2084 - La fin du monde

Qu'importe leur avis, vampirisés qu'ils sont par un système dont ils sont les défenseurs et les victimes.

Il découvrait, sans savoir comment le dire autrement que par un paradoxe, que la vie méritait qu'on meure pour elle, car sans elle nous sommes des morts qui n'ont jamais été que des morts.
Avant de mourir, il voulait la vivre, cette vie qui émerge dans le noir, fût-ce le temps d'un éclair.

Sans témoins pour la raconter, l'Histoire n'existe pas, quelqu'un doit amorcer le récit pour que d'autres le terminent.

C’était le regard d’un homme qui, comme lui, avait fait la perturbante découverte que la religion peut se bâtir sur le contraire de la vérité et devenir de ce fait la gardienne acharnée du mensonge originel.

« La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n'est plus fort qu'elle pour faire détester l'homme et haïr l'humanité. » (Épigraphe Gallimard 2015)
« Le fait est que personne, déjà, ne doutait que Dieu lui offrait un rôle nouveau et unique dans l'histoire de l'humanité. » (p. 22)
« Personne, pas un digne croyant ne s'est laissé aller à penser que ces périlleux pèlerinages étaient une façon efficace d'éloigner les foules pléthoriques des villes et de leur offrir une belle mort sur la route de l'accomplissement. De même, nul n'a jamais pensé que la Guerre sainte poursuivait le même but : transformer d'inutiles et misérables croyants en glorieux et profitables martyrs. » p. 26
« Ati s'était pris de passion pour ces aventuriers au long cours […] emporté par son élan, il se trouvait à les questionner avidement, à la manière des enfants, à coups de 'pourquoi' et de 'comment' insistants. […] Quel meilleur moyen que l'espoir et le merveilleux pour enchaîner les peuples à leurs croyances, car qui croit a peur et qui a peur croit aveuglément. » (p. 28)
«Rappelons que la petite idée d'Ati et de Koa était de comprendre ces choses vaseuses dont leurs têtes étaient pleines : quel rapport existe-t-il entre religion et langue ? […] Est-ce la religion qui se créé un langage spécial par besoin de sophistication et de manipulation mentale, ou est-ce la langue qui atteignant un niveau élevé de perfection s'invente un univers idéal et fatalement se sacralise?[…] La religion est-elle intrinsèquement tournée vers les dictature et le meurtre ? » (p. 112)

Intertextualité : Candide et 1984
« En clôture des festivités, on procéda à l'exécution de quelques milliers de prisonniers- du renégat, de la canaille, du fornicateur, des gens indignes. On vida les prisons et les camps et on organisa d'interminables défilés dans les rues pour que le peuple prenne sa part de l'holocauste. Le Grand Mockbi de la Grande Mockba de Qodsabad inaugura le saint carnage sous l’œil concupiscent des caméras en égorgeant de sa main un sinistre bandit, hirsute et dépenaillé, trouvé dans quelque asile de fortune. Le misérable avait la peau dure, le frêle vieillard dut s'y reprendre à dix fois avant d'atteindre la trachée. » (p. 124)
«  Plus tard il saurait que Sa Seigneurie sérénissime avait sa propre mockba, en son palais, attenante à la salle du trône. Le mockbi en était le chambellan de Sa Seigneurie et c'étaient ses adjoints qui assuraient les fonctions de bedeau, crieur, répétiteur, incantateur, chantre, psalmodieur. Le Jeudi saint, quand elle n'était pas fatiguée, Sa Seigneurie se rendait à la mockba du camp et conduisait elle-même la prière. » (p. 202)
«  Dans lequel Ati découvre qu'une conspiration peut en cacher une autre et que la vérité comme le mensonge n'existent que pour autant que nous y croyions. » (p.211)
« Ati ne saurait jamais que le film où il avait fait une petite apparition aurait une suite et une fin colossale. La naïveté, comme la bêtise, est un état permanent. » (p.233)
«Le seul pays qui avait résisté aux forces de l'Abistan, parce que dirigé par un dictateur fou nommé Big Brother qui avait balancé dans la bataille tout son arsenal nucléaire, était l'Angsoc... »  (p.240)
« Ils convinrent honnêtement que le grand malheur de l'Abistan était le Gkabul : il offrait à l'humanité la soumission à l'ignorance sanctifiée comme réponse à la violence intrinsèque du vide, et, poussant la servitude jusqu'à la négation de soi, l’autodestruction pure et simple, il lui refusait la révolte comme moyen de s'inventer un monde à sa mesure, qui à tout le moins viendrait le préserver de la folie ambiante. La religion, c'est vraiment le remède qui tue. » (p. 247)
«[La conception de l'abilang] s'inspire de la novlangue de l'Angsoc. Lorsque nous occupâmes ce pays, nos dirigeants de l'époque ont découvert que son extraordinaire système politique reposait non pas seulement sur les armes mais sur le pouvoir phénoménal [d']une langue inventée en laboratoire qui avait le pouvoir d'annihiler chez le locuteur la volonté et la curiosité. Nos chefs prirent pour base de leur philosophie les trois principes qui ont présidé à la création du système politique de l'Angsoc : « La guerre est la paix », « La liberté c'est l'esclavage », « L'ignorance c'est la force » ; ils ont ajouté trois principes de leur cru : « La mort c'est la vie », « Le mensonge, c'est la vérité », « La logique c'est l'absurde ». C'est ça l'Abistan, une vraie folie. » (p. 260)

Ati et Koa étaient effondrés, les énormes riques qu’ils avaient pris et leur extraordinaire traversée de Qodsabad n’avaient servi à rien.

Ce livre m'a vraiment déconcerté. L'auteur nous livre une vision très pessimiste du monde actuel et des années à venir