AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,13

sur 728 notes
5
84 avis
4
64 avis
3
16 avis
2
1 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je peux dire qu'en ce moment j'ai la main heureuse avec la littérature canadienne. Après La Femme qui fuit de Anaïs Bardeau-Lavalette, j'ai plongé avec ravissement dans Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier.
L'auteure s'amuse à nous entraîner dans un pseudo conte. Mais ne vous y trompez pas, les héros de cette histoire n'entretiennent pas de franche ressemblance avec ceux que l'on a l'habitude de rencontrer dans ce genre de récit.
Jugez plutôt ! Charlie, Tom, Ed Boychuck ou Ted ou Edward (un doute planera toujours sur son véritable prénom), veulent échapper à "toutes les travailleuses sociales du monde qui veulent enfermer les vieux dans des mouroirs". Ils vont donc se retirer dans une forêt profonde de l'Ontario pour y vivre en ermite. Ce n'est pas pour y mourir ! Certes non... C'est en tout cas ce qu'ils découvrent et ils ne se privent pas de narguer la grande faucheuse dans leurs conversations tout en jetant un oeil de côté vers la petite boîte de strychnine que chacun d'entre eux garde à proximité. On ne sait jamais...
Les deux autres personnages masculins du roman n'ont rien de princes charmants, eux non plus. Et même s'ils jouent les bonnes fées auprès du trio d'octogénaires, ils manifestent un goût très prononcé pour le "hors clous", l'un cultivant tranquillement ses plants de marijuana avec la complicité de Ted et l'autre vivotant dans un hôtel où plus aucun voyageur ne s'arrête hormis les égarés, jusqu'au jour où arrive la princesse de l'histoire !
Là encore l'auteure nous gâte car ce personnage n'est pas tout à fait celui que l'on attend puisqu'il s'agit d'une petite vieille de quatre-vingt dix ans dont soixante-six passés en hôpital psychiatrique. Marie-Desneige (ça ne vous rappelle rien ?) entretient une très forte ressemblance, en dépit de son âge avec le personnage de Poucette dans le conte d'Andersen. "La petite vieille était vraiment minuscule, de la taille d'une enfant de douze ans, très fragile, une poupée de porcelaine et ne bougeait qu'à petits gestes." le dernier personnage , celui de la photographe est sans doute un peu le double de l'auteure et la "caution narrative" du récit qu'elle va d'ailleurs commencer et finir.
Ce jeu avec les codes du conte est très amusant à suivre mais le talent de l'auteure ne s'arrête pas là. C'est une excellente portraitiste alliant le sens et le goût de la caricature à celui de l'observation lorsqu'elle évoque le regard, thème récurrent qui balaie tout le roman, via notamment le personnage de la photographe. le rire est aussi très présent car tous ces personnages sont souvent confrontés à des situations irrésistiblement drôles.
Mais ce côté léger, iconoclaste et drôle du roman a son pendant tragique. Et l'évocation des Grands Feux, qui ont ravagé le Canada au début du XXème siècle, coupe d'ailleurs le récit en deux parties. J'ai été impressionnée par la puissance de cette évocation. Au-delà du réalisme et de descritions très documentées sur les mécanismes des grands incendies, l'auteure a su, grâce à son regard et à son phrasé, donner aux scènes qui les évoquent une dimension apocalyptique.
Et comment ne pas penser en lisant ces pages sur cet holocauste naturel à tous ceux qui ont émaillé L Histoire ou qui jalonnent encore l'actualité. Rescapés mutiques, héros mythiques ou martyrs, tous les holocaustes de tous les temps ont des victimes qui se ressemblent : plus de voix, plus de regard...
C'est ce qui m'a désarmée et émue à la lecture de ce chapitre.
Il pleuvait des oiseaux. Un titre qui m'avait semblé poétique mais dont on découvre la véritable portée au cours du roman et c'est ce qui fait sa force !
Commenter  J’apprécie          5914
Notre rapport avec les vieux évolue avec le temps. Nos vieux ce sont d'abord nos grands-parents (ou pour ceux qui ont beaucoup de chance, nos arrière-grands-parents). Au delà de l'affection qu'ils peuvent nous donner, ils sont les représentants d'une époque révolue. Ils sont ainsi un moyen extraordinaire de connaitre des temps que nous avons peine à même imaginer mais cet écart temporel nous confronte à un fossé entre eux et nous sur plusieurs sujets et est parfois source d'incompréhension. le moment où on doit choisir comment ils finiront leur derniers jours, chez eux le plus longtemps possible puis parfois en institution, ne nous concerne qu'indirectement, nous observons les choix de nos parents et donnons juste parfois notre avis.
Puis vient le moment où nos parents deviennent nos vieux. Eux qui furent les modèles positifs, puis parfois négatifs, qui nous permettent de nous construire en miroir, finissent par s'affaiblir, par rencontrer des difficultés que nous ne voulions pas imaginer comme pouvant être leur lot. On commence à comprendre que la fameuse "décision" qui leur échouait pour nos grand-parents était en fait une négociation, qui s'installe maintenant entre eux et nous, sur nos possibilités de les aider, sur leur volonté farouche de continuer à vivre comme ils l'entendaient, voulant le plus souvent dénier une réalité que nous constatons pourtant, qui nous fait souffrir et qui nous fait peur, à les imaginer parfois impuissants face à des tâches quotidiennes qui paraissaient aller de soi.
Enfin (et rassurez-vous, je suis bien en train de faire la critique de ce livre québecois et pas un essai sur la vieillesse), les vieux c'est (ou cela va être) nous. Parce qu'on repousse le plus possible le moment où le qualificatif est censé nous décrire. Parce qu'on commence alors à comprendre qu'il n'y a aucune raison que ce soit le choix de quelqu'un d'autre ou même une négociation, que la décision de comment nous devons passer la fin de nos jours est absolument et totalement la notre et qui aurait donc le droit de donner même un quelconque avis (en plus des petits morveux qui n'y connaissent rien à la vie, franchement...) sur la question !
Et bien, toutes ces questions sont magnifiquement traités dans ce roman de Jocelyne Saucier, avec beaucoup de tendresse et de respect pour ses personnages, sans misérabilisme ni faux-semblants, en cherchant à décrire au mieux la réalité. Au fur et à mesure de la rencontre entre les plus jeunes et ces trois vieillards qui forment le centre du récit, on passe par les différents stades des rapports, de la volonté de connaître le passé grâce à ceux qu'ils peuvent transmettre, à l'envie de les protéger au quotidien contre les attaques de la vie cruelle, pour aboutir enfin au respect total de leur liberté de choix en tant qu'êtres humains.
La plupart des thématiques de cette période de vie sont abordés (maladie, folie, dépendance, jusqu'à même l'euthanasie), s'y ajoutant le contexte de l'histoire des Grands Feux ayant ravagé l'Ontario en 1916, mais aussi des réflexions très intéressantes sur l'art. Tout cela est traité dans un style clair, où les narrateurs s'échangent librement la parole, quand les nécessités de l'histoire l'exigent, sans que de nombreux artifices soient indispensables pour rendre cette narration fluide.

