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Trois destins d'hommes dont les histoires semblent initialement n'avoir aucun rapport les unes avec les autres. Trois chapitres pour mettre à nu leurs traumatismes émotionnels. Farouk, un réfugié ayant fui la Syrie pour l'Irlande ; Lampy, un jeune au coeur brisé vivant avec sa mère et un grand-père gouailleur qui fait office de père ; John, un vieil homme qui revit les erreurs de sa vie au crépuscule de la sienne.

Donal Ryan déploie ses portraits en adaptant son écriture aux personnages. Il a un talent fou pour raconter des vies ordinaires, que ce soit pour rendre l'état d'esprit d'un jeune coincé dans une petite ville, aspirant à y échapper mais sans savoir comment y parvenir ; ou pour dérouler la confession du pénitent John, un sale type qu'il parvient toutefois d'éclairer de lumière lorsqu'il raconte son enfance d'enfant mal-aimé.

Mais c'est la première section, celle de Farouk, qui m'a marquée, déchirante et lyrique, baigné d'un rythme délibérément lent avec ses phrases longues. Cette ouverture de roman est tellement belle que la présence du Syrien plane au-dessus des deux autres chapitres, dans l'attente de découvrir comment l'auteur va nouer son destin à celui des deux autres.

Le triptyque est suivi d'un dernier acte, celui qui va relier ces vies dans une scène de bus construite comme une tragédie grecque. Bien sûr, cela tient toujours un peu de l'artifice que de faire ainsi s'entrecroiser des personnages que l'auteur a délibérément tenu à distance des autres tout du long. Bien sûr, un personnage de réfugié syrien n'était pas nécessaire pour faire avancer l'action à proprement parler. Mais toutes ces objections volent en éclat face à la narration magistrale de l'auteur dans ce dernier chapitre qui prend par surprise le lecteur dans son dénouement, limpide et évident tant l'ensemencement romanesque a été subtil, a pris et m'a complètement prise.

Ce roman a une âme, il souffle de la vie dans chacun de ses personnages avec une bienveillante humanité qui touche profondément. Avec simplicité aussi. Et ce roman prend encore plus vie lorsqu'on le relit, lorsqu'on connaît les connexions. C'est ce que j'ai fait, à la recherche des échos de ma première lecture, et cette deuxième rencontre n'en a été que plus forte.
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« Il y a des histoires dont un homme peut tirer de la gloire», fait dire Donal Ryan à Pop, l'un de ses personnages. Difficile de s'empêcher de penser qu'il sait de quoi il parle. Spécialiste d'histoires de vies irlandaises, distingué dès son premier roman « Le coeur qui tourne », Donal Ryan a suscité une vague de critiques dithyrambiques à l'étranger avec ce quatrième livre, Jonathan Franzen allant jusqu'à évoquer un livre qui l'a longtemps habité, se demandant « si nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature ».

Donal Ryan risque pourtant d'étonner ses lecteurs assidus en situant son premier personnage en Syrie. Il le développe dans une prose au rythme lent, à l'image de l'introspection du personnage, Farouk, un médecin syrien prêt pour la traversée de la Méditerranée avec sa femme Martha et sa fille Amira. Plongez un tel personnage plutôt réfléchi dans la démence d'une migration clandestine, ça laisse forcément des traces. Vous obtenez des doutes, des réflexions, des questionnements, des projections anxieuses. Une anxiété pouvant même déboucher sur des formes plus graves de troubles psychiques. Un superbe personnage inoubliable, qui continuera d'habiter le roman, le lecteur se demandant comment il le retrouvera en dernière partie.
Le deuxième, Lampy, a les pieds bien ancrés dans son Irlande natale depuis 23 ans, vivant avec sa mère et son grand-père Pop, la tête déboussolée par ses incertitudes familiales. « Petit, il ignorait qu'il y avait une différence. Mam était Mam et Pop était Pop. Mari, femme, mère, père, grand-père, fils, fille et petit-fils n'étaient que des mots, et les seuls mots qui se soient jamais concrétisés pour lui étaient Mam et Pop. Mais un jour quelqu'un lui avait expliqué la signification du mot « bâtard ».
Le troisième s'appelle John. S'il y a une figure du mal dans ce roman, elle lui revient sans hésiter. Un comptable qui se dit lobbyiste, ou un financier avide de fric et de puissance, manipulateur pervers, détenteur d'une théorie infaillible pour détruire par des ragots : « […] toute chose a son origine ; rien ne peut venir de rien ». Il a pourtant ses blessures intimes lui aussi, et on le retrouve âgé au moment du récit, dans le questionnement, la rédemption et le dégoût de lui-même : « N'est-ce pas ma contrition qui compte, mon rejet de moi-même, ma prosternation devant la possibilité d'une miséricorde ? »

