Un grand merci à Babelio et aux Éditions Gallimard pour m'avoir donner la chance de pouvoir lire, dans le cadre de l'opération privilégiée de Janvier 2015, le dernier roman de
Marcus Sakey, intitulé « Les brillants ». Dans le courrier qui accompagne l'ouvrage, l'éditeur rappelle sa démarche, à savoir « offrir un panorama le plus vaste possible de la littérature noire contemporaine ». Et c'est bien d'un roman noir dont il s'agit si on en croit la quatrième de couverture : « On les appelle les «Brillants». Depuis les années 1980, 1 % de la population nait avec des capacités aussi exceptionnelles qu'inexplicables. Nick Cooper est l'un d'eux : agent fédéral, il a un don hors du commun pour traquer les terroristes. Sa nouvelle cible est l'homme le plus dangereux d'Amérique, un Brillant qui fait couler le sang et tente de provoquer une guerre civile entre surdoués et normaux. Mais pour l'arrêter, Cooper va devoir remettre en cause tout ce en quoi il croit, quitte à trahir les siens. »
Premier volet de la trilogie des « Brillants », ce supposé thriller est, d'après l'éditeur, « une légère uchronie qui met cruellement en relief l'horreur du nôtre », avec un constat tout à fait stupéfiant : « naitre doué d'humanité peut s'avérer la pire des malédictions », à l'instar de ceux qui naissent avec des capacités hors du commun. En fait de thriller, il n'y a qu'un coupable dont l'identité apparait dès les premières pages de l'ouvrage : dommage. Quant au constat ci-dessus, il est d'une banalité affligeante. le lecteur aura du mal à s'intéresser à ce que peuvent devenir « ces enfants quand ils grandiront » (page 139), tout comme il lui sera difficile de penser que tous les individus normaux finiront pas être « complètement hors-jeu » (page 139). Au risque de vous décevoir, Il n'y a pas -contrairement à ce que vante l'éditeur- de « critique sociale subtile et corrosive » :
Marcus Sakey voudrait nous donner à penser que la société ainsi décrite envisagerait de contrôler les Brillants ainsi que les individus normaux ; cette société serait fondée sur une organisation para-militaire où les Brillants seraient identifiés avant l'âge de 8 ans, puis « éduqués » (dispositif biométrique implanté dans la carotide, placement en Académies, loin de leurs parents, et attribution d'une nouvelle identité) dans le but qu'ils « surveillent l'humeur du pays » (page 45), qu'ils « traquent et éliminent physiquement les auteurs de troubles et de manifestations » constituant une menace pour le pays (page 55). Pour faire plus vrai, l'auteur ose comparer le sort des Brillants avec celui des Juifs qui devaient porter l'étoile jaune avant l'Holocauste (page 191) : maladresse. Puis l'auteur se sent obligé de nous asséner quelques vérités toutes faites : « les gens veulent la sécurité, de jolis gadgets électroniques et le réfrigérateur plein » (page 228) ; « dans les communautés d'immigrés, beaucoup d'anormaux ne sont pas déclarés à leur naissance » (page 280). Il tente même d'effrayer le lecteur : « qu'est-ce qui pourrait empêcher ces micro-puces (les implants) de devenir des bombes » (page 345). Too much ? Attendez, je n'ai pas fini : on vous invite à croire qu'un individu classé Brillant niveau 1 (le top du top) serait capable d'extrapoler et de corréler des milliards de données remontant à l'ancienne Judée (ben voyons, c'est évident, les archives du monde entier sont pleines de données remontant jusqu'à la préhistoire !), on vous refait le coup des attentats du 11 Septembre (ici, c'est l'Exchange qui est dynamité, ce qui cause le décès de plus d'un millier d'individus) et pour couronner le tout le style est celui d'un élève de CM2. Ah, j'oubliais quelques perles : « l'air était vif, frais et sucré, pour autant que l'air puisse avoir un goût » ; « il urina une demi-heure » ; « en 6 mois, Todd avait poussé de 30 bons centimètres ; « la pénombre, pure comme la furie ». Bon, j'arrêterai là en vous signalant au passage que la couverture française est à fuir : jetez un oeil à la version américaine (« A better world ») et vous comprendrez …
Alors, faut-il jeter ce livre aux orties ? Non car il y a de belles scènes d'action, notamment au début et à la fin de l'ouvrage : c'est comme si
Marcus Sakey avait laisser ses « nègres » rédiger les 300 pages centrales sur la base de consignes données oralement. Et puis les personnages ne sont pas tous insipides : Drew Peters en chef des Services Équitables qui ne joue pas le jeu, Erik Epstein en visionnaire capable d'identifier et de prévoir les mouvements des marchés financiers, Natalie en ex-femme encore entichée de Nick, Alex Vasquez en mercenaire d'une trempe extraordinaire, Samantha en super-flic sexuellement indomptable et Shannon en mercenaire nouvellement entichée de notre héros. En résumé, si vous aimez la théorie du complot ou si vous raffolez des thrillers un peu bâclés, alors n'hésitez-pas : lisez « Les Brillants ». Pour ma part, je mets péniblement 2 étoiles.