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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Devenu spécialiste de littérature yiddish, l'auteur et narrateur est soudain rattrapé par « l'événement », qui, après quarante ans de refoulement au fond de sa mémoire, resurgit à l'improviste à l'occasion d'un de ses colloques. Lorsqu'il avait douze ans en 1975, sans réaliser la portée du geste et principalement pour tenter de se concilier les bonnes grâces de ses camarades, il avait participé à l'envoi d'une lettre anonyme antisémite à l'un de ses professeurs. Les conséquences avaient été semblables à la foudre pour cet enfant d'ordinaire discipliné et dans l'ensemble peu sûr de lui, et surtout, une chape de plomb l'avait aussitôt écrasé de son silence, au sein de sa famille, juive du côté maternel.


Cet épisode de son enfance est l'occasion pour le narrateur de revenir sur le malaise ressenti, dans les années 70, par la génération de ses parents quant à la judaïcité : alors que sa mère, juive, n'a de cesse de se couler dans la discrétion et de vouloir disparaître aux yeux du monde, le coupant, lui son fils, de ses racines, de son identité et de l'histoire de ses grands-parents assassinés pendant la guerre, la société française peine à se regarder en face alors qu'elle découvre encore peu à peu l'abominable réalité de la Shoah. Lorsque le gamin, qui ne comprend rien à cette énigme qu'il pressent autour de lui, mettra les pieds dans le plat, posant à sa façon la question qui le taraude, personne ne saura gérer la situation raisonnablement. L'attitude générale sera le refoulement, le silence et le déni, creusant chez l'enfant un traumatisant abîme d'incompréhension, de culpabilité et d'injustice, ainsi qu'un questionnement auquel l'adulte qu'il est devenu n'a toujours pas fini de répondre.


Nombre des détails de ce récit prendront le goût des petites madeleines de Proust chez les lecteurs qui ont été collégiens dans la seconde moitié des années 70. L'émotion du souvenir imprègne chaque page, alors que les peines anciennes de l'auteur resurgissent intactes, juste éclairées par sa compréhension d'adulte encore plein de regrets.


Touchante quête de rédemption d'un homme toujours meurtri par la culpabilité et l'humiliation d'un lointain souvenir d'enfance, ce récit autobiographique aborde les sujets les plus graves avec pudeur et humour, et fait mouche.

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«Vieux Juif, tu seras puni par le IIIe Reich»

Gilles Rozier aurait bien aimé dire qu'il n'y était pour rien, mais aujourd'hui, quarante ans après les faits, il revient sur le courrier antisémite adressé à l'iun de ses professeurs et nous livre avec «Mikado d'enfance» un roman sensible et, sans doute, la clé de sa vocation.

