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3,18

sur 1327 notes
Il arrive très souvent que le flot de mots qui submerge une oeuvre de compliments plus proches de la publicité que de l'analyse me laisse perplexe une fois que j'ai lu le livre.

Et me voilà en présence d'un problème avec ce "2084 - la fin du monde" de Boualem Sansal. La plume est belle, l'argument séduisant , un texte qui fait penser à Jonathan Swift, Orwell ou Bradbury, une dystopie qui nous parle d'une dictature religieuse implacable qui aurait fait son nid de guerre sainte en guerre sainte sur toute la surface de la terre....comme s'il prophétisait la réussite de DAECH.

on a tous les ingrédients du genre, bourrage de crâne et hypocrisie savamment mise en scène, slogan, pèlerinage pour occuper les foules miséreuses, police politique, et répression. Se profilent en creux les éléments d'un avenir meilleur et d'une opposition possible, l'idée de la liberté .

On a un héros, un modeste employé de mairie tuberculeux qui tente de décrypter son monde. Il observe que des choses ne collent pas avec les discours officiels.

Seulement, la narration est trop à l'extérieur de ce monde, elle reste dans sa description. L'auteur promène son héros, il ne le fait pas vivre. On a très peu d'échanges, on ne le voit pas ressentir et dire ses émotions.

Je m'attendais à quelque chose d'aussi vivant et humoristique qu'un conte philosophique, avec des situations ubuesques, de la dénonciation par des exemples et des dialogues incisifs.

je suis déçue de ce texte qui est comme une thèse pas drôle du tout de sciences politiques sur un pays imaginaire, même si je partage le point de vue de l'auteur qui décrypte remarquablement bien comment on manipule et comment on contrôle des foules...
Lien : https://notesbleuespournuits..
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Le 11 septembre 2001 le monde découvrait avec effroi un barbarisme d'un genre nouveau : l'islamisme radical.
Quatorze ans plus tard, les pays civilisés assistent impuissants à la propagation d'une nébuleuse extrémiste se réclamant d'un dieu dont elle galvaude chaque jour les préceptes. Son fanatisme et son pouvoir de nuisance sont tels que personne ne se risque aujourd'hui à prédire sa fin prochaine.

Depuis deux décennies, l'écrivain algérien Boualem Sansal dénonce avec constance l'omniprésence religieuse qui insidieusement imprègne les esprits d'une intolérance que l'on croyait d'un autre âge. Déjà en 1999, “Le serment des barbares” montrait combien le cancer intégriste altérait la beauté de son pays.

Le roman dystopique “2084-La fin du monde”, publié en cette rentrée littéraire, est dans la continuité de ce combat mené sans relâche contre l'obscurantisme. Ce titre orwellien retranscrit toute la malice et l'abnégation d'un auteur atypique.
Dans un style chatoyant, Boualem Sansal se garde pourtant de tout blasphème. Le monde qu'il décrit pourrait être le fruit d'une extrapolation, dans un futur indéfini, de la sinistre organisation État islamique dont les exactions dépassent aujourd'hui l'entendement.

Plongé au coeur de l'immense Abistan, un empire théocratique sans frontières né probablement en l'an 2084, le lecteur suit les tribulations d'un petit fonctionnaire de la capitale Qodsabad qui, contrairement à l'énorme majorité de ses semblables, ose encore penser hors les oeillères d'un pouvoir omnipotent et sanguinaire.
Plusieurs lectures s'avéreraient nécessaires pour comprendre dans le détail la complexité des rouages de cette dictature se réclamant d'un dieu cruel du nom de Yölah et de son prophète Abi.

Malgré quelques passages manquant de clarté, “2084-La fin du monde” pourrait bien faire date dans l'oeuvre de Boualem Sansal. Ce roman particulièrement effrayant sur le fond n'est toutefois pas le meilleur vecteur pour découvrir cet auteur courageux.