Trois hommes que rien ne semble relier de prime abord. On pourrait s'arrêter là avec la sensation d'avoir lu le recueil de trois nouvelles, celles d'un auteur inégalable pour nous mettre dans la tête de ses personnages, à fleur de peau de leurs émotions, avide de leur épopée, réussissant à chaque fois à créer le mini page-turner d'une psyché. On remarquerait l'omniprésence de Dieu et des éléments naturels comme la lune, une petite citation et ça en serait terminé : « La lune apparaît à la lucarne au-dessus du palier, baignant l'escalier de sa lumière blême, et il ressent une haine soudaine pour cette chose morte qui tourne autour de la terre en présentant toujours le même visage et gouverne les marées, sans la moindre émotion.»
On pourrait ne pas lire la dernière partie mais ça serait dommage, pour ne pas dire farfelu. En plus d'unifier avec virtuosité les trois destinées, elle fait grimper le livre un étage au-dessus encore, là où il n'en reste plus beaucoup. Cette dernière partie sonne le réveil des personnages secondaires. Ils s'y révèlent, parfois sous un jour différent, reléguant au second plan les trois premiers. Et c'est ainsi, avec d'autres points de vues, que les liens se tissent, les vérités se disent, l'action se délite, que l'ensemble se cimente avec maestria, avec un final à couper le souffle. Même si derrière tout ça il reste encore une autre histoire, plus difficile à raconter celle-là, concernant l'auteur et sa prose ensorcelante et magique, qui tient en haleine de bout en bout. On a du mal à cerner, à tenir le fil de ce qui fait sa puissance et sa force, pourquoi elle aimante à ce point. L'empathie de Donal Ryan n'y est sûrement pas étrangère, traduite par sa capacité insensée à faire vivre ses personnages dans la tête du lecteur. Et puis son écriture évidemment, qui s'adapte aux caractères, à la fois précise et libre dans l'espace comme le temps, capable de s'éloigner des personnages pour nous parler de la lune ou d'une mouette, de Dieu ou des anges, d'un souvenir ou d'un éphémère qui s'achemine dans le décor ou l'action, tout en nous maintenant sur le qui-vive des destinées. Mais peut-être que tout n'est pas définissable. Comme si au fond de tout ça il y avait une petite chose essentielle à ne pas déranger. Une petite chose à la fois inaccessible et omniprésente, qui ressemblerait au souffle perpétuel d'une âme sachant écrire les vies et esquissée dans une voix unique, à écouter car elle nous raconte tout simplement l'humanité, et à travers elle un peu de ce que nous sommes.
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Donal Ryan est devenu, suite à son tout premier roman « le Coeur qui tourne » paru chez Albin Michel en 2015, un des auteurs irlandais les plus incontournable. Chacun de ses livres est attendu, impatiemment, par de très nombreux lecteurs. Celui-ci, « Par une mer basse et tranquille » ne déroge pas à cette règle et il vient tout juste de paraître aux Editions Albin Michel. C'est un évènement littéraire parce que des auteurs de la trempe de Donal Ryan on n'en compte, finalement, pas énormément. Parlons de la forme tout d'abord, l'écriture est ciselée, profonde, délicate et sensible. On est, dès les premières pages, emporté par le souffle et