Quatre enfants au milieu des années soixante-dix. De Gaulle est mort, la parenthèse Pompidou vient de s'achever et le nouveau président Valery Giscard d'Estaing entend moderniser sa fonction et la France «qui n'a pas de pétrole, mais des idées».
Nous sommes à Vizille, dans la «grise vallée de la Romanche», où la moitié de la population travaille à l'usine de Jarrie, propriété d'Ugine-Kuhlmann. C'est aussi le cas du père de Gilles, le narrateur, qui est ingénieur dans cette entreprise qui fabrique de la soude et du chlore, dont les émanations empestent l'atmosphère.
La famille s'est installée à sept kilomètres, à Champ-sur-Drac, dans la cité ouvrière. Sur la photo de classe de la cinquième 2 de l'année scolaire 1975-1975 du collège de Vizille, il est au premier rang. Derrière lui, Vincent et Pierre sont les deux seuls garçons «parmi une série de filles longues comme des tiges de marguerites». Il aimerait se rapprocher de ses camarades de classe, parce que son statut social, mais aussi le fait qu'il ait un an d'avance le marginalisent quelque peu. Sans oublier le fait qu'il préfère les poupées au rugby et faire de la pâtisserie avec son amie Pascale. Aussi quand l'occasion se présente d'aider Vincent et Pierre, il ne va pas hésiter. Ayant retrouvé les adresses des professeurs dans l'annuaire, il va transmettre celle de son prof d'anglais auxquels ils destinent ce message: «Vieux Juif, tu seras puni par le IIIe Reich». Bien que Gilles ne l'ait pas vu, il va se retrouver quelques jours plus tard en conseil de discipline et sera exclu du collège. Sanction traumatisante, notamment pour sa mère qui aura ce cri du coeur: «Comment voulez-vous que mon fils soit antisémite alors que mon père est mort à Auschwitz ?»
Gilles ne comprend pas vraiment ce qui lui arrive. Et quarante ans plus tard, il continue à s'interroger: «J'avais cheminé dans la vie, presque toujours avec la sensation que je n'étais pas maître de mon destin, comme si j'avais pris place à l'avant d'une locomotive et qu'à l'approche d'un aiguillage, j'ignorais si la machine emprunterait les rails de droite ou ceux de gauche. Et le chemin de fer n'avait cessé de proposer de nouveaux aiguillages, de sorte que quarante ans plus tard j'étais incapable de reconstituer le trajet, la suite de hasards, de rencontres, de fuites, d'injonctions, de tentatives d'échappement et de décisions qui m'avaient amené à vouer ma vie au yiddish, à l'hébreu, aux langues juives. Etait-ce vraiment lévénement qui avait tout déclenché, comme le coup de sifflet d'un chef de gare, me lançant dans cette course folle, cette vie étourdie?»
On serait tenté de répondre par l'affirmative et d'absoudre le garçon. Mais au-delà de «l'anecdote», ce qui donne la force à ce roman, c'est bien ce questionnement qui n'a jamais cessé et l'idée sous-jacente que celui qui trouve n'a pas vraiment cherché. Gilles Rozier continue donc de chercher et nous avec lui les fondements de cette culture juive et ceux de son identité. C'est à la fois pudique et profond. C'est une belle découverte de cette rentrée.

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Alors qu'il était gamin, Gilles s'est retrouvé (involontairement ?) complice d'une très mauvaise blague de potaches qui lui vaut le conseil de discipline de son collège pour antisémitisme.
Ce bon élève a la sensation d'avoir commis une faute grave mais qu'il ne comprend pas vraiment puisqu'il n'a pas les clés pour en saisir toute la portée. Après l'avoir profondément enfoui en lui pendant des années, cet épisode douloureux ressurgit de façon inopinée, l'obligeant à se replonger dans ses souvenirs d'enfance afin de se libérer de ce qu'il considère encore comme traumatisant mais aussi fondateur de ce qu'il est devenu.

Dans ce mikado où les souvenirs font office de baguettes, Gilles Rozier se livre avec la simplicité de l'enfant de douze ans qu'il était quand "l'événement" fâcheux s'est produit. Une voix fraîche et naïve, légèrement teintée d'humour, pour aborder des sujets graves tels que la mémoire et la transmission.
Né de parents profondément anti-cléricaux, ce n'est que tardivement qu'il découvre sa part de judéité, un héritage dont sa mère veut le protéger car inconsciemment considéré comme dangereux. C'est ce silence maternel sur ses racines, maintenant Gilles dans la méconnaissance de son identité profonde, qui a pu provoquer tout aussi inconsciemment le fameux "événement" . En 40 ans, il s'est bien rattrapé en apprenant le yiddish et l'hébreu et en faisant connaitre la richesse de la culture juive grâce à L'antilope, sa maison d'édition.
Je connaissais Gilles Rozier uniquement en tant qu'éditeur, je suis ravie d'avoir enfin découvert sa jolie plume si sensible !
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Gilles, auteur du livre mais aussi narrateur de l'histoire, spécialiste de la culture juive, reçoit un jour un mail qui va convoquer des souvenirs enfoui au plus profond de lui.

Ce mail nous apprend, qu'enfant, il a été expulsé de son collège pour des faits antisémites.