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J'appréhendais "2084 " de Boualem Sansal, après les évènements tragiques survenus en France.
C'est en traînant les pieds que j'ai ouvert ce livre et un " ouf "de soulagement en le fermant.
Pendant la lecture j'avais l'impression de regarder un reportage télé, une suite sans fin d'événements sur un mouvement sectaire.
En préambule l'auteur écrit ceci " le lecteur se gardera de penser que cette histoire est vraie ou qu'elle emprunte à une quelconque réalité connue " ou encore " c'est une oeuvre de pure invention, le monde de bigaye que je décris dans ces pages n'existe pas et n'a aucune raison d'exister à l'avenir..."
L'histoire se passe en Abistan, après la première guerre sainte, un régime autocratique a été mis en place avec à sa tête Abi une sorte de prophète, délégué de yola sur terre.
A travers la réflexion d'Ati le personnage central du roman on découvre une doctrine religieuse. Même si cette religion n'est pas nommée explicitement elle ressemble étrangement à l'islam radical, l'état islamique bref à daech.
J'ai eu du mal à suivre Ati, je l'ai trouvé un peu mou dans son questionnement, dans sa recherche de la vérité.
Rien à voir avec Winston le personnage de George Orwell dans son magnifique roman "1984 " un livre qui m'avait remué et que je relirais, une sorte de piqûre de rappel.
Pour ce qui est de " 2084 " la quatrième de couverture dit " au fil d'un récit débridé, plein d'innocence guoguenarde, d'inventions cocasses ou inquiétantes, il s'inscrit dans la filiation d'Orwell ".
Je vous laisserais juge, pour moi ce roman est une grosse déception.
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Terminer la lecture de 2084 au moment même où Paris est victime d'actes de barbarie inimaginables est d'une coïncidence glaçante. Voulu par son auteur comme un avertissement pour les sociétés occidentales et pour les démocraties laïques en général, le livre se présente comme une dystopie clairement dans la veine d'Orwell. La dictature religieuse qui y est décrite s'appuie sur le mensonge, l'endoctrinement et la soumission d'un peuple auquel le droit de penser est même dénié. L'on souhaiterait ne dire que du bien de ce roman qui, si l'on fait abstraction de sa composante religieuse, pourrait se rapprocher d'un état des lieux actuel dans certains pays, la Corée du Nord, en particulier. Oui, si l'on se doit de saluer le style de Boualem Sansal et la cohérence de son propos, le récit, qui prend la forme d'une fable terrifiante, est pour le moins cahoteux, perclus d'explications détaillées et parfois fastidieuses de ce pire des mondes. Son héros, Ati, manque de substance, englué comme le lecteur dans les rouages d'une machine monstrueuse. Digressif, dénué de rythme, peu satisfaisant dans sa conclusion, 2084 possède certes un pouvoir d'évocation indéniable mais pas dans sa continuité. C'est une semi-déception dont on peut malgré tout conseiller la lecture en ces temps chaotiques. Peut-être que le monde imaginé par Sansal est celui dont rêvent certains fous. En ce sens, le livre est un acte de résistance.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Après « Gouverner au nom d’Allah » le romancier algérien Boualem Sansal poursuit sa réflexion sur l’expansion de l’islamisme. Dans "2084 - la fin du monde", Boualem Sansal revisite le roman de George Orwell « 1984 » en mettant en scène un monde totalitaire gouverné par le fondamentalisme religieux. A chaque époque ses démons, si le nazisme et le stalinisme ont largement inspiré Orwell en1949, date de la sortie de son livre, l’inquiétude d’aujourd’hui s’appelle fanatisme, obscurantisme religieux, terrorisme, le tout personnifié par DAECH et l'islamisme radical.
Le livre bien écrit est d’une bonne qualité littéraire malgré certains passages et descriptions un peu longues et d’une intrigue qui manque de rebondissement. Le personnage principal, Ati, manque un peu d’épaisseur et est peu attachant, trop naïf. Mais le résultat reste un livre agréable à lire qui nous laisse réfléchir sur notre démocratie et sur le radicalisme religieux.
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Ce matin, le soleil fait un peu la gueule, la neige qui blanchit les sommets de la belle Ariège se cache petit à petit derrière les nuages grossissant et il se pourrait qu'une nouvelle couche se dépose sur les sommets des blanches Pyrennées!
Je vous dis ça, qui n'a rien à voir avec la présentation du bouquin que je viens de terminer.
Sauf que ces derniers jours, alors que j'étais en pleine lecture, mon esprit s'évadait régulièrement vers la blancheur étincelante de ces sommets immaculés. c'est vous dire si j'avais du mal à me concentrer sur le livre que j'avais entre les mains!
Poutant, l'idée de base est intéressante : un siècle après 1984 et Big Brother après plusieurs guerres dévastatrices, et notamment "la mère des guerres", une apocalypse nucléaire, une tyrannie s'est solidement installée sur ce qui semble être tout ce qui reste de la planète.
Ati, sort du sanatorium dans lequel il a été traité pour une tuberculose, va rejoindre les contrées de l'Abigouv, où personne ne moufte, vu la sévérité du régime religieux qui dispose des cerveaux, corps et quotidiens des habitants de ce "joyeux" pays dedié à Yölah et son délégué Abi!
Tout le monde, il est heureux si on ne se pose pas de question, si on vit selon les préceptes rigides de la foi!