le soin apporté au récit. Donal Ryan interroge les méandres des vies, leur sinuosité, la condition d'homme ployant sous le fardeau, le poids, de la destinée, de la fatalité. Trois destins, trois chemins appelés à se croiser de façon impromptu ou, bien au contraire, qui suivent un fil d'Ariane soufflé par Dieu si l'on est croyant. Donal Ryan nous laisse libre de supposer, de penser ce que l'on veut. Il suit un schéma narratif très limpide. Trois hommes, trois parties dans un même roman avec en plus un épilogue qui donne son sens à l'ensemble. L'auteur s'intéresse en premier lieu, à Farouk, médecin syrien contraint de quitter son pays à l'arrivée de Daech. Il a une épouse, Martha, biologiste et une fille, Amina. La crucifixion d'un jeune homme et autres atrocités qui sont la marque de fabrique du système totalitaire de Daech, tous ces éléments lui font prendre conscience que lui et sa famille ne sont plus en sécurité en Syrie. Donal Ryan décrit dans des pages poignantes le départ de Farouk et sa famille, dans un bateau de fortune, afin de rejoindre l'Europe. La souffrance de la guerre, de la violence aveugle de Daech, d'un pays qu'il ne reconnaît plus. Que va t'il advenir de Farouk et de sa famille ? Vont-ils pouvoir rejoindre l'Irlande ? C'est incontestablement, la partie du livre que j'ai préféré. Elle est sublime et d'une rare sensibilité, humanité. En second lieu, nous retrouvons Lampy, il vit en Irlande avec sa mère et son grand père goguenard surnommé Pop. Lampy a vingt trois ans et ignore qui est son père. Il travaille dans une maison de retraite. Son coeur est brisé le jour où Chloé, sa petite amie, part étudier à Dublin. Chloé est d'un milieu beaucoup plus aisé que le sien et Lampy n'a pas de diplôme, autant d'éléments qui poussent Chloé à partir. Cette seconde partie est plus cocasse, avec davantage d'humour, du fait du personnage très attachant du grand père, et toujours ce regard empreint d'humanité. Lampy veut tout plaquer, comment se reconstruire après une rupture ? Enfin, dans une troisième partie, nous rencontrons John qui sentant la mort approcher, souhaite obtenir la rédemption après sa vie passée à faire le mal. John a perdu son frère aîné, très jeune. Ce frère était le préféré de ses parents et John n'était que le pâle reflet de la réussite insolente de son aîné à l'école et en sport. Son père était un grand propriétaire terrien. le jour de la mort de son frère, son père brûle tous les symboles chrétiens de la maison. Là encore, il est question de bâtir une vie, sans avoir eu l'amour et l'attention suffisante, pour être heureux. Alors, le mal apparaît être une voie comme une autre, un choix par défaut. Que serait-il advenu de John s'il avait été aimé ? Vous l'aurez compris, il s'agit de trois hommes à la croisée de leurs destins, trois parcours singulier mais qui vont converger. Comment ? Je vous en laisse la saveur intacte et nulle volonté de ma part de dévoiler davantage d'éléments du récit. C'est un beau roman, très bien écrit, sensible et humaniste, questionnant le champ des possibles de nos vies. C'est incontestablement un roman à découvrir. « Par une mer basse et tranquille », s'est publié chez Albin Michel et s'est signé par l'écrivain irlandais Donal Ryan.

