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Citations sur Brouhaha : Les mondes du contemporain (5)

L’enquête s’achève, la méthode se précise. D’un Foucault à l’autre si j’ose dire : du Foucault de l’histoire générale, celle de la dispersion, au Foucault des hétérotopies, qui dans un temps de multiplication des simultanéités propose de pratiquer la juxtaposition spatiale et le montage plutôt que la discursivité monologique. Plus la prégnance du contemporain est forte, plus notre conscience du réel se spatialise, moins elle s’inscrit dans le temps. Le contemporain n’est pas le terminus de l’histoire linéaire mais sa contradiction. Cette proposition de Foucault était aussi celle, légèrement différente, de Benjamin. Mais elles sont restées, l’une comme l’autre, très largement minoritaires. Non discursivement, mais en pratique. Certes, on glose et on glose à partir de Foucault et de Benjamin, mais avec les ressources de l’histoire orthodoxe. On vante beaucoup l’hétérodoxie dans de grands traités parfaitement linéaires et monologiques. C’est qu’on ne se débarrasse pas comme cela de l’historicisme. Le contemporanéisme, qui est l’inverse de l’historicisme, demande des pas de côté. Ces pas de côté, on les trouve plus volontiers ailleurs, dans les marges de l’écriture de l’histoire.
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Alors qu’on pensait avec Foucault et Deleuze être parvenu au point où, enfin, les opprimé(e)s pourraient, non pas parler, puisqu’ils n’ont jamais cessé de le faire, mais être entendus ; un point où le rôle de l’intellectuel serait de se faire caisse de résonance de ce qui, jusqu’alors, était mis sous silence, Spivak tente de montrer combien cette approche demeure prise dans la représentation d’un sujet unique, les masses, le peuple, les femmes et combien il s’agit d’une position rusée qui reconduit l’impérialisme d’un sujet souverain. On pourrait du reste déborder le cadre théorique et aller sur le versant des représentations artistiques. Car ce débat est un des plus aigus de la période.
Donner à entendre les voix inentendues, à voir les corps inaperçus semble être l’un des mots d’ordre de la littérature, du cinéma et de l’art contemporains, particulièrement dans leur versant documentaire, qui connaissent une expansion jusqu’alors inouïe, que ce soit sur le plan de la production, de l’investissement théorique et critique ou de la reconnaissance. Si bien que la forme documentaire est une de celles qui emblématise le plus sûrement l’époque contemporaine. Mais le texte de Spivak tend à relativiser les promesses d’émancipation supposées par cette esthétique.
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Les espaces d’exposition constituent ainsi, au moins dans un premier temps, un noeud pour comprendre le contemporain. Leur prolifération sur l’ensemble de la planète en fait une des structurations de l’espace les plus globalisées ; une de celles qui touchent le plus de sujets, une de celles qui a le plus d’influence. Quoi que l’on veuille, et quoi qu’on en dise. Pour beaucoup « contemporain » est d’abord un mot que l’on rencontre dans un espace d’exposition. C’est de cette rencontre que la perception est la plus courante, la perception par défaut en quelque sorte, émerge. Le centre d’art contemporain est donc un des mondes privilégiés du contemporain, qui en informent le sens.
Or, tout espace public, et significativement tout espace d’exposition, relève d’une pensée, d’une histoire, voire d’une idéologie. Les deux histoires du contemporain dans le musée (celle de Boston, celle de Beaubourg) nous disent suffisamment que c’est en grande partie contre le musée d’art moderne que le centre d’art contemporain s’érige. Mais contre quoi exactement ? Il existe un lien fondamental entre plusieurs données que le mot contemporain met en crise. Ces données sont : musée, art, moderne. Pensées conjointement, elles débordent largement le seul domaine de l’art pour toucher les enjeux de l’espace et du temps, et nos manières de les habiter.
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La modernité comme diktat, l’image est forte. On peut lui préférer la notion d’imaginaire et dire que deux imaginaires du temps se différencient. L’un, sous la forme de la flèche, l’autre sous celle des mélanges. Le premier est moderne, le second selon Latour est prémoderne ; j’ajoute qu’il est aussi contemporain. Il ne s’agit en aucun cas de dire que le contemporain est un retour au prémoderne. Il s’agit de comprendre le contemporain comme la levée, la suspension, de la représentation du temps comme flèche. Il renoue avec ce qu’est le temps : hétérogène, mélangé, que ce soit sur le plan des subjectivités ou des collectivités. En cela il est bien, selon l’expression de Latour, « non moderne (ou amoderne) » et non postmoderne, car le préfixe « post- » ne renonce pas à l’imaginaire de la flèche.
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Depuis une dizaine d’années, nous faisons l’expérience de cette réflexivité qui, pour la deuxième fois, a changé la nature grammaticale et sémantique du mot. Durant plusieurs siècles en effet, « contemporain » s’est contenté de signifier la coprésence au temps qui passe, condamné à en subir la fugacité, et à ne rien signifier de plus qu’une forme d’actualité réduite à l’éphémère ; après la Seconde Guerre mondiale, le terme s’impose comme marqueur d’époque, assez discrètement, et souvent comme adjectif, à l’écart de débats plus bruyants (notamment celui sur le postmoderne) ; ce n’est que très récemment qu’il se substantive et par conséquent gagne en substance, et devient le contemporain, chargé de significations plurielles. Et plus il devient le contemporain, au singulier, plus ses significations sont plurielles.
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