur le bandeau, il s'agit de « Marietta », ou « L'Odalisque romaine », de Camille Corot (1843), quasi contemporaine de la comtesse italienne qui a inspiré Jean-Marie Rouart.© Bridgeman
Lien : https://www.plkdenoetique.co..
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Un très bref roman, sauvé par un style étincelant … Historique ? A quoi bon chercher à savoir ! Un exercice de style, certainement. Avec une coquetterie digne du parler des « Incroyables » et des « Merveilleuses », ces jeunes extravagants qui affectaient, sous le Directoire, de ne jamais prononcer les « r » depuis que les révolutionnaires avaient décapité le roi.

Car le principal personnage de ce livre n'est jamais désigné par son nom : il est « l'homme de légende », « l'homme le plus puissant de la terre », « le grand exilé », « le grand proscrit ».

Bien étroit est le royaume que les puissances coalisées lui ont concédé, à quelques kilomètres seulement de sa terre natale ! Si proche de la Toscane où le monde continue à s'étourdir de fêtes et de bals masqués, de forniquer et de s'enivrer, tout comme à Vienne où l'âme damnée, diplomate de génie, Talleyrand, s'efforce d'imposer la France vaincue dans le grand jeu des nations.

Cette île d'Elbe où l'empereur déchu s'efforce de bâtir, d'organiser, d'exploiter les richesses minières, ce confetti où il fulmine d'attendre – en vain – la visite de Marie-Louise et de son fils retenus par l'empereur d'Autriche, mais où il recevra Marie Walewska, cette île assez facile d'accès et envahie d'agents de renseignement de tous bords – y compris ses fidèles Corses …

L'homme reclus exerce aussi son charme dévorant sur le colonel Neil Campbell chargé par les Anglais d'empêcher sa fuite. Un jeune officier torturé par une scène de guerre qui l'obsède, un amoureux transi, tout entier à sa passion pour une jeune beauté volage et manipulatrice, qu'il rejoint dès qu'il le peut dans la ville des Médicis … Mais au fait qui est cette comtesse italienne ?

Pour l'auteur, une occasion de brosser une galerie de personnages fascinants, qui ont eu la chance – ou l'intelligence – de survivre à cette époque redoutable et ne reculent désormais devant aucun changement de cap pour continuer à exister ou, comme Murat, à sauver son pouvoir. C'est aussi le dessein de l'homme qui murit sa vengeance …
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
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critiques presse (8)
LaTribuneDeGeneve
18 mars 2024
Dans ce court roman découpé en non moins courts chapitres, l’Académicien s’intéresse à l’empereur déchu alors que, relégué sur l’île d’Elbe de 1814 à 1815, il trame son retour aux affaires politiques et militaires.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LesEchos
27 février 2024
Forme resserrée et chapitres courts offrent un bon roman qui déjoue à la fois le piège de l'essai historique travesti et celui de l'hagiographie dénuée de recul.
Lire la critique sur le site : LesEchos
LaLibreBelgique
27 février 2024
Jean-Marie Rouart attribue aux charmes d'une irrésistible comtesse italienne le coup de pouce qui a précipité le destin de l'Empereur en exil.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
02 février 2024
L'académicien fait mieux que Ridley Scott avec son biopic raté sur Napoléon: il ressuscite une certaine comtesse Miniaci qui a eu une importance méconnue dans l'histoire de l'Empereur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
02 février 2024
Dans un roman virevoltant, l’académicien raconte les coulisses de l’évasion de Napoléon de l’île d’Elbe en 1815. Une lecture idéale pour se nettoyer l’esprit après le nanar du réalisateur anglais.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaCroix
02 février 2024
Sur fond de congrès de Vienne et d'intrigues amoureuses, l'académicien imagine l'exil de Napoléon sur l'île d'Elbe.
Lire la critique sur le site : LaCroix
SudOuestPresse
29 janvier 2024
Après « Napoléon ou la destinée », le romancier et académicien concentre son propos sur la captivité de l’Empereur sur l’île d’Elbe avant l’épisode des Cent Jours. Passionnant.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeFigaro
09 janvier 2024
L'académicien conte avec précision la vie de Napoléon à Elbe avec une grande maîtrise romanesque.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Bruslart, quand il ressort des locaux du ministère de la Guerre, n’a reçu que des consignes vagues : le ministre, qui n’est pas un aigle, a préféré être prudent. On commet moins d’erreurs en ne décidant rien. Cette question du traitement réservé au proscrit mérite réflexion : elle n’est d’ailleurs pas du ressort du ministre de la Guerre, ni même du roi seul – bien qu’il soit sans états d’âme sur le sujet – mais il est, en ce moment même, en pleine négociation, par l’intermédiaire de Talleyrand, à Vienne avec les puissances alliées. Bruslart n’a donc en arrivant à Bastia d’autre conseil à prendre que de sa conscience. Et sa conscience est tout entière absorbée par la haine.
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Dans un fracas de chaînes comme si elle se délivrait de ses entrailles de fer, la frégate l’Undaunted mouilla son ancre dans les eaux turquoise de la rade. Affolées, les mouettes, posées en frise sur les vergues, s’envolèrent dans un bruissement d’ailes et un caquetage discordant. L’île apparut dans toute sa splendeur. Le spectacle qu’offrait le port aux maisons blanches et aux toits de tuiles, étagées dans un amphithéâtre naturel creusé dans la montagne, avait quelque chose d’irréel. L’air était suave, d’une douceur printanière, avec des relents douceâtres de miel. Le soleil à son couchant diffusait une lumière ardente qui rosissait le ciel et prolongeait ses irisations roses dans la mer. Ce crépuscule mettait en valeur la joliesse italienne de la côte. On distinguait avec netteté, à l’encombrement des voitures et aux allées et venues des commissionnaires, l’agitation que provoquait l’arrivée du navire. Les quais et la jetée étaient noirs de curieux.
Sur le pont supérieur, muni de sa longue-vue en laiton, le colonel Campbell ne voulait rien perdre du spectacle. Il était saisi par une émotion qui tenait autant à la beauté du paysage qu’au prodige de sa situation. Il ressentait cet enthousiasme que l’on éprouve dans les rares moments où la vie s’ingénie à vous prodiguer la réalisation de vos souhaits les plus secrets. À quoi lui faisait songer ce paysage ? À un Turner, mais un Turner plus radieux, plus pimpant, plutôt un Tiepolo.