Je remercie chaleureusement les Éditions Albin-Michel pour cette lecture et leur confiance !

Lien : https://thedude524.com/2021/..
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Deux ans après Tout ce que nous allons savoir, l'écrivain irlandais Donal Ryan revient en France avec Par une mer basse et tranquille.
Comme d'habitude, c'est chez Albin Michel et encore une fois servi par la traduction impeccable de Marie Hermet.
Au centre de l'histoire, trois personnages que pas grand chose ne semble rapprocher et qui, dans la grande tradition des récits chorals, vont pourtant converger vers un même lieu, l'Irlande.
Divisé en trois parties et terminé par un épilogue inattendu, Par une mer basse et tranquille traque de nouveaux les ombres du passé et les fêlures des uns et des autres.

De la fuite à la confession
C'est par l'histoire de Farouk que commence Par une mer basse et tranquille, l'histoire d'un médecin syrien contraint de fuir son pays devant l'avancée des terroristes afin de mettre à l'abri sa femme et sa fille. Donal Ryan raconte l'horreur islamiste et la peur qu'elle sème dans le coeur des hommes, il exprime aussi le doute enraciné dans la culture, la tentation de rejoindre les « barbus » pour garder femme et fille sous clé, dicter leur vie et en finir avec cette petite voix jalouse qui murmure une misogynie ordinaire si tentante. Farouk casse le cliché du Syrien pauvre et sans éducation qui vient parasiter le pays étranger où il échoue, ce cliché commode créé et entretenu à dessein par l'extrême-droite. Il montre que la majorité des migrants sont mus par le désespoir et la crainte, piégés dans leur propre pays par des horreurs qui prennent le pas sur le quotidien. Malheureusement, ce qui les attend ailleurs n'est pas forcément plus reluisant. Abusé et moqué par les « passeurs », Farouk devient une épave à la dérive, un témoignage vivant de l'injustice et du cauchemar qui s'est abattu sur le peuple syrien…et sur bien d'autres.
Puis le récit change complètement avec Lampy, un irlandais pur jus qui vit dans une famille ordinaire ou presque. Avec Pop, son grand-père blagueur un peu lourd et Mam, sa mère discrète mais toujours présente, le jeune homme travaille en faisant le chauffeur pour une maison de retraite. Lampy n'a pas grand chose du grand génie et sa vie amoureuse frôle le désastre entre Chloé et Eleanor. Mais Lampy est courageux, du moins c'est ce qu'il veut croire lorsqu'il résiste à ses idées noires. Ce qu'il manque surtout à Lampy, c'est une origine, un père dont il ne sait rien, un amour qui ne s'est pas noyé mais n'a jamais été. Donal Ryan change son fusil d'épaule, oubliant l'extraordinaire et le tragique de Farouk pour un drame plus intimiste encore mais un peu moins percutant sans doute. Cette seconde partie constitue le ventre mou mais nécessaire d'une histoire où les non-dits s'accumulent dans un but bien précis.
Avec le dernier récit, l'irlandais renverse la table. Sous la forme d'une longue confession à la première personne d'un lobbyiste à la morale plus que floue.
John n'a rien d'un saint et son portrait sans concession montre les épreuves qui l'ont façonné, de la mort de son frère, Edward, à sa rencontre avec une jeune fille dont il changera pour toujours l'existence. Par ce personnage, Donal Ryan renoue avec l'ambiguïté morale, avec le portrait en nuances de gris qui lui sied le plus. John fascine autant qu'il écoeure, pur produit de son époque, manipulateur et profiteur, victime et bourreau.

