Blue cerises - Intégrale, tome 3 : La minute papillon

Nous atteignons une sorte de belvédère et soudain, devant nous, Paris se déploie, scintillante, magique, fêtarde, unique, clinquante, bijou de lumière posé dans un écrin bleu piqué d'étoiles.

Les Cerises, marre. Moi aussi, je peux tirer le rideau, envoyer chier les secrets des unes, les cachotteries, les humeurs, l'alcool des autres. Les Cerises, c'est quoi ? Oui, justement, c'est quoi ? C'est ce plus, ce truc qui ne sait pas dire son nom et qui, pour moi, va au-delà de l'amitié aussi. C'est une aventure qui s'est forgée avec le temps, qui a grossi autour du noyau de notre rencontre, de la façon dont nous avons su, alors, faire face à l'histoire d'Olivia, à partir de là, aller plus loin.
Les Cerises, c'est la possibilité d'être nous, tels quels, sans masque, sans paraître. Un cocon, peut-être, où nous pouvons nous protéger de tout le reste.

Les blue Cerises ensemble, chacun avec ses chagrins, chacun avec ses secrets, tournent comme des planètes solitaires sur la musique de Prince. Tournent autour de leur secret, autour de leurs trahisons, autour de leur crime.

Une famille normale ? Je sais pas si ça existe. Quand je nous vois, les Cerises, je me dis qu'une famille "normale" est quelque chose qui doit ressembler au dahu ou au yéti, un truc improbable qui sert juste d'étalon-mètre aux publicitaires et aux statisticiens, un repère idéal, genre appartement témoin où personne ne vit jamais. Trop bien rangé, trop propre. Mais que les gens aiment bien visiter de temps en temps, comme un catalogue.

Je devine que, ces derniers temps, mes trois Cerises ont suivi des routes cahoteuses qui leur ont agité le noyau sans que j'en sache grand-chose.

A croire que la belle entente des blue Cerises est bâtie sur une montagne de mensonges et de dissimulations.

A côté de moi, un bande de gothiques de la mort qui tue. Je braille à l'adresse d'un garçon, teint blême, cheveux ternes, visage tout clouté de partout :
- T'es déguisé en rayon bricolage du BHV ?

Je me sens aussi hilare qu'une statue de l'île de Pâques face à l'océan.

Nous, les blue Crises, on a juré qu'on ne raconterait rien... On n'a jamais juré qu'on se dirait tout.

- [...] Moi, je l'aurais bien vu en gentilhomme du Sud, comme dans Autant en emporte le vent... Pourquoi pas Rhett Butler, lors de l'incendie d'Atlanta, avec une moustache fine, et des bottes de cheval ?
- Le genre chemise blanche déchirée sur torse velu ? Très peu pour moi ! D'ailleurs, je déteste l'odeur du cigare.
Amos saute de sa chaise et déclame d'une voix déchirante en prenant ma grand-mère par la taille :
- Here's a soldier of the South who loves you, Scarlett !
La midinette de soixante-quinze balais se dégage en pouffant, les joues toutes roses, alors qu'il continue à brailler :
- Kiss me, kiss me, Scarlett !
- Hu hu, gaminou, va !