C'est alors le début d'une large introspection. Quarante ans après les faits, nous plongeons avec lui dans ses souvenirs d'enfant solitaire, qui pour essayer de se faire des amis va participer à un évènement qui le dépasse, dont il ne mesure absolument pas la portée et qui va broyer son enfance.

Gilles est le fils d'une mère juive et d'un père catholique où l'on ne communique pas, où l'on ne prend pas le temps d'expliquer les histoires de famille. Il sait que son grand-père est « mortendéportation » mais n'en comprend pas vraiment le sens.
Ce grand-père inconnu aura pourtant une grande importance et influencera sa vie d'adulte, l'aidant à laver la honte et la culpabilité ressentie par l'enfant de douze ans encore bien présent tout au fond de lui.

Une histoire simple qui soulève des questions complexes. La transmission, la religion, l'appartenance…

J'ai beaucoup aimé ce livre émouvant et sensible, racontant tout en pudeur la solitude d'un enfant confronté à la bêtise des adultes et à la cruauté de l'Histoire.
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Traumatisme d'enfance

« Sur son visage, un sourire à peine esquissé. de la tristesse dans son regard. On me le dit encore : j'ai une tristesse dans la pupille dont je ne parviens pas à me départir. Car lui, c'est moi. »

Lui, c'est Gilles, élève brillant au collège des Mattons à Vizille, accusé de complicité dans l'envoi d'une lettre à caractère antisémite à l'égard de son professeur d'anglais. Il lui faudra vivre des années avec cet épisode douloureux dans un recoin de sa mémoire. Une mémoire d'où les souvenirs ont du mal à s'extirper, une mémoire telle l'« embrouillamini » d'un jeu de mikado. Quarante ans plus tard quand un simple message électronique surgit, c'est son passé qui refait surface.

Dans ce récit introspectif Gilles Rozier revisite et raconte son enfance et son adolescence dans les années 70. Il est un enfant un peu différent, « filliste » comme dit son frère pour se moquer de lui car il aime jouer à la poupée et préfère la compagnie des filles aux sports virils, plutôt introverti avec toujours une pointe de tristesse dans le regard, et l'envie de plaire et d'être accepté par les autres. Sa famille manque de chaleur, ne montre pas ses sentiments, empêtrée dans ses conventions, ses non-dits, ses souffrances. Il est fils d'un ingénieur catholique, un homme aux idées bien arrêtées, directeur de « lusine ». Sa mère est juive, sa tante est revenue des camps, son grand-père est « mortendéportation », une expression énigmatique pour l'enfant qu'il était. Mais c'est ce qui fera dire à sa mère pour le dédouaner lors du conseil de discipline provoqué par « lévénement » : « Comment voulez-vous que mon fils soit antisémite alors que mon père est mort à Auschwitz ? »

Dans cette plongée intime au coeur de ses souvenirs l'auteur démêle les fils de sa vie comme pour exorciser ses démons avec beaucoup de sensibilité et d'émotion.
Comment se construire après une enfance meurtrie ? « Qu'était Ma vie ? Subir les humiliations de mon frère, taire mon désir pour Vincent et ruminer ma culpabilité d'avoir trempé dans une cabale antisémite. »
Gilles Rozier raconte son histoire familiale mêlée à la réalité sociale et politique des années 70 avec mélancolie. L'écriture est précise, douce, élégante. Les expressions qui rassemblent les mots en un seul écrit en italique dans le texte, utilisées dans sa famille, sont autant d'euphémismes pour lui éviter de poser des questions, c'était savoir sans savoir. L'atmosphère seventies apporte la couleur de l'époque, les jeans pat'd'éph, Claude François et ses Claudettes, les émissions télévisées… et le fameux bottin, une pièce maîtresse dans « lévénement ».

C'était une bêtise de gosses et pourtant cet événement traumatisant le poursuivra toute sa vie. Quelque part, lié au contexte familial, il contribuera à faire l'homme qu'il est devenu, spécialiste de la culture et de la littérature juives. Apprendre le yiddish, « une langue morte » viendra comme une évidence pour renouer avec ce grand-père disparu dans les camps, pour affirmer son identité juive.