Survivre et reconstruire
Par une mer basse et tranquille pourrait ressembler à une succession de portraits centrés sur les blessures de l'intime, les non-dits et les catastrophes, de la mort à la vie, de la vie à la mort. Seulement voilà, Donal Ryan n'en reste pas là et finit par un épilogue qui rassemble les fils narratifs pour en faire un bouquet à la fois amer et apaisé, une conclusion en forme de rédemption et de vengeance, ou quelque part entre les deux.
Tout entier construit sur des évènements qui vont détruire et remodeler la vie de ses personnages, les privant d'amour par la même occasion, le roman arrive à capter l'influence du traumatisme sur l'existence, parvenant à montrer les contradictions et les sales petits secrets de ses héros qui comprennent trop tard qu'ils n'en sont pas.
Pourtant, Par une mer basse et tranquille peut paraître inégal de prime abord, la faute à une première et une troisième partie si puissantes qu'elles occultent la tristesse sourde émanant de la vie simple de Lampy…jusqu'à cette conclusion qui ressert les liens et organise une conjonction des blessures pour tenter un tour de passe-passe narratif brillant où la mort peut finalement rassembler et offrir une seconde chance aux hommes comme aux femmes.
C'est beau, brillamment nuancé et particulièrement émouvant. Comme tout ce qu'écrit Donal Ryan en somme.

Récits brisés, vies bouleversées, personnages blessés, voilà ce que promet Par une mer basse et tranquille qui cherche la peine et la rédemption des contrées syriennes aux villes irlandaises.
Donal Ryan livre un roman à trois vitesses et un carambolage final qui laisse des traces.
Lien : https://justaword.fr/par-une..
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Cela fait maintenant plusieurs années que Donal Ryan explore à travers ses livres une géographie humaine riche et complexe.
Du Coeur qui tourne (2015) à Tout ce que nous allons savoir (2019), en passant par Une année dans la vie de Johnsey Cunliffe (2017), il examine la complexité de ce qui fonde vraiment les êtres et les relie entre eux.
Son quatrième roman, Par une mer basse et tranquille, met en scène trois hommes blessés à la croisée de leurs destins, trois êtres que tout oppose et dont pourtant les destins vont converger de façon inattendue.
Par une mer basse et tranquille de Donald Ryan est le portrait de 3 hommes au moment où leur vie va basculer et où leur destin va être brisé.On a beaucoup aimé les deux premières histoires, intenses et déchirantes : celle de Farouk, ce médecin syrien, qui décide de fuir son pays et son obscurantisme, avec sa femme et sa fille ainsi que celle de Lampy, qui se sent étouffé et qui rêve de tout plaquer
On a été sans doute un peu moins sensibles à la dernière, celle de John qui, alors qu'il sent la mort venir, recherche une forme de rédemption après une vie passée à faire le mal autour de lui.
Alors, certes on aurait sans doute aimé que la dernière partie où leurs trois chemins finissent par se croiser soit plus étoffée et plus longue mais le récit, humaniste et vibrant comme les films anglais de Ken Loach ou Mike Leigh touche au coeur et à l'âme!
Et le livre est très joliment traduit de l'anglais par Marie Hermet.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Dans le coeur qui tourne, son premier roman, Donal Ryan donnait successivement la parole à 21 personnages , blessés, humiliés ou simplement paumés. Ses deux livres suivants ont confirmé l'amour de l'auteur pour les destins dramatiques, dans ce coin d'Irlande qui est le sien et où l'air du temps ne fait de cadeau à personne. Cette tonalité est toujours présente dans Par une mer basse et tranquille qui ne respire vraiment pas la gaieté. Même si Donal Ryan est un excellent conteur, il n'offre pas beaucoup de liberté à son lecteur, l'emprisonne presque, détaillant par le menu la condition et les états d'âme de ses différents protagonistes. Avec trois d'entre eux, l'un après l'autre, le romancier prend largement le temps de décrire leur vie, difficile, cela va sans dire, et même déprimante pour des raisons différentes. le livre commence avec Farouk qui va quitter l'horreur syrienne et perdre une partie de son âme pendant son périple pour rejoindre l'Irlande. Les deux récits qui suivent, moins tragiques a priori, nous présentent des personnages nettement moins intéressants et qui ne semblent pas reliés au premier. le dénouement nous prouvera le contraire mais la connexion entre eux a malgré tout, avis personnel, un côté forcé, comme s'il fallait absolument donner une cohérence narrative au livre lequel, sinon, aurait été une suite de nouvelles. Par une mer basse et tranquille, quoiqu'il en soit, est un livre marquant et éprouvant mais il y a quelque chose dans sa construction et parfois même dans son aspect sentencieux et systématiquement dramatique, qui peut susciter des réserves et empêcher de se laisser complètement habiter par cette noirceur appuyée.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Pas facile de faire une chronique à la hauteur de ce livre... et moi qui croyais connaître beaucoup de la littérature irlandaise ! La claque ! Donal Ryan est vraiment une voix puissante de l'Irlande, je viens de m'en rendre compte avec ce livre.
Le roman s'ouvre sur Farouk, medecin syrien qui a décidé de s'exiler de son pays régi par des lois liberticides, et sur lequel tombent les bombes. Il veut que sa femme Martha et sa petite fille Amira à qui il tient plus que sa propre vie, vivent dans un pays où elles pourront vivre libre, sans dépendre des hommes, s'habiller comme elle le voudraient, et vivre en paix. Et là ils ont passé le point de non retour. Pendant qu'il laisse sa femme (oh qu'il en souffre) régler la moitié de la somme demandée au passeur, il la voit à la cuisine qui minaude un peu, et il se morigène : c'est normal après tout, de mettre ses atouts dans son jeu. Sa fille dort. Lui, il est prêt, et dans ces deux ou trois jours qu'il lui reste, ses pensées vont vers ce qu'on lui a appris. Vers son père, qui lui disait, assis sur les marches d'une église copte : "Si tu regardes un (extrait photographié)


