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Critique de Lamifranz


A l'origine, ce n'était pas une lettre, mais une préface pour un récit de Léon Werth, un ami intime de Saint-Ex (oui, le dédicataire du « Petit Prince », justement). de confession juive, il s'était réfugié à Saint-Amour, dans le Jura, où il venait de terminer un récit sur l'exode « Trente-trois jours ». Il y racontait avec une verve aigüe et acide sa fuite de Paris, fustigeant au passage les autorités. En octobre 40, il confie le manuscrit à Saint-Ex, en partance pour les Etats-Unis, pour le faire éditer dans un pays libre. Pour d'obscures raisons, le livre ne vit jamais le jour jusqu'en 1992 ou par hasard il revint à la surface. Saint-Ex commença donc une préface, puis en fit un texte indépendant « Lettre à un ami », puis « Lettre à Léon Werth », puis de façon plus générale, « Lettre à un otage ».
L'otage, effectivement, au départ, c'était Léon Werth que les autorités de son pays l'obligeaient à une semi-clandestinité dans son propre pays. Puis Saint-Ex élargit son propos : l'otage, finalement, c'est la France sous la botte allemande.
L'auteur use ici du discours qu'il utilise dans ses derniers écrits « Terre des hommes » et « Pilote de guerre » : un récit où se mêle une méditation ardente sur la situation, entrecoupée de souvenirs, d'anecdotes, où il démontre sans équivoque son attachement à la France, ainsi que son amitié pour Léon Werth qui, même s'il n'est pas nommé est omni présent.
La « Lettre à un otage » s'articule autour de six courts chapitres où l'auteur à partir de souvenirs, d'images d'un passé plus ou moins récent (le départ en bateau de Lisbonne, le désert, un épisode de la guerre d'Espagne ou le souvenir merveilleux d'un déjeuner « sur les bords de la Saône, du côté de Tournus » avec un ami qu'il ne nomme pas, mais en lequel on n'a pas de mal à reconnaître Léon Werth), égrène des pensées profondes sur la vie, sur l'absence, sur l'amitié, sur la France.
« La France, décidément, n'était pour moi ni une déesse abstraite ni un concept d'historien, mais bien une chair dont je dépendais, un réseau de liens qui me régissait, un ensemble de pôles qui fondait les pentes de mon coeur. J'éprouvais le besoin de sentir plus solides et plus durables que moi-même ceux dont j'avais besoin pour m'orienter. Pour connaître où revenir. Pour exister ».
Quant aux « otages » (le peuple français sous la botte allemande) l'auteur s'adresse à eux en ces termes :
« Car c'est bien vous qui nous enseignerez. Ce n'est pas à nous d'apporter la flamme spirituelle à ceux qui la nourrissent déjà de leur propre substance, comme d'une cire. Vous ne lirez peut-être guère nos livres. Vous n'écouterez peut-être pas nos discours. Nos idées, peut-être les vomirez-vous. Nous ne fondons pas la France. Nous ne pouvons que la servir. Nous n'aurons droit, quoi que nous ayons fait, à aucune reconnaissance. Il n'est pas commune mesure entre le combat libre et l'écrasement dans la nuit. Il n'est pas de commune mesure entre le métier de soldat et le métier d'otage. Vous êtes les saints ».
Ce sont les derniers mots de l'ouvrage, et sa conclusion : la grandeur est moins dans l'engagement libre que dans l'acceptation subie d'une servitude (ce qui n'est pas une justification de la Collaboration). Un thème que l'on retrouvera dans « Citadelle », comme bien d'autres dont ceux de l'amitié et celui, capital, du respect de l'homme :
« Respect de l'homme ! Respect de l'homme !... Là est la pierre de touche ! »
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