Elle rend parfaitement l'impression voulue de petit groupe hors du temps et de l'espace, isolé dans cette forêt loin des hommes, libre de ses choix. Une histoire qui ouvre l'horizon des possibles et permet ainsi d'envisager plus sereinement cette vieillesse qui nous effraie le plus, la nôtre.
Commenter  J’apprécie          525
Un bon livre, très bien écrit et qui nous apprend beaucoup sur une tragédie qui a touché le nord de l'Ontario au début du 20 ème siècle. Ce roman est une ode à la liberté. Il aborde un sujet plutôt tabou, les relations amoureuses entre personnes du quatrième âge. Je lui reprocherai sa fin un peu hâtive.
Commenter  J’apprécie          520
Alors que la nature se pare des couleurs chaleureuses de l'automne, j'ai eu envie d'une balade livresque dans les immenses forêts du Canada, autant qu'un voyage par les mots. C'est ainsi que mes pas m'ont menée vers le roman de l'auteure québécoise, Jocelyne Saucier.
Je ne connaissais pas ses écrits, mais le titre, résonnant d'une singulière douceur et d'un sentiment de mélancolie, m'ont attirée. Je ne regrette pas mon choix, cette histoire de moins de 200 pages, est comme un baume sur les peurs et les peines de la vieillesse.

