En ces temps de repli sur soi, on ne peut qu'applaudir les personnes qui exportent leur culture propre et ont le souci de répandre des oeuvres littéraires méconnues dans le monde.
C'est le cas de Gabrielle (Tandarica) qui s'attache à nous faire connaître les oeuvres des grands poètes roumains, par le truchement bienveillant de Babelio.
J'ignorais jusqu'à présent l'existence de ces auteurs,
Ion Heliade,
Ion Pillat ou
George Schinteie, et suis heureuse de découvrir ce pan de notre culture romane (seul le dernier est ici concerné), et ce en dépit de mes réticences envers la poésie contemporaine. Mon tiercé préféré est probablement constitué de
Baudelaire,
Verlaine et
Apollinaire.
Certes, les thèmes abordés par
George Schinteie sont tout à fait classiques, eux : l'
amour (et la rupture
amoureuse, la solitude), la fuite du temps et de notre vie en même temps, la nature au fil des saisons, la religion, … Les motifs récurrents possèdent aussi un certain charme, la nuit, le papillon, l'arc-en-ciel...
Certains
poèmes ou fragments de
poèmes m'ont même profondément touchée :
Comme un point sur la sécante : j'ai aperçu la pleine lune/un miroir rond/aux cimes des bouleaux/j'écarquillais les yeux tel un enfant/devant la mer qu'il voit/pour la première fois (un clin d'oeil à la ballade à la lune,
De Musset ?)
Couronnement : entre rêve et réalité/la montagne gémit de verdure/et la rosée se penche en arrière/comme un fleuve qui coule depuis/ta chevelure, etc. (je trouve ce
poème splendide)
Mărtișor, le plus classique, aux rimes croisées (et souvent riches)
Comme si : mettons un frein au temps/me dit l'ange/et il me prend par la main:/réjouis-toi de l'instant qui presque/nous recouvre la marche/et regarde vers l'horizon/comme si tu cueillais lentement/le pappus des pissenlits/qui recouvre les étoiles
je couds avec une aiguille invisible/des nuits rebelles et/des journées sereines/dans une capote de mots/le poème grelottant/que j'écrirai/quand je ne serai plus
Mais, dans l'ensemble, je trouve cette poésie, proche de la prose poétique, hormis la mise en page, un peu obscure, parfois même affectée (vocabulaire rare, emploi de mots de registre relevé). Je ne pourrais pas faire de cette oeuvre un livre de chevet, très aimé et cent fois ouvert et repris.
J'ai également regretté que le texte original et la traduction ne soient pas en vis à vis, ce qui est probablement plus complexe à mettre en page, mais tellement plus intéressant pour le lecteur, qui peut ainsi comparer les mots des deux langues, même sans comprendre l'une d'entre elles, leur ordre, la rythmique. On peut retrouver les
poèmes en roumain pour cette comparaison, je l'ai fait, mais c'est moins aisé.
J'ajouterai que la postface de la traductrice, Gabrielle, est remarquablement intéressante !