Confession d'un enfant du siècle, j'emprunte volontiers cette expression à la chronique de SergePlennevaux. C'est le principal intérêt que j'ai trouvé à ce livre.
Rufin décrit son parcours depuis Bourges où son grand-père est médecin. Un médecin de campagne bien qu'il exerce en ville. Une notabilité à une époque où l'examen clinique domine la pratique de la médecine. Pas d'examens techniques, peu de structures hospitalières de pointe. Une médecine à visage humain même si elle se résigne parfois devant la mort.
De ses études en médecine Rufin nous dit "les études de médecine sont longues mais faciles" ; il décrit l'examen d'entrée comme "le débarquement de Normandie" ; "Des vagues d'étudiants hagards sont lâchés, à découvert sous une impitoyable mitraille qui en éliminera les deux tiers."
Lui s'en sort et parvient jusqu'à l'internat. Ce "qui m'attirait dans l'internat était que ce concours fondé par Napoléon était le gardien de cette médecine humainiste et littéraire à laquelle j'avais voulu me destiner" ; "à la plèbe des étudiants s'opposait l'élite issue de l'internat" rajoute-t-il. Là encore il va déchanter et chercher des alternatives qu'il trouvera dans la coopération en Tunisie notamment.
Le récit montre la dérive d'une médecine humaine vers une discipline technique où le médecin est poussé à "refuser la fatalité de la maladie et même de la mort"
"(...) ce qui me poussait vers la médecine était aussi ce qui devait finalement m'en détourner."
Rufin pressent l'évolution de l'hôpital "hors du monde" et choisit de se consacrer à
l'action humanitaire "plutôt au coeur du monde".
Il connait les premiers pas de Médecins Sans frontières, l'éviction de
Kouchner, la montée en puissance de Claude Malhuret qu'il surnomme
Lénine, le côté méthodique et pragmatique de
Rony Brauman. Il se tournera alors vers Action Contre la Faim...
Il décrit de façon pertinente l'engagement humanitaire de cette époque où, dit-il "le mouvement humanitaire français était une étape sur le chemin qui menait de l'engagement communiste au combat antitotalitaire."
Un livre d'histoire vu par l'un des acteurs qui présente avec justesse les espoirs et les désillusion d'une époque.
Un petit bemol sur la tonalité générale du récit, on a parfois l'impression que l'auteur est extérieur aux événements tant il insiste sur le hasard qui lui a présenté des opportunités qu'il n'a jamais cherché à provoquer.
"Les rencontres donc le hasard, ont été déterminantes pour y parvenir"
"besoin de sentir que le hasard se met de la partie pour décider de ma vie, en tout cas, je ne pris aucune inititaive active."
"Jusque-là, c'était un peu par hasard que je m'étais approché de ce monde."
Un livre témoignage sur le parcours de l'auteur mais surtout et avant tout un témoignage précieux sur l'évolution de la pratique médicale et sur les liens entre l'humanitaire et le politique.
Une phrase qui ne manque pas de résonner dans le contexte actuel :
"L'urgence tue l'urgence. Il suffit de voir ce que sont devenus les services d'urgence dans les hôpitaux."