Farouk est un homme réfléchi, et rien ne pouvait mal se passer pour sa traversée de la mer avec Martha et la petite, tout était prévu, aborder en europe, aller en Irlande où l'attendait une place dans un hôpital, avec des amis déjà "passés". Rien ne pouvait clocher, on leur avait parlé du grand yacht et de l'équipage entrainé, du capitaine qui allait les faire traverser la mer jusqu'aux côtes européennes, sans encombre. Rien ne le préparait à avoir payé tant pour se retrouver sur une coquille de noix, surpeuplée, sans personne à la barre, abandonnés à eux mêmes..
Après l'histoire de Farouk, c'est l'histoire de Lawrence, alias Lampy, 23 ans, un jeune irlandais qui vient de se faire plaquer par sa petite amie qui s'en va faire ses études à Londres : lui doit rester là. Pour rapporter un peu d'argent, et parce qu'il n'a pas la possibilité de partir là-bas. En plus, son grand-père lui porte sur les nerfs, c'est dès le matin lorsqu'il se lève, il entend déjà Pop qui lance des vannes à propos de son petit-fils, sur sa capacité à être un homme, des blagues grivoises, enfin les mêmes conversations qu'il a, le grand père, au Pub avec ses amis. Des histoires qu'il raconte en les embellissant de jour en jour, et celles qu'il entend raconter. Pop raconte tout ça à Lampy, qui ne peut s'empêcher de rire aux éclats. Il y a Pop, et il'y a sa mère. Celle qui croit aux anges, et qui chante, et qui se parle toute seule en faisant le ménage. Par contre, il n'y a pas de père. Lampy s'est toujours fait traiter de "bâtard" à l'école, et il n'a personne pour se sentir comme tout le monde.. mais lorsque Pop lui a appris à attaquer droit la pomme d'adam des grands qui le traitaient de bâtard, ça a marché.
Mais là, ce père inconnu, ce chagrin d'amour, et sa vie de conducteur de minibus de la maison de retraite, payé une misère par la famille Grogan, celle d'un des gamins qui le harcelait, c'est beaucoup trop. Ses amis préparent un départ pour aller au Canada, pour aller travailler dans une mine. Il doit partir avec eux, pour ne pas rester coincé dans ce village, sans aucun but, finir accoudé au bistrot, comme Pop. Mais pourra-t'il laisser sa mère et son grand-père seuls ?
Le troisième personnage du livre, la troisième partie, c'est John qui parle. Après une vie égoïste où il dit qu'il a fait le mal, pour ses propres intérêts, il vient demander pardon. Presque, il ne demande pas de pardon, il veut juste qu'on l'écoute, et il veut "soulager sa conscience". Il est à la fin de sa vie, il le sait. Il a peur de l'enfer. Il a peur de Dieu. Il parle de Saint Esprit, de Jésus, Mon père, tous les termes religieux de la confession, il les dévide. Il a fait le mal.
Une quatrième partie clôt le livre, appelée "Les Iles du Lac". C'est là où l'auteur va tirer les fils des trois personnages que l'on a suivis, si différents, et va les tresser ensemble, permettant de reconstituer le puzzle.

