Prêts pour une plongée dans le monde gay de Porto Rico et Saint Domingue ? Alors embarquez dans le sillage de la mystérieuse et ambigüe
Sirena Selena, jeune garçon devenu une envoutante diva à la voix d'ange séduisant les foules en chantant les boléros que lui a appris sa grand-mère et qui l'aident le temps d'une chanson à oublier toutes les épreuves qu'il a déjà traversées.
Dès les premières pages de ce roman, on est immédiatement embarqués par le style incomparable de
Mayra Santos-Febres. Cette auteure a un don pour jouer des mots et de leur musique (sans doute aidée par une excellente traduction car malheureusement je ne parle pas assez bien espagnol pour la lire en VO) et pour créer en quelques lignes toute une ambiance et une atmosphère qui vous donnent l'impression de vivre les événements en même temps que les personnages. D'elle, j'avais déjà adoré La maîtresse de
Carlos Gardel, et sur un thème complètement différent j'ai reconnu immédiatement son écriture magique qui m'a offert un autre magnifique voyage vers Porto Rico.
Car oui c'est bien un voyage que nous propose
Sirena Selena. Par petites touches, courts chapitres sans lien évident entre eux, qui multiplient les narrateurs et les protagonistes, l'auteure nous fait découvrir un petit monde au sein d'une petite île, Porto Rico : celui des gays, drag queens, travestis et transsexuels. Il y a le côté paillettes avec ces folles assumées qui rivalisent de maquillage et de robes de soirée, se produisent dans des cabarets et haranguent leur public d'une langue vive et acérée. Et puis il y a le côté sombre, celles qui sont obligées de se prostituer pour vivre, la drogue, les agressions, la pression sociale et en filigrane la difficulté à être gay dans une société macho pour qui la virilité est l'attribut suprême. Certaines scènes sont particulièrement dures, poignantes, l'auteure procède par petites touches, rien n'est vraiment expliqué, tout est suggéré mais le portrait de la société caribéenne qui s'en dégage fait parfois froid dans le dos, surtout à Saint Domingue apparemment moins libérée et tolérante que Porto Rico.
Et puis au delà de ces questions de société, il y a deux personnages magnifiques. Tout d'abord Martha Divine, drag queen ayant ouvert son propre cabaret et servant d'impresario à Sirena, travestie à qui il ne manque qu'un peu d'argent pour l'opération finale qui la rendra complète en lui offrant un vrai corps de femme, "le bas en harmonie avec le haut, une foufoune et des doudounes. La totale. Pour pouvoir enfin vivre en paix dans un corps, et pas deux ». Emouvante Martha qui a vu défiler dans son club tout le petit monde gay de Porto Rico, qui semble intégrée socialement et à l'aise dans sa transformation et qui pourtant tremble à tout moment de se voir démasquée. Et son élève,
Sirena Selena, garçon, fille, femme, chanteuse, prostituée, petit voyou des rues, enfant abandonné obligé de se battre pour survivre, petit garçon de sa grand-mère qui lui a tout appris, notamment les boléros qui vont lui permettre de survivre. Sirena la magnifique, Sirena fragile et forte à la fois, égoïste, versatile, insaisissable. Sirena dont on découvrira l'histoire au fil des pages et dont on comprendra quel parcours l'a menée jusqu'aux portes du cabaret de Martha.
Si vous voulez être ému, pris dans un tourbillon d'images et de sensations, si vous n'avez pas peur du voyage en bonne compagnie, si vous souhaitez être embarqués par des mots le temps d'une lecture, alors ouvrez vite ce petit livre qui en plus d'être très joli (merci Zulma Editions pour ces couvertures toujours magnifiques) possède tout ce qu'il faut pour vous envoûter. de mon côté c'est certain, dès que
Mayra Santos-Febres nous fera le plaisir d'écrire un nouveau livre, je sauterai dessus sans hésiter !