Mikado d'enfance est un très beau récit qui prend des allures de confidences pour dire l'indicible. le pouvoir des mots, de la poésie, pour réveiller la mémoire, extirper les souvenirs, pour réparer, ne plus se sentir coupable. Une histoire touchante et très émouvante.


Merci à lecteurs.com pour ce livre lu dans le cadre des Explorateurs de la rentrée littéraire 2019.
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Avec ce roman, l'auteur nous offre une plongée dans sa jeunesse, à la rencontre d'un événement qui a fait de lui ce qu'il est aujourd'hui, qui l'a construit et lui a permis de rencontrer ce grand-père, disparu, assassiné dans le camp d'Auschwitz. Cet événement va mettre l'enfant qu'il est face à une dichotomie : moitié juif moitié goy, ni vraiment totalement l'un ni vraiment totalement l'autre, mais pourtant tout à la fois. Il en ressortira une individualité unique, la sienne

Gilles Rozier fait preuve d'une grande sensibilité aux mots et à l'importance qu'ils ont, d'autant plus importante d'abord parce que dans les années 1970, beaucoup d'euphémismes étaient utilisés, atténuant une réalité atroce. Importante également, car, alors qu'aujourd'hui on peut enfin affirmer haut et fort la réalité, notre société est bien trop oublieuse du poids que les mots peuvent avoir (on est bien trop prompt à jeter des injures au visage des gens pour s'excuser ensuite d'un piètre « non mais ce n'est pas ce que je voulais dire »). La nécessité de la parole des rares témoins encore en vie n'en est évidemment que plus grande.

C'est aussi un roman sur la tolérance, l'acceptation de l'autre, le non-jugement. Chacun fait avec les éléments dont il dispose, son vécu, les non-dits des parents. Et cela n'offre qu'une vision forcément parcellaire de la vérité, elle-même ne pouvant être que multiple. La solution passe alors par l'ouverture au monde et à l'extérieur, la curiosité intellectuelle, afin de construire un monde qui puisse se tenir.

Un beau roman sensible sans sensiblerie, comme on aimerait en lire plus souvent.
Lien : http://nourrituresentoutgenr..
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Un livre qui se lit très vite, un témoignage intéressant sur la judéité.
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Un livre retour sur le passé intime de l'auteur mais aussi un livre qui surligne l'hystérie politico-médiatique de notre époque autour de ces êtres en construction que sont les adolescents à qui « on » attribue trop souvent des pensées, des schémas de réflexion d'adultes mûrs
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1975, Vizille, petite ville de la vallée de la Romanche. Une « idiotie de potache » qui tourne au « procès stalinien », et voilà le destin du jeune Gilles, 12 ans, à jamais bouleversé. Garçon doux et tranquille, il est élevé au sein d'une famille farouchement laïque, issue de deux mondes très différents. Il sait que le père de sa mère est « mortendéportation », tout en ignorant ce que recouvre vraiment ce mot valise. Collégien brillant, mal à l'aise parmi ses camarades de classe, fils et filles d'ouvriers salariés de son patron de père, il rêve de gagner l'amitié de deux adolescents populaires et devient complice (à son insu ?) d'une blague douteuse, qualifiée d'antisémite par le corps professoral. Stupeur du jeune garçon, fureur du père, hébétude de la mère, opprobre et hargne du collège dont il est exclu, tous ces émois « forment un tas compact, un enchevêtrement d'aiguilles de mikado qui piquent quand on les touche ». Et qui piquent encore quarante après. Et conduisent aujourd'hui l'auteur à s'interroger sur l'antisémitisme, sur l'identité juive et ses enjeux, sur le yiddish dont sa propre mère était si nostalgique. A-t-il voulu réparer sa « faute » en devenant un spécialiste reconnu de littérature yiddish ? Un récit-méditation, très bien construit, plein de pudeur, de finesse et d'émotion.
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