« le bonheur a besoin simplement qu'on y consente. »

*
La belle écriture de Jocelyne Saucier se fait élégante et poétique pour nous raconter l'histoire de trois vieillards, Ted, Charlie et Tom. Epris de liberté et d'espace, ils décident de disparaître en plein coeur de la forêt canadienne, sans laisser, ni adresse, ni explication.
Par ce choix voulu et réfléchi, ils veulent repartir à zéro et écrire le dernier volet de leur existence, en demeurant jusqu'au bout, maître de leur destin. La mort, ils y pensent souvent, mais sans crainte ni tristesse. Ce qu'ils désirent, c'est, le moment voulu, pouvoir mourir avec dignité, selon leurs conditions.

« - La liberté, c'est de choisir sa vie.
- Et sa mort. »

Là, au plus près de la nature, dans des cabanes en bois construites de leurs mains, ils vivent en adéquation avec eux-mêmes, appréciant la vraie valeur des choses, le fruit de leur travail.
De leur quotidien rude et exigeant, nait une amitié profonde et sincère entre les trois hommes.

*
La réalité s'invite dans la fiction.
En effet, Ted Boychuck, est un des survivants d'une série de terribles incendies de forêt qui ont réellement eu lieu et ont dévasté le nord de l'Ontario en 1916.
Au début du siècle, les colons utilisaient la technique de la culture sur brûlis pour défricher leurs terres. En cette période de forte chaleur estivale, il aura suffi de quelques rafales de vent pour transformer la forêt, de Matheson à Cochrane, en un immense brasier. Plus de deux cents personnes y perdront la vie.

Le récit débute lorsqu'une photographe d'une quarantaine d'années, la narratrice de ce récit, se présente pour rencontrer de Ted Boychuck. Elle a pour projet de faire le portrait des survivants de cette époque, de recueillir leurs histoires en vue d'un documentaire. Mais Ted vient de décéder et a emporté avec lui tous les souvenirs de ces évènements dramatiques.
L'arrivée de la jeune photographe va perturber le quotidien tranquille et routinier des deux hommes.
Pour le meilleur ou pour le pire ?

*
La présence ténue de Boychuck hante tout le récit. En effet, un voile de mystère entoure le destin de cet homme, sa personnalité, ses secrets, ses obsessions et ses tourments. Les multiples portraits croisés dessinent doucement le destin de cet homme qui fascine autant la jeune femme que le lecteur.

La structure narrative du roman, composée de plusieurs voix qui se complètent, ne cesse de faire voyager le lecteur entre passé et présent. Les souvenirs qui remontent à la surface, parfois émouvants, surprennent par les choix inattendus et audacieux de l'auteure.
C'est évidemment un récit qui aborde avec une perspicacité et une absolue délicatesse l'histoire de ces trois vieillards qui forcent leur destin en décidant de ne pas finir leurs jours dans des « mouroirs ». Et si la mort est attendue par chacun avec sérénité, ce roman, dans lequel priment la liberté, l'amour et l'amitié, se tourne incontestablement vers la vie et la recherche du bonheur.

« Elle en était venue à les aimer plus qu'elle n'aurait cru. Elle aimait leurs voix usées, leurs visages ravagés, elle aimait leurs gestes lents, leurs hésitations devant un mot qui fuit, un souvenir qui se refuse, elle aimait les voir se laisser dériver dans les courants de leur pensée et puis, au milieu d'une phrase, s'assoupir. le grand âge lui apparaissait comme l'ultime refuge de la liberté, là où on se défait de ses attaches et où on laisse son esprit aller là où il veut. »

Il est question aussi de traumatismes physiques et psychologiques hérités de l'histoire personnelle de chacun, de résilience à travers la nature et l'art.

*
Ce court roman dégage beaucoup d'humanité, de sensibilité et de générosité.
Plus l'histoire avance, plus les personnalités s'étoffent. En effet, Jocelyne Saucier, d'une plume subtile et délicate, relie passé et présent, entrelace de nombreuses histoires, illuminant son récit par des personnages auxquels on ne peut que s'attacher.
Les mots sont simples et justes.

« Il y avait un pacte de mort entre mes p'tits vieux. Je ne dis pas suicide, ils n'aimaient pas le mot. Trop lourd, trop pathétique pour une chose qui, en fin de compte, ne les impressionnait pas tellement. Ce qui leur importait, c'était d'être libres, autant dans la vie qu'à la mort, et ils avaient conclu une entente. »

La forêt, vaste, belle et sauvage, est magnifiquement étudiée et décrite. Elle apporte un magnifique contrepoint, où le rythme des saisons est comme un écho de l'âme à travers la vie, la vieillesse, la maladie, et la mort.