(INCIPIT)
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On sentait qu’une menace pesait sur ce bonheur de vivre où se réfugiait la bonne société. Un sourd grondement de contestation politique était sensible. Le vieil édifice social avait été ébranlé par les conquêtes napoléoniennes ; les idées progressistes de la Révolution s’étaient insinuées dans les esprits, y compris chez les réactionnaires qui voulaient les combattre. Un ferment de dissolution demeurait. On avait instillé dans les cœurs des aspirations vagues qui pouvaient prendre les aspects les plus divers. Certains faisaient le grand rêve d’une Italie réunifiée : les uns, sous l’égide d’un prince, les autres, affiliés aux ventes des carbonari ou aux loges maçonniques, pour instaurer une république. D’honnêtes mères de famille s’enfuyaient subitement avec le professeur de piano de leurs enfants ; des hommes nantis, peu enclins à la mélancolie, un soir, se suicidaient. L’absence soudaine du grand homme qui avait dominé l’Europe laissait un vide, et son exemple, ce défi au romanesque, diffusait l’illusion dangereuse que tout était possible.
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Dans l’île [d’Elbe], il ne se lasse pas du permanent théâtre qu’il a sous les yeux. C’est la réédition de l’Empire en modèle réduit, une experte miniaturisation d’un système de gouvernement passé de cent millions de sujets à dix mille îliens, d’une Grande Armée de huit cent mille hommes à une garde prétorienne de moins de deux mille soldats. Cela donne le sentiment poignant du rappel d’une grandeur passée et en même temps du ridicule de tenter de la reproduire sur une autre scène. Comme un opéra magnifique de décor, de costumes et de mise en scène, transporté dans le théâtre municipal d’une ville de province. Tout est disproportionné : un trop petit cadre pour de trop grands acteurs. Le déploiement des cérémonies militaires, la stricte étiquette semblent déconnectés de la réalité. On singe un pouvoir évanoui, on recrée la liturgie d’une cour factice dans un minuscule palais qui paraît en carton-pâte.
Car seul compte ici le grand acteur. Démultipliant les activités, à la fois architecte et chef de chantier, construisant sans cesse de nouvelles demeures, il talonne les ingénieurs pour augmenter la production du fer, grande richesse de l’île, construit de nouvelles routes, bref il est partout comme le prince arabe des Mille et une nuits qui avait le pouvoir de se démultiplier. Recevant des invités de marque venant de tous les coins d’Europe, qui se pressent dans l’île curieux de voir et d’écouter le monument historique vivant qu’il représente.
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Les chevaux luisants de sueur ont l’écume à la bouche. Les deux cavaliers découvrent un magnifique point de vue. Le temps est clair et l’on aperçoit avec netteté le relief de l’île. La Corse avec ses hautes montagnes domine l’horizon. À quelques encablures, on distingue l’île de Pianosa et l’îlot aride et pelé de Montecristo. Surtout se dessine, étonnamment proche, la côte toscane, au-delà du bras de mer de Piombino, dont la ville blanche est enveloppée d’un halo brumeux. Et plus loin encore, les îles de la mer Tyrrhénienne jusqu’au golfe de La Spezia.
Le grand homme ne prononce pas une parole. Il attache la bride de sa jument à la branche d’un vieil olivier et regarde dans le lointain. Comme perdu dans un rêve. Ses yeux s’attachent à la côte toscane. Il contemple ce rivage italien si proche qu’on pourrait croire qu’il touche l’île. Il semble sous l’effet d’une étrange fascination.
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Vidéo de Jean-Marie Rouart
Jean-Marie Rouart vous présente son ouvrage "La maîtresse italienne" aux éditions Gallimard. Entretien avec Jean-Claude Raspiengas. Rentrée littéraire janvier 2024.
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