AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le voyage de l'éléphant (28)

Les mots me manquent.
Effectivement, les mots nous manquent. On dit que dans une des langues parlées par les indigènes de l'amérique du sud, peut-être en amazonie, il existe plus de vingt expressions, vingt-sept, crois-je me souvenir, pour désigner la couleur verte. Comparé à la pauvreté de notre vocabulaire en la matière, il semblerait qu'il devrait être facile pour eux de décrire les forêts dans lesquelles ils vivent, au milieu de tous ces verts minutieux et différen-ciés, à peine séparés par de subtiles et presque impalpables nuances. Nous ne savons pas s'ils l'ont tenté un jour ni s'ils ont été satisfaits du résultat. Ce qu'en revanche nous savons, c'est qu'une quelconque mono-chromie, par exemple, pour ne pas aller plus loin, la blancheur apparemment absolue de ces montagnes, ne résout pas non plus la question, peut-être parce qu'il y a plus de vingt nuances de blanc que l'œil est impuissant à distin-guer, mais dont il pressent l'existence. La vérité, si nous sommes prêts à l'accepter dans toute sa crudité, c'est tout bonnement qu'il est impossible de décrire un paysage avec des mots. Ou plutôt, c'est possible, mais cela n'en vaut pas la peine. Je demande s'il vaut la peine d'écrire le mot montagne si nous ne savons pas quel nom la mon tagne se donnerait à elle-même. La peinture est déjà autre chose, elle est parfaitement capable de créer sur la palette vingt-sept tons de vert bien à elle qui se sont échappés de la nature, et quelques-uns de plus qui ne leur ressemblent pas, et c'est ce que nous appelons art, comme il convient.
Les feuilles ne tombent pas des arbres peints.
Commenter  J’apprécie          00
Ils entrèrent dans la première rue du village qu'ils rencontrèrent, bien que ce fût le signe d'un esprit délirant d'appeler cela une rue, c'était ce qui ressemblait le plus à cette époque-là à une montagne russe, et le commandant demanda à la première personne venue comment s'appelait et où habitait le principal cultivateur du lieu. L'homme, un vieux paysan avec une houe sur l'épaule, connaissait les réponses, Le principal, c'est monsieur le comte, mais il n'est pas ici, Monsieur le comte, répéta le commandant, légèrement inquiet, Oui, que votre seigneurie sache que les trois quarts de ces terres, ou davantage, lui appartiennent. Mais tu as dit qu'il n'est pas chez lui, Que votre seigneurie parle à l'intendant, l'intendant est celui qui gouverne le bateau, Tu es allé en mer, Que votre seigneurie sache que j'y suis allé, mais, entre les noyés et les malades du scorbut, ça faisait tant de morts que j'ai décidé de m'en revenir mourir à terre, Et où puis-je trouver l'intendant, S'il n'est pas déjà dans les champs, vous le trouverez à la ferme du palais, Il y a un palais ici, demanda le commandant en regardant autour de lui, Ce n'est pas un de ces palais très hauts avec des tours, il n'a qu'un seul étage, mais on raconte qu'il contient plus de richesses que tous les châteaux et palais de lisbonne, Peux-tu nous y mener, demanda le commandant, Mes pas m'ont conduit jusqu'ici pour ça, Le comte est comte de quoi. Le vieux le lui dit et le commandant émit un sifflement d'admiration, Je le connais, dit-il, mais je ne savais pas qu'il avait des terres dans le coin, Et on dit qu'il n'en a pas qu'ici.
Commenter  J’apprécie          10
[...], Faut bien mourir de quelque chose, monsieur le curé, Ne me sors pas ce genre d'âneries, laisse les évangiles en paix et prête davantage attention à ce que je dis à l'église, ma mission, et celle de personne d'autre, c'est d'indiquer le droit chemin, rappelle-toi que qui s'engage sur les chemins de traverse ne sort jamais de la voie de la tristesse, Oui, monsieur le curé,[...]

p69
Commenter  J’apprécie          580
La nouvelle du miracle était parvenue au palais du doge, mais d'une manière assez embrouillée, résultant, depuis le récit incomplet de certains témoins plus ou moins oculaires jusqu'à ceux qui parlaient simplement par ouï-dire, de la transmission successive de faits véridiques ou supposés, réels ou imaginaires, car, comme nous ne le savons que trop bien, celui qui raconte une histoire ne rate jamais l'occasion de lui ajouter un point et parfois même une virgule.
p168
Commenter  J’apprécie          471
[...], il est bien vrai que les paradis ne sont pas tous semblables, il y en a avec houris et sans houris, toutefois, pour savoir dans quel paradis nous sommes, il suffira qu'on nous laisse regarder par le trou de la serrure. Un mur qui protège du vent du nord, un toit qui défende de la pluie et du serein, et il n'en faut guère plus pour vivre dans le plus grand confort du monde. Ou dans les délices du paradis.
p92
Commenter  J’apprécie          493
Une custode serait d'un bel effet, sire, j'ai observé que peut-être en raison de la vertu conjuguée de sa valeur matérielle et de sa signification spirituelle, une custode est toujours bien accueillie par la personne qui la reçoit,
p12
Commenter  J’apprécie          393
Heureusement pour sa crédibilité publique, l’éléphant est autre chose. Grand, énorme, ventru, avec une voix à épouvanter les moins timorés et une trompe comme n’en a aucun autre animal de la création, l’éléphant n’aurait jamais pu être le fruit d’une imagination, aussi fertile fût-elle et éprise de risque. L’éléphant, simplement, soit existait, soit n’existait pas.
Commenter  J’apprécie          30
Entre parler et se taire, un éléphant préférera toujours le silence, voilà pourquoi sa trompe a tellement poussé, laquelle, outre qu’elle transporte des troncs d’arbres et sert d’ascenseur au cornac, a l’avantage de représenter un obstacle sérieux à toute loquacité incontrôlée.
Commenter  J’apprécie          60
Certains mystères de la nature semblent à première vue impénétrables et la prudence conseille peut-être de les laisser ainsi, de peur qu’une connaissance acquise brutalement, finisse par nous faire plus de mal que de bien. Voyez, par exemple, le résultat de la consommation par adam au paradis de ce qui semblait être une vulgaire pomme. Il se peut que le fruit proprement dit ait été l’œuvre délicieuse de dieu, encore que d’aucuns affirment qu’il ne fut pas une pomme, mais plutôt une tranche de pastèque, dont les graines, elles, furent en tout cas placées là par le diable. Et de couleur noire, par -dessus le marché.
Commenter  J’apprécie          20
Au fond, il faut reconnaître que l’histoire n’est pas uniquement sélective, elle est aussi discriminatoire, elle ne cueille de la vie que ce qui l’intéresse en tant que matériau socialement tenu pour historique et elle dédaigne tout le reste, précisément là où pourrait peut-être résider la vraie explication des faits, des choses, de cette putain de réalité. En vérité je vous dirai, en vérité je vous le dis, il vaut mieux être romancier, inventeur de fictions, menteur.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (367) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Le voyage de l'éléphant

    En quelle année le voyage commence et en quel année le voyage se termine ?

    1552-1554
    1551-1553
    531-534

    3 questions
    2 lecteurs ont répondu
    Thème : Le voyage de l'éléphant de José SaramagoCréer un quiz sur ce livre

    {* *}