Boualem Sansal a du talent, il n'y a aucun doute, il écrit bien, et il connaît bien son sujet. Par contre, le lecteur que je suis, est noyé dans les détails qu'il amoncelle pour bien expliquer les moindres préceptes de sa dystopie. Et c'est bien là le problème, il en fait un peu trop pour nous expliquer que le peuple décérébré vit dans une totale soumission et qu'il n'y a aucune étincelle d'espoir dans ce monde tellement tristounet qu'on en viendrait presqu'à regretter les écrans rieurs de "Big Brother is watching you".
J'ai failli décrocher à plusieurs reprises tellement j'avais du mal à m'y retrouver dans les différentes descriptions des différentes règles et injonctions imposées par les tyrans en place, et le récit de Ati et de sa quête devient pratiquement anecdotique!

Non, franchement, je suis content d'avoir réussi à terminer ce roman mais surtout soulagé car, le parcours fut souvent long, tortueux et ardu!
Vous l'aurez compris, ce n'est pas un coup de coeur!
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Avant de lire l'avertissement, au tout début du livre, je n'avais pas fait de lien avec 1984 de George Orwell. Je ne peux pas croire que j'avais passé à côté de cette ressemblance immanquable. Et pourtant tout est là ! D'un totalitarisme (plus politique et technologique) à l'autre. Donc voilà 2084 : la fin du monde. Mais est-ce vraiment la bonne année ? Celle d'un commencement, peut-être, parce que les dates, ce n'est plus important dans cette dystopie. le monde n'est qu'un. Que ce soit dans l'espace ou dans le temps. Il n'y a que l'Abistan. Cet empire théocratique, ce système, contrôle tout en passant par l'amnésie collective (d'où la non-importance de savoir en quelle année nous nous trouvons) et la soumission au Dieu unique, Yölah, et au message qu'il a transmis par la parole d'Abi, son prophète. Ainsi, totalitarisme religieux.

Comme dans 1984, le protagoniste est assez innocent au commencement. Ati est un employé de mairie malade, tuberculeux. Il part en voyage, dans ce qui est à la fois un pèlerinage et un repos de santé jusqu'aux confins de cet empire. Là, à travers les pensées qui l'habitent pendant sa lente guérison, l'auteur Boualem Sansal en profite pour nous introduire à son univers futuristique et dérangeant. On peut le comprendre assez bien mais, pour profiter au maximum de cette expérience littéraire, je suggère au lecteur d'y accorder toute son attention et de n'en perdre aucun détail. Malgré l'effort titanesque de Sansal pour nous décrire son monde nouveau, les rapprochements à faire avec l'islam sont inévitables. Même son travail sur le vocabulaire laisse des traces (par exemple, mockba au lieu de mosquée, l'utilisation des termes mécréant et guerre sainte, etc.)

Puis, un jour, il y a le déclencheur. Pendant son séjour dans le sanatorium, Ati a trop de temps pour « rêver, hésiter, réfléchir, mécroire éventuellement, croire peut-être. » (p. 54) Mais il y a pire. Sur le chemin du retour, il croise Nas qui lui parle d'un site découvert récemment. Un site mystérieux, à l'architecture étrange, où ne ne retrouvent pas les signes habituels. Y aurait-il eu d'autres civilisations ? Y aurait-il autre chose que l'Abistan ? Bref, un site susceptible de révolutioner les fondements de l'empire.

Premier point négatif : le rythme est lent, trop lent. Il commençait à être temps qu'il se passe quelque chose. Boualem Sansal fait avancer son histoire à pas de tortue. Cette découverte n'est présentée qu'à la page 85 dans la présente édition. Et il y a quelque chose dans la narration qui me laisse une impression de répétition. Néanmoins, il ne faut pas abandonner, mais persévérer dans sa lecture.

Comme Nas l'avait prédit, l'Appareil (l'autorité) annonça en grande pompe la découverte d'un site, transformé en lieu saint où aurait séjourné le prophète Abi. Tout n'est que mensonge. le discours officiel, de la propagande, un bourrage de crâne hypocrite, de l'endoctrinement, de l'obscurantisme, du fanatisme. Ati et son nouvel ami Koa se s'enfuient de Qodsabad via les quartiers populaires, des ghettos, où ils rencontrent des renégats. Ils découvrent ce qu'on pourrait appeler un mouvement underground, avec ses Renégats et tout. Ici encore, l'histoire s'enlise, j'avais le sentiment qu'elle ne menait non pas nulle part mais dans les profondeurs de méandres encore plus complexes inutilement. Mais je me suis accroché.

