"Tu es qui tu es". C'est sur cette tautologie que se clôt le roman.
Loin d'être une figure de style gratuite cette affirmation prend son sens à la lecture de ce récit court mais d'une ambitieuse portée.
Dès les premières lignes j'ai renoué avec un plaisir non dissimulé avec l'écriture froide et dense de Ferdinand von Schirach.
À Berlin, un ouvrier italien sans passé judiciaire, Fabrizio Collini, abat un octogénaire allemand, et s'acharne sur sa victime. La victime, c'est Hans Meyer, un industriel estimé.
Contrairement au bref résumé, rien n'est simple.
L'enquête se heurte à un premier écueil avec le mutisme total de l'assassin quant à son mobile.
Comme on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent pour avancer
Ferdinand von Schirach va s'attarder sur le jeune avocat et ses liens personnels avec Hans Meyer, un grand père aimant et sa belle famille. le récit, pendant la première moitié du livre reste neutre, gris et on reste largement à la périphérie de l'enjeu.
Le suspense est de fait bien ménagé.
Plus intéressant à mon goût est, pendant le procès de l'accusé, la révélation du passé. le vieil homme était un ex commandant SS et la relecture de ses actes plus de soixante ans plus tard prend un nouveau sens.
L'histoire de ce bourreau SS est de fait inspirée d'une histoire vraie.
L'intrigue se polarise alors sur la façon dont l'Allemagne a soldé son passé hier et la façon dont elle l'interroge aujourd'hui.
La bataille juridique portant sur la promulgation d'une loi et ses conséquences sont au coeur du procès. C'est assez technique et l'auteur, en bon pédagogue, met en scène la problématique pour un public non initié.
Contrairement à ses nouvelles qui collent aux faits réels sans fiction additionnelle,
Ferdinand von Schirach propose ici un roman. Il étoffe le récit avec une intrigue autour de l'avocat, son passé, sa personnalité, ses tâtonnements de néophyte...On comprend son intention. Il s'agit de montrer que les anciens nazis ont repris l'apparence d'hommes ordinaires voire sympathiques. Avec la fiction, l'histoire et les questions de droit, se trouvent incarnées.
On est à la confluence d'un roman à suspense, d'un drame personnel, d'un livre de procès, d'histoire. C'est avant tout un livre engagé que l'on lit d'une seule traite.
Un livre qui a contribué par son succès à faire avancer la réflexion et l'ouverture d'une Commission d'enquête en Allemagne " pour évaluer l'empreinte laissée par le passé nazi"