« Les jumeaux, à table ! Dis aux jumeaux de venir. Oh non, pas les jumeaux... Toute leur enfance, c'était comme s'ils n'avaient pas eu d'individualité, juste parce qu'ils étaient nés le même jour et avaient partagé le même ventre. Qu'ils aient (parfois, souvent, à la folie, pas du tout) eu envie d'être ensemble était une chose, qu'on les relie systématiquement l'un à l'autre, voilà qui avait étouffé Axel. »
« Voit-elle le passage à l'acte sexuel comme quelque chose de dangereux, d'inquiétant, à l'image du saut dans un puits. À moins que ce dernier n'évoque plutôt le sexe de l'homme, ou encore le moyen par lequel Alice accède au pays des merveilles – ne qualifie-t-on pas les relations extraconjugales d'aventures ? Dans sa tête, elle passe et repasse toutes les possibilités : et s'il s'avérait que François, découvrant sa nudité, n'ait pas de désir pour elle ? Et si c'était elle qui n'en éprouvait pas (…) »
« Laure hoche la tête. Patrick saisit la tondeuse. Elle penche d'abord la nuque et, le regard tourné vers le sol, voit ses cheveux tomber autour de la chaise. Puis elle redresse la tête. Impossible désormais d'échapper à son image. Bon petit soldat, elle sourit à Julia qu'elle voit dans le miroir, mais son sourire grimace, tremble, se déforme. Soudain, elle voit flou. À la jointure des yeux, des larmes se forment et coulent sur ses joues. La perte d'un sein ne fut pas aussi cruelle. Peut-être qu'au-delà de la perte, il y a aussi la honte. Honte d'apparaître dans le dépouillement, la nudité du crâne exposé. »
Peut-être parce qu’il lui arrive d’être si attentive aux désirs des autres (en particulier à ceux de ses parents) qu’elle perd de vue les siens, avant qu’ils ne reviennent en boomerang. Oui, c’est cela qui doit la rendre si difficile à suivre : cet aller-retour permanent entre les désirs des autres et les siens.
Récemment il lui est venu une drôle d’idée : s’il lui est impossible de se marier avec sa propre sœur, il ne peut pas davantage divorcer d’elle.
On est si excessif à son âge, si encombré d’idéal.
Non la vie ne les épargnera pas davantage qu'elle ne nous a épargnés . Et si l'on s'en trouve un instant soulagés, on en est aussi étrangement attristés.
On a envie des les connaître et, sans se l'avouer tout à fait, de saccager un peu de cette beauté et de cette grâce qui sonnent comme une agression, un reproche vivant d'être ce que nous sommes.