Elle s'adressa longuement à lui. Sa péroraison était strictement incompréhensible. Le gérant avait beau parler plusieurs langues et être même familier du russe, il ne reconnaissait aucune racine, aucune terminaison, pas même ces mots français qui ont émigré dans les langues de l'Est et qui désignent tous des calamités : catastrophe, cauchemar... [Passion francophone]
Après tout ce n’est pas si souvent que l’on prend autant de plaisir à faire du bien.
Tu ne sortais pas des livres, mais ils t'avaient donné ce qui me paraissait alors une grande maturité. Tu parlais de l'amour avec l'expérience de plusieurs milliers de pages.
A une lettre près "indigène" devient "indigne", et c'est ici que tu l'as découvert.
Les tragédies d'hier ne nous ont pas rendus quittes de celles d'aujourd'hui. La mémoire ne vaut que si elle éclaire le présent et l'avenir.
Eric a tout de suite senti que quelque chose n'allait pas. Moi qui m'active le matin, j'étais comme paralysée. Je n'avais même pas la force de lui expliquer ce qui était arrivé. Je lui ai simplement dit : "Va à la crique." Il a enfilé un short, et il est parti.
Quoi que nous décidions, il était trop tard ce soir là pour entreprendre quoi que ce fût. J'allai m'asseoir dans le salon, en tournant le dos à la mer. Eric revint à ce moment là.
- Quand ont-ils fait ça? Lança-t-il ?
- Il y a trente-deux ans que je ne grimpe plus.
- Un accident?
- Si l'on veut, ricana-t-il. Mais très courant, alors. On appelle ça le mariage.
"Le refuge Del Pietro"
Rien ne se fait de grand dans les Dolomites qui ne parte d'un de ces refuges et y retourne, c'est-à-dire qui n'aille, quel que soit l'enfer entre les deux, d'un bonheur à un autre. Beaucoup de Français restent étrangers à cet esprit local et s'obstinent à confondre le courage avec l'austérité, le sérieux avec la tristesse, la volonté avec le désespoir.
"Le refuge Del Pietro"
Nous ne sommes plus des jouvenceaux. Je peux même dire que nous vieillissons. La tendresse entre nous prend une tonalité presque douloureuse mais plus belle encore que pendant notre jeunesse. Ce que nous partageons n'est plus seulement la santé, la beauté et la force mais aussi les inconvénients de l'âge, l'angoisse du temps qui vient et les souvenirs, bons ou mauvais, qui ont fait notre vie.
Le dock est rectiligne et, en approchant du bord, je vois au loin un attroupement autour de la passerelle d'un paquebot. Je n'ose pas bouger mais la petite foule s'ébranle dans ma direction. le soleil est brûlant sous les nuages plombés et la côte tremble de chaleur de l'autre côté de l'estuaire. Des silhouettes qui avancent, une se détache. Elle est vêtue d'une robe bleue. Elle me fait signe. C'est toi.
Tu as vingt ans, et moi aussi.
in "Les fiancés de Lourenço Marques".
p. 113