J'ai aimé le livre, l'écriture de Donal Ryan, si différente pour chacun des personnages. J'ai aimé particulièrement l'histoire de Farouk, et cette écriture puissante, mouvante et émouvante, légère à lire mais dont chaque mot ajoute de la profondeur. J'ai aimé cette écriture, ce style. Si la troisième partie, celle de John, m'a été difficile à lire, car ce personnage est vraiment détestable, je garde trace du style de l'auteur, et ça le donne envie de livre ses précédents livres !


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Trois hommes en détresse, chacun dans le fond du puits de son désespoir, trois traversées de l'enfer qui finiront par se croiser, avec au bout la mort ou l'amour comme l'avènement, enfin, d'une paix tant attendue… Au début du roman, un médecin syrien, Farouk, quitte son pays en pleine guerre civile, avec sa femme et sa fille, entamant un voyage maritime qui le laissera, finalement, orphelin de ses compagnes, dans un avion pour l'Irlande ; Lampy, jeune adulte employé comme homme à tout faire dans une maison de retraite du comté de Limerick, prend ensuite sa place comme protagoniste du récit, et l'histoire met en scène son mal de vivre, son sentiment d'abandon lié à sa condition de « bâtard », d'enfant sans père, son désir de tout quitter, après que sa petite amie, Chloé, l'a quitté, lui faisant prendre conscience du vide de son existence. Et puis, John, un vieil homme, ancien comptable et lobbyiste, nous entraîne dans le confessionnal où il avoue au prêtre toute une vie de calculs et de petits ou gros méfaits, manifestant sa terreur de ne pouvoir être pardonné, par ce Dieu qui l'effraie. Dans une dernière partie du texte, les fils des trois histoires se rejoignent pour se tisser serré, les chemins des trois hommes convergeant vers la scène finale où se dénoueront leurs tragédies individuelles…
Depuis le remarquable le Coeur qui tourne (2013, traduit chez Albin Michel en 2015), Donal Ryan ne cesse de bouleverser ses lecteurs avec des intrigues qui renouvellent la scène de l'éternel combat d'Amour et de Haine, d'Eros et de Thanatos, avec une puissance qui peut faire se demander à l'américain Jonathan Franzen, vivement admiratif, si devant de telles oeuvres « nous ne sommes pas en train de vivre un nouvel âge doré de la littérature ». Si l'auteur élargit ici l'espace géographique de la narration, en y incluant le périple de Farouk depuis la Syrie, c'est toujours dans le mouchoir de poche du comté irlandais de Limerick, sa terre natale et romanesque, que se déroule l'essentiel de l'action, des événements qui mettent en scène non seulement les destins chaotiques des trois protagonistes, mais aussi leurs échos dans les vies de toute une galerie de personnages qui les accompagnent : Florence, la mère de Lampy, une des victimes de John, mais aussi, bientôt, la collègue de Farouk ; Dixie, le vieux Pop, vieil hâbleur de bar aux plaisanteries lourdes et xénophobes, mais aussi homme au grand coeur caché, et grand-père de Lampy, désespéré de ne pouvoir mieux lui témoigner son affection ; Mrs Coyne et les autres vieux de la maison de retraite, témoins intrigués et effarés des événements… Avec la force d'une construction romanesque qui laisse grandir le suspens, l'attente du lecteur, à chaque page, Par une mer basse et tranquille fait surgir du creuset des pires violences une forme de rédemption, conférant au roman une aura lumineuse fascinante, propre à nous habiter longtemps. Un grand texte !
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Trois personnages pour trois destins marqués par l'incertitude, l'inavouable, l'espoir d'une vie meilleure. L'oeuvre de Donal Ryan exerce une pression inconsciente sur le coeur du lecteur, soumis à la même attente implacable que les personnages, ballottés par le sort et ces choix qui s'imposent à tous.
Une plongée pleine et entière au coeur de la faiblesse humaine et de ses imperfections, qui nous rappelle l'importance des choix que nous faisons en conscience.
L'écriture de Donal Ryan est claire et stricte, faisant de ses personnages des êtres nuancés et crédibles. Néanmoins, leur rencontre, étrange à plus d'un titre, aurait peut-être mérité un développement plus appuyé. Une bonne lecture cependant.
Lien : https://leblogdeyuko.wordpre..
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"Si tu observes un homme de près, avec attention, tu finiras par connaître la nuance de son âme. Aucune âme n'est d'un blanc pur, excepté celle des nouveaux nés. Mais il y a des hommes dans ce monde qui feront le mal sans relâche, sans la moindre compassion, et il y en a dans ce monde qui préféreraient mourir plutôt que de nuire à autrui, et puis il y a le reste d'entre nous qui oscillons entre les deux".