*
Récompensé par plusieurs prix littéraires, « Il pleuvait des oiseaux » est un joli texte sur la vieillesse et l'autodétermination. Dans cette solitude voulue, dans ce désir de liberté, les personnages de cette histoire ont su m'émouvoir. Les belles descriptions de paysages forestiers, la proximité avec la nature en ont fait un roman beau et tragique.

Même si la trame est sombre, on ne tombe jamais dans le pathos. Une belle lumière mordorée donne à ce récit une atmosphère apaisante, mélancolique ou mystérieuse. La fin, inattendue, belle, touchante, est comme un pied de nez au temps qui court et à la mort.
Une belle histoire que je vous laisse découvrir.

« J'aime les histoires, j'aime qu'on me raconte une vie depuis ses débuts, toutes les circonvolutions et tous les soubresauts dans les profondeurs du temps qui font qu'une personne se retrouve soixante ans, quatre-vingts ans plus tard avec ce regard, ces mains, cette façon de vous dire que la vie a été bonne ou mauvaise. »
Commenter  J’apprécie          4826
Que de poésie et de tendresse dans ce court mais beau roman !

Une photographe décide de faire un reportage sur les survivants des grands feux qui ont ravagé l'Ontario dans les années 20 et rencontrent ainsi deux vieillards qui se sont retirés incognito dans la forêt et vivent bien avec l'aide d'un gérant d'hôtel et d'un ... cultivateur de marijuana.

Cela, c'est le point de départ, mais cela ne s'arrête pas là.

L'histoire est touchante et émouvante. C'est bien écrit et le lecteur ne voit pas passer les pages tant on est, enfin tant j'étais sous le charme.

Une douce lecture que je recommande.
Commenter  J’apprécie          400
IL PLEUVAIT DES OISEAUX
Quel joli titre. Intrigant aussi.
Une très belle histoire.
Le sujet est un peu le même que dans « Et puis Paulette » de Barbara Constantine, mais dans un tout autre contexte.
Ici, on est au Canada. Dans les bois vivent trois nonagénaires qui se sont retirés de la société pour vivre leur vie, pour vivre leur mort.
Sur leur ermitage veillent Steve et Bruno, qui plantent de la marijuana.
Et puis se joint à eux une photographe qui enquête sur les derniers survivants du grand incendie du début du XXème siècle
Et puis la vieille tante ramenée par Bruno.
Que tout ce petit monde est sympathique et touchant.
C'est un roman d'une grande sensibilité et d'une grande tendresse, traitant de l'amitié, de la vieillesse et de la mort. Et ce dépaysement dans la forêt canadienne rajoute au charme.
Une histoire émouvante, belle, une de celles qui nous font aimer les romans, qui nous offre ce qu'on y cherche : du rêve, de l'imagination, de l'idéal….
Commenter  J’apprécie          341
La littérature canadienne n'est pas forcément celle que je connais le mieux. Il faut dire que peu de livres de nos amis québécois franchissent nos frontières, contrairement à leurs chanteuses, qui à un moment du moins, nous arrivaient par paquet de dix sur nos ondes :o)....

Du coup, lorsque j'ai vu qu'il y avait possibilité avec Babelio et leur opération Masse Critique de découvrir cette littérature, par le biais d'un livre qui a cartonné là bas, en récoltant pas moins de 4 prix, je me suis positionné dessus, et j'étais bien content lorsque j'ai su que le livre allait me parvenir.
Ce livre c'est "Il Pleuvait des oiseaux" (titre oh combien poétique dont on ne comprend la signification qu'à la toute fin du livre), un roman de Jocelyne Saucier, qui était déjà sorti en 2011 en France, mais en catimini, et qui depuis est passé sous un autre bannière ( Denoël) et qui bénéficie désormais d'une couverture médiatique bien plus intèressante.
Le roman était donc dépaysant de par son pays de nationalité, et l'est encore plus par son contenu et le décor de cette incroyable histoire.

En effet, ce roman est une fable qui se passe dans les forets d'une région sauvage du Québec, située au Nord de l'Ontario, mais à l'origine l'auteur s'est basé sur des faits historiques pour construire une partie de son roman, ceux des Grands Feux qui ont ravagé cette région entre 1910 et 1920, qui ont fait énormément de victimes et dont les rares survivants ont eu beaucoup de mal à s'en remettre.