Deuxième point négatif : Ati manque de substance. Il remarque qu'autour de lui les choses ne collent pas mais c'est à peine s'il s'en indigne. Il n'incarne pas tout à fait ce désir de changer les choses, c'est comme s'il se laissait mener au gré des événements ou des révélations. Untel me dit ceci, je l'écoute, tel autre me dit cela, je le suis. Aussi, il semble sans émotions, il est distant. C'est sa quête qui m'intéresse, pas Ati. Il aurait pu mourir tant qu'il ait transmis sa mission à quelqu'un d'autre.

Toutefois, malgré ces deux points négatifs, j'ai adoré cette immersion dans un univers effrayant et captivant. 2084 : la fin du monde est, à sa façon, une lutte au dogmatisme et fanatisme religieux, c'est un hymne à l'intelligence et à la pensée critique. Ça porte effectivement à réfléchir au sort de la démocratie dans le monde et aux vagues d'obscurantisme et de radicalisation qui l'attaquent dans certaines parties du monde. Bravo à Boualem Sansal pour son audace et son courage, qui dénonce le pouvoir par l'ignorance et, le cas échéant, par la peur et la persécution (et la violence). Évidemment, il s'agit d'un ouvrage quelque peu complexe, il faut bien prendre son temps pour assimiler toutes ces d'informations sur son monde unique et sur les implications du libre arbitre mais suivre les réflexions d'Ati est certes fondamental.
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C'est une sorte de suite et hommage à "1984", remis à la sauce actuelle : les dangers de l'islamisme.

Dystopie, et réquisitoire contre les religions, particulièrement l'islam et son Coran, appelé Gkabul, dans le livre.
L'Abistan émerge en 2084 et le Gkabul aussi. Il est le seul pays, il est la seule parole.
Tout ce qui s'est passé avant est tabou, il est interdit d'en parler, de le diffuser.
On a régressé depuis 2015 : les gens circulent à pied ou sur un âne, il y a quelques camions. Comme il paraît que c'est le seul pays au monde, le monde est revenu au niveau de l'Afghanistan.
Les citoyens sont bernés par des informations absurdes, des manipulations, des mensonges. La corruption et la délation sont fortes.
La juste fraternité a de gros moyens : des hélicoptères. Mais d'où sortent ils, puisque nous ne savons pas les fabriquer ? L'Honorable Duc a été soigné à l'étranger. Mais il n'y a pas d'étranger, puisque l'Abistan a vaincu tous ses adversaires, vous êtes tous condamnés à la décapitation !
Mais Ati doute du système....
L'idée est très intéressante. Ce monde construit avec son vocabulaire "novlangue", ou plutôt abilangue.

Cependant, au niveau du style et du scénario, ce livre manque beaucoup de peaufinage, de lissage, de contextualisation.
Le début est très lent. L'auteur semble avoir du mal à poser ses personnages.
On ne voit pas où l'on va.
il y a des incohérences : Abi va au centre de la Terre :comment, le laisse t on passer dans un système que 2015 n'a pas réalisé, alors que 2084 a du mal à avoir des moyens de transport ?
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2084: : il existe une contrée où tout est Religion: le Royaume de la Foi.

Une contrée fermée sous régime totalitaire, où les masses sont manipulées et endoctrinées par des croyances en un Etre suprême et son Appareil d'Etat. La Guerre Sainte y est totale et permanente.
Existe-t-il un ailleurs?
Ati, modeste fonctionnaire, s'apparente à un dysfonctionnement. Dans son esprit de croyant zélé nait insidieusement le libre arbitre. Ainsi qu'une notion incongrue, inacceptable: la liberté d'être.

Fiction philosophique sur fond d'anticipation, dystopie glaçante dans le contexte de fondamentalisme religieux que connait notre époque.
Boualem Sansal produit un livre passionnant pour le contexte choisi mais qui se mérite dans la fiction. Plus intellectuel que ludique, le livre offre à lire et à réfléchir sur le décryptage d'un monde possible, sur le conditionnement des masses et la part noire d'humanité de chaque individu. Mise en perspective dans notre actualité de terrorisme, cette fiction de dictature obscurantiste prend tout son sens.
Il convient de s'accrocher à quelques images amusantes, quelques inventions de science fiction, un brin de naïveté et de transparence du héros pour ne pas sombrer dans la sinistrose qui nous colle déjà bien assez aux basques.