Peut-être que Farouk aurait dû mieux observer le passeur entre les mains duquel il a remis son destin et celui de sa famille, mais lorsque la guerre anéantit les efforts d'une vie, lorsque la fuite devient la seule solution... Peut-être que Lampy aurait dû réfléchir à toutes ces rumeurs autour de la légèreté de son patron, mais lorsque la déception est à tous les coins de rues... Peut-être que John, au crépuscule de sa vie, aimerait osciller un peu plus vers le bien histoire d'infléchir la tendance, mais peut-on réparer les vies brisées ?... Entre Syrie et Irlande, ces trois histoires, ces trois récits de vies nous sont contés tour à tour, comme autant de nouvelles qui pourraient n'avoir aucun lien entre elles. Des voix fortes, incarnées, marquantes. L'histoire de Farouk m'a déchiré le coeur. C'est celle d'un drame qui se joue tous les jours à nos portes, l'exil, l'oubli, la perte irréparable. Mais l'ensemble du roman m'a hautement impressionnée. le sens de la dramaturgie dont fait preuve l'auteur, son art de la mise en scène. La façon de transporter son lecteur d'un univers à l'autre, en pleine tempête ballotté dans la cale d'un rafiot branlant, puis au volant d'un mini-bus dans les collines verdoyantes de la campagne irlandaise, dans la tête d'un médecin exilé, d'un adolescent qui se cherche puis d'un vieillard assassin. Sans jamais l'égarer ni le perdre. Il y a ici un véritable regard, et une puissance d'écriture qui prend aux tripes et scotche au récit. Jusqu'à la touche finale, ces quelques pages qui nouent tous les destins et m'ont laissée sans voix.

Il y a dans ce livre la question lancinante de la façon dont on prend soin des autres, dont chacun, de façon individuelle ou collective se comporte envers son voisin, celui qu'il connaît et celui dont il ignore tout. Il y a des volontés qui se fracassent sur des injustices. Des blessures qui ne se refermeront jamais. Des destins plombés dès le début. Des tragédies du bout du monde et celles du coin de la rue. Donal Ryan est un écrivain qui gagne à être connu (c'est déjà son quatrième roman et le premier que je lis), il se dégage de ce texte une intensité qui s'incruste longtemps sous l'épiderme, des images qui impressionnent durablement. Une vraie découverte pour moi.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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