L'intrigue débute lorsqu'une photographe du Hérald Tribune enquête sur un dénommé Ed Boychuck, qui aurait survécu à ces grands feux. Tout naturellement, elle oriente ses recherches dans la forêt et découvre un campement où habitent Charlie et Tom, deux vieillards qui ont bien connu ce Ed et qui vivent en ermite au fond des bois.

Ce livre commence donc par le récit de la photographe, mais très vite d'autres personnages nous vont nous raconter l'histoire, des personnages un peu décalés et marginaux , qui aideront la photographe à recoller les pièces du puzzle, des pièces qui s'assembleront qu'à la toute fin de ce beau roman original et envoutant.
Ce roman nous dévoile une partie de l'histoire canadienne que tous les français ou presque ignoraient, et nous livre en même temps une véritable ode à la liberté , à la vie dans la nature, et même une ode à l'amour, cet amour ui survient au moment où l'on ne s'y attend plus du tout.

Une bien belle expérience littéraire que je ne peux que vous conseiller ardemment.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          3310
Le sfumato est une technique picturale qui veille à ce qu'ombres et lumières se fondent sans traits ni lignes, diluent les contours du sujet et le restituent dans l'imprécision d'effets vaporeux, comme une fumée.
C'est la technique qu'a utilisée Ted, artiste inconscient de son art, pour tenter de libérer sa mémoire de ce qui la harcèle depuis l'enfance. Il a vu sa famille disparaître dans le grand incendie de l'Ontario en 1916. Il était "celui qui avait le plus à dire, trop peut-être, trop pour être dit avec des mots".

Comme ses deux voisins de la forêt, Tom et Charlie, il s'est mis à l'écart de la multitude. Chacun pour sa raison tenue secrète, ils veulent "échapper aux lois du monde", conduire leur vie comme bon leur semble, y compris décider d'y mettre fin. C'est pour cela que reste à portée de main, sur une étagère de leur cabane au bord du lac, "la boite à sel". Elle contient l'instrument de la décision: la strychnine. Ils ont apprivoisé la solitude. De la mort ils se sont fait une alliée. Ce n'est pas elle qui décidera.

Un jour pourtant, la fumée ne s'est pas réveillée au dessus de la cheminée du vieux Ted. Il est parti dans son sommeil. Un sourire figé sur son visage. Le seul depuis toutes ces années. Comme "une dernière politesse". Il laisse dans sa cabane des centaines de toiles, comme autant de paroles qu'il n'aura pas prononcées.

C'est à cette époque qu'apparaît dans la solitude qui se resserre autour de Tom et Charlie, celle qui se fait appeler Marie-Desneige. Enfermée chez les fous depuis soixante ans, après un diagnostic de démence un peu hâtif, Marie-Desneige renaît. Une douleur en décode une autre. Elle seule saura traduire en mots ce que les tableaux de Ted expriment comme autant de scènes d'horreur. Elle y découvrira l'autre secret de Ted cristallisé dans la beauté d'un visage et son reflet.

Il pleuvait des oiseaux, somptueuse allégorie pour traduire l'indicible. Très beau roman qui installe son intrigue entre solitude et douleur. L'amour survient là où on ne l'attend pas. Ou plus. Alors, la mort dont on s'était fait une alliée respire d'aise. Elle reconquiert son territoire, réinstalle sa tyrannie. Car ce qui est à craindre avec la mort, ce n'est pas la perte de la vie, c'est la séparation.

