AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Saison de la Migration vers le Nord (36)

Le séjour des Anglais ici ne fut pas une tragédie, comme nous le pensons, il ne fut pas non plus un bienfait, comme ils l'affirment. C'était un grand drame qui deviendra, avec le temps, légende. Puis, j'entendis Mansour dire à Richard : " Vous nous avez inoculé la maladie de votre économie capitaliste ; elle a sucé notre sang, créé des sociétés d'exploiteurs et poursuit son œuvre. " Et Richard qui répliquait : " Cela prouve que vous ne pouvez vous passer de notre présence. Jadis, vous mettiez en doute les bienfaits du colonialisme. Et quand nous sommes partis, vous avez inventé la légende d'un pernicieux néocolonialisme. Il semble que notre présence, manifeste ou cachée, est aussi nécessaire à votre vie que l'air et l'eau. " Et ni l'un ni l'autre n'étaient fâchés : ils échangeaient de tels propos et riaient, à un jet de pierre de l'équateur mais séparés par un infranchissable abysse historique.
Commenter  J’apprécie          190
Le même extrémisme idéologique est partagé à droite comme à gauche. Si Moustafa Saïd s'était consacré exclusivement à la science, il aurait gagné des amis véritables dans toutes les races, et vous auriez entendu parler de lui. Il aurait pu rendre service à son pays encore dominé par les superstitions. Et voilà que vous faites crédit à d'autres superstitions : l'industrialisation, les nationalisations, l'unité arabe, l'unité africaine. Vous êtes comme des enfants croyant découvrir par miracle un trésor en creusant la terre. Vous pensez ainsi résoudre vos problèmes et instaurer le paradis. Chimères et rêves éveillés !
Commenter  J’apprécie          190
Je la pris comme elle criait faiblement : " Non, non... " Madame, cela ne vous servira à rien, c'est au premier pas qu'il fallait dire non, il n'y a plus rien à faire maintenant sinon suivre le cours des événements. Vous n'y pouvez rien. Bien des choses auraient changé si les hommes savaient dire non dès le premier pas.
Commenter  J’apprécie          190
Les autres me posèrent des questions, je faisais de même. Ils m'interrogèrent sur l'Europe. [...] Cela fit beaucoup de questions aux quelles je répondais de mon mieux. Ils furent stupéfaits de savoir que les Européens, avec quelques différences, étaient nos semblables, se mariant, élevant leurs enfants conformément à une tradition, qu'ils avaient des mœurs honnêtes et dans l'ensemble étaient de bonnes gens. [...]
Je préférai taire la suite telle qu'elle me vint à l'esprit : " ... Exactement comme nous. Ils naissent, meurent et, durant ce périple qui joint le berceau à l'éternité, font des rêves dont certains se réalisent. "
Commenter  J’apprécie          190
Soudain, le soleil couchant perdit son sang en ouest, on aurait dit le flot de victimes innombrables dans une guerre sans merci entre le ciel et la terre. Puis, ce fut le spectacle de la défaite : les ténèbres au complet occupèrent le monde en ses quatre points cardinaux.
Commenter  J’apprécie          170
Au cours des années, la rive effritée par le courant avait, grâce aux alluvions, redessiné son cours. Ces gains et pertes de terrain se compensaient et, me dis-je, sont un miroir à la vie volant d'une main ce qu'elle octroie de l'autre. mais je n'ai dû comprendre cette vérité que plus tard.
Commenter  J’apprécie          150
Wad Rayyes se mit en devoir de repointer ses moustaches vers le haut pendant qu'il caressait, d'une tempe à l'autre, sa belle barbe blanche qui contrastait si fortement avec sa peau tannée d'un brun foncé. Telle barbe semblait presque postiche. Mais elle s'accordait parfaitement avec son turban blanc. Et elle encadrait si fortement le visage qu'elle mettait en valeur ses traits. Il avait de beaux yeux malicieux, un nez fin et se maquillait de khôl sous prétexte d'obéir à la coutume. Dans l'ensemble, il avait un beau visage, surtout comparé au visage plus commun de [...] Bakri, pareil à un melon ridé.
Commenter  J’apprécie          130
- Dis-nous, Bint Mahjoub, lequel de tes maris était le plus puissant.
- Wad el-Béchir !
- Wad el-Béchir ? dit Bakri, ce petit fatigué ! Les chèvres lui mangeaient son dîner !
D'un geste théâtral, Bint Mahjoub secoua à terre la cendre de sa cigarette et dit :
- Par le serment de la Répudiation ! Ce qu'il avait était comme un gros pieu. Quand il l'enfonçait dans mes entrailles, la terre n'était plus assez vaste pour me contenir. Il me levait la jambe à la prière du soir et je restais, les cuisses ouvertes, jusqu'à l'appel du muezzin à la prière du matin. Quand ça le prenait, il soufflait comme un bœuf égorgé et, se levant, disait toujours : " Ah ! Dieu ! Dieu ! Ah ! Bint Mahjoub ! "
- Il ne faut pas s'étonner, dit mon grand-père, tu l'as tué en pleine jeunesse.
Mais Bint Mahjoub se mit à rire :
- Son heure était venue. Cette chose-là n'a jamais tué personne.
Commenter  J’apprécie          130
Vous avez raison, madame : optimisme et courage. Mais en attendant que les déshérités de la terre rentrent dans leur héritage, que les armées soient démobilisées, que l'agneau paisse en sécurité en compagnie du loup, que l'enfant joue dans le fleuve sans craindre le crocodile, avant cette ère de bonheur et d'amour, je continuerai à m'exprimer d'une manière aussi tordue.
Commenter  J’apprécie          130
Je me tenais un matin devant la maison de mon grand-père, près de la massive et vieille porte en bois. Il avait sûrement fallu un acacia entier pour la fabriquer. C'était l'œuvre de Wad el-Basîr, l'architecte-artisan, qui n'avait pas appris son métier en passant par l'école. [...] Cette grande maison, qui n'est ni de pierre ni de brique, est bâtie dans la même terre argileuse que celle des champs de blé dont elle est le prolongement. [...] C'est une maison qui ne fut pas construite en une seule fois, selon un plan préétabli. Elle avait fini par revêtir son aspect actuel après de longues années d'improvisation. [...] Vaste demeure, fraîche en été, chaude en hiver. À la regarder du dehors, froidement, elle semble précaire, mais sa résistance au temps tient du miracle.
Commenter  J’apprécie          120






    Lecteurs (326) Voir plus




    {* *}