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Ce nouveau roman de Boualem Sansal peut être interprété de différentes façons : paranoïa d'une prof de banlieue parisienne traumatisée après un passage à tabac par des voyous islamistes ou un avertissement sur le danger réel qui pèse sur nos démocraties qui n'ont plus le courage de se battre…Un parallèle entre des émigrations, puisque toujours les hommes ont cherché à conquérir un ailleurs meilleur. Certains ont bâti le nouveau monde en parquant les indigènes, les autres amènent mort, violence et régression où ils s'installent… Et si quelques îlots ont encore le courage de s'élever contre la fatalité, le temps est proche de leur soumission. Elisabeth Potier, la mère de Léa, prof d'histoire à la retraite, est partie enseigner en Allemagne. Elle y fait des recherches sur l'histoire de l'émigration et particulièrement sur la famille von Ebert. Après des années d'enseignement dans un lycée difficile de Seine saint Denis, territoire où désormais la démocratie ne s'applique plus, elle s'interroge sur les migrations humaines. Rentrée en France, sauvagement attaquée par de jeunes islamistes, dont un de ses anciens élèves, alors qu'elle revenait de la marche qui a suivi les attentats de Paris, elle tombe dans le coma. A son réveil, elle a endossé la personnalité de Ute von Ebert à Erlingen, ville imaginaire, où les habitants attendent un train qui ne viendra jamais pour les emmener loin des envahisseurs. Cette femme écrit des lettres à sa fille Hannah qui habite Londres. Elle lui confie ses craintes mais bientôt le récit glisse dans une autre dimension, celle de la fiction où sont convoqués le thème de la métamorphose cher à Kafka et celui de l'attente d'un ennemi qui vient trop tard de Buzzati. On ne peut échapper non plus au parallèle entre le nazisme et l'islamisme transformant le résistant en un ennemi dans son propre pays… Bref un récit rendu complexe par son message sous-jacent, le combat contre l'extrémisme religieux, qui joue avec des références à l'absurde qui sont également des résistances au totalitarisme, car c'est ce qui guette et invite à l'ultime métamorphose, celle de Dieu, qui n'est plus que haine et destruction, qui inverse le cours de l'histoire et des choses. L'homme libre devient cloporte, l'évocation de Thoreau nous rappelle qu'il ne faut pas obéir à tout, surtout pas à un Dieu né de l'imagination morbide des hommes… Et qu'il ne faut pas hésiter à nommer clairement l'ennemi et ses actes de guerre au risque de le laisser s'installer grâce à une bonté naïve devenue lâcheté… Un texte puissant mais pas très facile d'accès. Ce que l'on peut comprendre, car les menaces de mort et les exécutions au nom d'Allah ne sont malheureusement pas une fiction… + Lire la suite |