Citations sur Lettres d'une vie (21)
Mais tout-à-coup, la Creuse glacée et non glacée par endroits, cascadant et cabriolant à travers ses barrages de glace, et coulant au milieu, tandis que ses bords blancs étaient soudés aux rives, s’est montrée devant nous tout isolée du paysage, si bien que, si nous n’avions pas su ce que c’était, nous aurions cru voir un mur tout droit, de je ne sais quel marbre gris et blanc avec un mouvement fantastique. Et puis un peu plus loin, sur le brouillard gris noir de la rivière, on voyait de bouffées de brouillard blanc, comme si le ciel, un ciel d’orage, était descendu sous l’horizon…
L'estime de quelques personnes de bien doit suffire pour consoler du dédain d'un grand nombre de sots.
ce qui se passe dans nos campagnes, les plus paisibles, les plus patientes, les moins révolutionnaires de la France…. Eh bien, c’est une consternation, une fureur, une haine contre ce gouvernement qui me frappe de stupeur. … C’est une douleur, une pitié exaltées pour ces pauvres soldats qui sont leurs enfants ou leurs frères
J'ai une autre passion pour le quart d'heure, c'est d'apprendre le latin et je ne me le fourre dans la tête qu'en apprenant des vers par cœur. Je divertis Maurice en lui cornant aux oreilles, tu patulae recumbans etc. Le Pôtu, qui est mon magister, est furieux de la rapidité avec laquelle je le pousse. Entre nous soit dit, c'est une langue qui n'a pas le sens commun, une langue illogique, une langue de rhéteurs et qui n'apprend rien aux malheureux enfants condamnés à ne pas même l'apprendre pendant 8 ou 10 ans. Je prétends bien en trois mois, en savoir autant que ceux qui ont fait leurs classes d'une manière ordinaire, vu que c'est une langue que personne ne sait jamais, puisqu'elle embrasse tant de siècles et se modifie pendant toute l'histoire de l'humanité. Le jeu n'en vaudrait pas la chandelle s'il ne s'agissait pour moi que de connaître les coquetteries ou la pompe des poètes. Mais j'ai été gênée toute ma vie pour lire des ouvrages du Moyen Âge ou de la Renaissance qui ne sont pas traduits ou qui le sont fort mal, et je veux me débarrasser de cet obstacle. En résumé, c'est toujours amusant d'apprendre quelque chose. Cela rafraîchit le vieux cerveau.
(Lettre à Pierre-Jules Hetzel, fin décembre 1848)
J'ai la passion des grandes montagnes, et je subis, depuis que je suis au monde, les plaines calcaires, et la petite végétation de chez nous avec une amitié reelle, mais très mélancolique. Mon foie gémit dans et air mou que nous respirons, et j'y deviens le bœuf apathique qui travaille sans savoir pour qui et pourquoi.
Ceux qui n'ont jamais connu, jamais aimé le danger, ne connaissent pas le prix de l'existence.
Quand je vous lisais, j'étais entraînée, ravie, aucun sacrifice ne me paraissait trop grand, pour mériter le bonheur d'être aimée de vous.
J'ai encore des battements de coeur quand je crois voir la face de Dieu dans les secrets replis de la nature, et que je me sens emportée dans le rêve de l'infini comme un heureux atome qui a conscience de soi, qui sent une loi magnifique et un ordre ineffable le conduire à un inconnu plein de promesses par un chemin délicieux qui s'appelle confiance.
Dans le passé chaque société démocratique a eu une population marginale, numériquement plus ou moins importante, qui n’a pas activement participé à la vie politique. En elle-même, cette marginalisation de certains groupes est antidémocratique par nature, mais elle a aussi été l’un des facteurs qui ont permis à la démocratie de fonctionner effectivement. Des groupes sociaux marginaux, les Noirs par exemple), participent maintenant pleinement au système politique. Et le danger demeure de surcharger le système politique d’exigences qui étendent ses fonctions et sapent son autorité
Je plains l'humanité, je la voudrais bonne, parce que je ne peux pas m'abstraire d'elle, parce qu'elle est moi, parce que le mal qu'elle se fait me frappe au coeur, parce que sa honte me fait rougir, parce que ses crimes me tordent le ventre, parce que je ne peux comprendre le paradis au ciel ni sur la terre pour moi toute seule.