Un auteur dont j'ai beaucoup aimé "Le village de l'allemand", à la plume agréable, ici parfois un peu obscure dans le déroulé de ses explications. Un livre remarqué à juste titre.
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Christine, je veux te remercier de m'avoir permis de découvrir ce livre. Souviens-toi : quand je t'ai dit que je travaillais à un roman dont le titre pourrait être 2084, tu m'as répondu que celui-ci avait déjà été utilisé. Quelques clics sur mon smartphone plus tard, je trouvai ce 2084-La fin du monde de Boualem Sansal, que je m'empressai de commander à ma libraire préférée.
C'est ainsi que j'ai découvert l'Abistan, son dieu Yölah et son fondateur Abi, son histoire faite de guerres de religion toujours victorieuses contre le diable Balis et ses inféodés et ayant officiellement conduit à la disparition de tous les opposants. J'y ai rencontré Ati qui, guéri d'une grave maladie, quitte le sanatorium aux confins du pays pour rentrer chez lui, dans la tentaculaire capitale Qodsabad. Un voyage qui durera une année, lui fera rencontrer l'archéologue Nas, de nombreux pèlerins et marchants, et ... beaucoup de questions ! de retour chez lui, ATI et son ami Koa qui partage ses interrogations décident de retrouver Nas pour confirmer que la découverte récente des ruines d'un village est bien de nature à remettre en cause l'histoire officielle du pays...

C'est à un voyage en Absurdie que nous convie l'auteur. 2084, c'est la fin du "monde ancien", le nôtre, et le début d'un "nouveau monde", un monde dont l'histoire ne remonte pas au delà de cette année, un monde façonné par la dictature et le fanatisme religieux, où toute trace de progrès a quasi disparu, où la vérité est temporaire et l'histoire récrite aussi souvent que nécessaire, où la population est tenue dans l'ignorance la plus totale, où la langue a été simplifiée à l'extrême pour éliminer tous les concepts dérangeants pour la caste dirigeante... En ce sens, il y a bien une filiation entre le 1984 de George Orwell et ce 2084 : la haute technologie qui permet d'asservir le peuple dans le premier est remplacée par l'ignorance, la croyance en un être suprême et en son messager et la pauvreté dans le second.
Dans ce monde-là, Ati et Koa n'auraient jamais du se poser les questions qui taraudent leur esprit ; cette idée même est répréhensible ! Pourtant, faisant preuve d'ingéniosité pour échapper aux multiples contrôles, ils prendront la route pour se rapprocher des lieux de pouvoir et trouver, pensent-ils, auprès de l'archéologue Nas, sinon des réponses, au moins la confirmation de la pertinence de leurs questions.
Boualem Sansal met à profit ce récit, où l'absurde et le burlesque se côtoient en permanence, pour explorer les diverses facettes de l'âme humaine placée face à la violence dictatoriale et à l'intolérance religieuse. Il y a ceux, les plus nombreux, qui obéissent servilement en évitant de réfléchir, ceux qui espèrent quelque privilège en participant à la surveillance et à la dénonciation, ceux qui sont proches du pouvoir et sont prêts à tout pour conserver leur situation, même à comploter pour grimper quelques marches de plus dans les hiérarchies, et puis il y a ceux, peu nombreux, qui essaient de comprendre et dont on ne sait s'ils seront in fine écrasés.
Et bien sûr, on ne peut éviter de se poser la question : et si certains fanatismes religieux d'aujourd'hui prenaient demain l'ascendant sur nos sociétés ?
Je sais, Christine, tu vas me demander pourquoi je n'ai mis à ce livre qu'une note de 4 sur 5. Je ne sais pas si Boualem Sansal l'a fait délibérément, mais il oppose à la pauvreté culturelle de l'Abistan la grande richesse de son écriture. Mais il en fait peut-être un peu trop, et le roman devient difficile d'accès, la lecture manque de fluidité, et c'est vraiment dommage...

Pour conclure, je voudrais partager avec toi deux extraits du livre, qui me paraissent tout à fait représentatifs :

"On ne disait pas par là qu'ils étaient têtus comme des pierres, on se voulait respectueux, on donnait seulement à entendre que les pierres étaient plu raisonnables qu'eux."

"La dictature n'a nul besoin d'apprendre, elle sait naturellement tout ce qu'elle doit savoir et n'a guère besoin de motif pour sévir, elle frappe au hasard, c'est là qu'est sa force, qui maximise la terreur qu'elle inspire et le respect qu'elle recueille. C'est toujours après coup que les dictateurs instruisent leurs procès, quand le condamné par avance avoue son crime et se montre reconnaissant envers son exécuteur."

Cette chronique est dédiée à Christie Z., qui se reconnaîtra
Lien : http://michelgiraud.fr/2020/..
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