En 2017, un agriculteur syndicaliste de Saône-et-Loire, en cavale depuis 9 jours pour échapper à un contrôle administratif sur son exploitation, est abattu par un gendarme après avoir forcé un barrage de police. C'est à partir de ce fait divers que
Corinne Royer bâtit son roman,
Pleine terre, sorti en 2021, et salué aussi bien par la critique que par de nombreux lecteurs.
C'est le second livre que je lis de
Corinne Royer, le premier avait été
Et leurs baisers au loin les suivent, un livre dont j'avais qualifié l'écriture de « riche, complexe, parfois difficile à saisir » et qui m'avait laissé un bon souvenir et le sentiment d'avoir fait une vraie découverte. On retrouve cette prose très travaillée dans
Pleine terre, mais je dirais qu'elle s'est allégée au bon sens du terme. Dès les premières pages, les nombreuses descriptions expressives font que le lecteur se sent au plus près des éléments.
Chaque chapitre correspond à un jour de cavale de l'agriculteur,
Jacques Bonhomme, recherché par les gendarmes. Un narrateur extérieur nous immisce dans les pensées de celui qui est surnommé « le colosse », un paysan en rupture avec le modèle agricole moderne ; la seconde moitié du chapitre donnant la parole à l'un des voisins de l'agriculteur, ce qui nous permet de mieux comprendre les raisons qui ont déclenché cette cavale. J'ai trouvé cette construction habile et intéressante.
Il est important à ce stade de dire quelques mots sur les raisons :
Jacques Bonhomme a fait preuve de négligence dans la déclaration de naissance de ses bovins, ce qui a conduit à des contrôles sur l'exploitation, et chose assez incroyable, à la demande de fournir des tests génétiques sur les animaux afin de prouver la « filiation ». Cela a provoqué une spirale entre d'un côté l'administration et de l'autre côté l'agriculteur.
Bien évidemment, on ne peut rester indifférent à cette histoire qui semble assez incroyable mais je dois avouer que j'ai dû arrêter ma lecture un peu après la moitié du livre, la raison principale étant été le manque d'empathie vis-à-vis du personnage principal. A mon sens, cela est dû au style. Même si j'ai trouvé l'écriture de
Corinne Royer beaucoup plus fluide que dans le précédent ouvrage que je lisais, je pense que le thème aurait mérité un traitement plus simple, plus brut, plus concis.
En tant que fils d'agriculteur, et de surcroît toujours en lien avec ce milieu, je me méfie des simplifications, comme celles de l'agriculture paysanne contre l'agriculture productiviste. Loin de moi l'idée de valider tous les changements ayant affecté l'agriculture ces 60 dernières années mais reconnaissons tout de même qu'ils ont permis à une population toujours plus nombreuse de subvenir à ses besoins et d'allonger de façon significative son espérance de vie. L'agriculture de demain devra être différente (de même que l'alimentation), mais j'aurais aimé un peu plus de nuance dans le propos. La fameuse « traçabilité » dont il est question dans le livre a été une voie privilégiée pour les éleveurs afin de retrouver la confiance des consommateurs après la crise de la vache folle.
Parmi les livres traitant la ruralité que j'ai pu lire ces derniers temps, je trouve que le roman de Serge Joncour, Nature humaine, reste celui que je conseillerais avant tout.
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