Commenter  J’apprécie          310
Ce livre m'a attiré par son titre énigmatique et surprenant. Je n'ai pas été déçue, le sujet est époustouflant et la structure narrative choisie par l'auteur aussi. Il y a en fait deux livres, deux histoires, voire trois, dans ce livre. Il y a d'abord une tragédie méconnue du début du XXème siècle, celle des Grands Feux qui ont ravagé le nord de l'Ontario. La narratrice, une photographe, cherche à rassembler des portraits des survivants, elle part à la recherche de l'un d'eux, Boychuck, qui vit isolé au fin fond des bois. Quand elle arrive sur les lieux il vient de mourir, laissant une grande quantité d'incompréhensibles peintures. On découvre cette catastrophe, en particulier l'incendie de 1916 qui fit au moins 223 victimes et détruisit des villes et des bourgs sur son passage. Les récits des survivants sont apocalyptiques, l'air était irrespirable au point qu'« il pleuvait des oiseaux », la survie tenait du miracle. En dehors de cet aspect historique, ce livre est aussi l'histoire, fictive de Charlie et Tom, qui vivaient juste à côté de Boychuck. Ce sont des personnages attachants avec et malgré leur côté hommes des bois, un peu survivalistes, très dans la décroissance, ravitaillés quand nécessaire par deux marginaux, Steve et Bruno, tout à fait dans l'illégalité, mais qui protègent leur isolement. Une femme bien aussi âgée qu'eux vient les rejoindre. Ce n'est pas « Ermites dans la taïga », mais il y a quand même quelques points communs dans l'isolement et la rudesse de l'hiver. C'est une histoire tendre et triste à la fois qui vire plutôt sur le feel good. Reste une troisième histoire, celle de Boychuck que la narratrice découvre un peu, en tout cas, bien plus que ce à quoi elle s'attendait. Jocelyne Saucier a réussi à entrelacer à merveille ces trois histoires, et j'ai apprécié qu'à la fin le lecteur en sache beaucoup plus sur la fin des deux histoires fictives que la narratrice, au point que ce qui est une histoire triste pour celle-ci est une histoire feel good pour le lecteur. Original et intéressant, plus mélancolique que triste, plein d'humanité et de tendresse, un livre sur les bonheurs simples et sur la liberté.
Commenter  J’apprécie          290
Livre lu dans le cadre de la masse critique du 22 janvier 2015 chez Babelio !

J'avais retenu dans un coin de ma mémoire ce titre poétique ainsi que le souvenir que de nombreux lecteurs l'avaient aimé et en avait parlé avec bonheur.

Même si ce n'était pas mon unique choix, ce livre est bien arrivé en ce mois de février, mois des amoureux.

Un bien beau roman offert par Babelio.

Ce titre évoque une poésie triste et belle.

Vivre loin de tout, en plein milieu d'une nature sauvage et authentique pour posséder cette liberté de vivre et de mourir, voilà ce que recherche les personnages de ce roman.

Ces hommes, dont on ne sait pas grand chose, vivent là en toute amitié entre hommes et leurs chiens.

Il y a Charlie et son Chummy, il y a Tom et aussi Ted Boychuk.

Ces trois hommes sont vieux et finalement pas si isolés que ça, ils sont aidés par deux autres hommes, Bruno et Steve, des marginaux qui eux restent tout de même en lien avec la société...

Ted est un rescapé des grands incendies, c'est sur les traces de sa légende qu'une photographe, baptisée Ange-Aimée, va rentrer dans cet univers masculin.

Il sera alors trop tard, Ted étant tout juste décédé... Mais il a laissé derrière lui toute une oeuvre picturale retraçant les grands incendies dont il a été le rescapé et aussi révélant ses amours impossibles...

Cette univers masculin va être aussi bousculer par l'arrivée d'une petite femme Marie-Desneige. La tante de Bruno, un être quelque peu surnaturel, qui va ravir par sa fragilité les coeurs de ce compagnonnage et plus particulièrement celui de Charlie.

On assiste alors à une nouvelle vie pour cette femme qui a passé toute sa "première vie" dans un asile. Et aussi à une belle histoire d'amour entre elle et Charlie.

Un livre qui se lit avec plaisir, un livre dont le propos poétique m'a touché. J'ai aimé que l'univers féminin vienne bousculer cet univers rugueux masculin.

L'arrivée de Marie-Desneige est comme l'arrivée de la neige, elle recouvre tout ce qui n'est pas beau tout en apaisant tout ce petit monde.

De l'amour, de la poésie, de la nature, de l'amitié, de l'art
voilà ce que j'aime à lire.

La fin est trouble, voir double...
Mais les réalités ne sont pas toujours ce qu'elles sont...
Alors laissons nous aller aux rêves...

N'hésitez pas à aller à la rencontre
de cette petite communauté
remplie d'humanité.

Lien : http://imagimots.blogspot.fr..
Commenter  J’apprécie          280




Lecteurs (1423) Voir plus



Quiz Voir plus

Littérature québécoise

Quel est le titre du premier roman canadien-français?

Les anciens canadiens
La terre paternelle
Les rapaillages
L'influence d'un livre
Maria Chapdelaine

18 questions
221 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature québécoise , québec , québécoisCréer un quiz sur ce livre

{* *}